16 n°6 <strong>2010</strong>poursuivre son chemin. Et stationner plus<strong>de</strong> trois mois sur un terrain <strong>de</strong> sonappartenance l'oblige à déposer un dossierplus complexe qu'une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> permis <strong>de</strong>construire. Le décr<strong>et</strong> du 4 septembre 1980relatif au camping, au stationnement <strong><strong>de</strong>s</strong>caravanes <strong>et</strong> à l'implantation d'habitationslégères <strong>de</strong> loisirs s'ajoute aux dispositionsprécé<strong>de</strong>ntes <strong>et</strong> rend kafkaien l'arrêt <strong><strong>de</strong>s</strong>noma<strong><strong>de</strong>s</strong> 38 . Aux mesures qui réglemententspécialement le stationnement <strong><strong>de</strong>s</strong> « gens duvoyage » viennent s'ajouter, paradoxalement,pour eux qui ne sont généralement pasacceptés dans les terrains <strong>de</strong> camping, laréglementation dorénavant complexe quitouche les caravaniers. Il y a donc une fois<strong>de</strong> plus à l'égard <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>et</strong> Tsiganessuperposition <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux réglementations : cellequi leur est spécifique <strong>et</strong> une autre, pluslarge, qui les englobe aussi sans reconnaîtreleur spécificité, situation qui les m<strong>et</strong> d'avance<strong>et</strong> inéluctablement, pour <strong>de</strong> nombreux cas,dans une situation illégale. Entre autresconséquences, il résulte du nouveau décr<strong>et</strong>que <strong><strong>de</strong>s</strong> interdictions anciennement prévuespour la création <strong>de</strong> terrains aménagés (ce quireprésente une infrastructure <strong>et</strong> unepermanence qui peuvent justifier la pru<strong>de</strong>nce<strong>et</strong> les difficultés administratives) sontétendues au stationnement, même isolé <strong>et</strong>bref, <strong>de</strong> toutes les caravanes. Lestationnement <strong>de</strong>vient interdit dans les sitesclassés ou inscrits, dans les zones définiespar la loi <strong>de</strong> 1913 sur les monumentshistoriques classés ou inscrits ou proposéspour le classement, dans les zones <strong>de</strong>protection établies en application <strong>de</strong> la loi du2 mai 1930 sur la protection <strong><strong>de</strong>s</strong> monumentsnaturels <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> sites, dans les bois, forêts,parcs classés par un plan d'urbanisme ou unplan d'occupation <strong><strong>de</strong>s</strong> sols comme espacesboisés à conserver.38 Décr<strong>et</strong> n° 80-694 du 4 septembre 1980, JournalOfficiel, 7 septembre 1980, pp. 2121-2122. Ce décr<strong>et</strong>modifie surtout le co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'urbanisme, mais aussi lesdécr<strong>et</strong>s <strong><strong>de</strong>s</strong> 7 février 1959 <strong>et</strong> 9 février 1968 relatifs aucamping <strong>et</strong> les décr<strong>et</strong>s <strong><strong>de</strong>s</strong> 25 mai 1968 <strong>et</strong> 18novembre 1975 relatifs aux villages <strong>de</strong> vacances. Unelongue circulaire du 13 mars 1981 s'ajoute au décr<strong>et</strong>du 4 septembre 1980 <strong>et</strong> en renforce les tendances.Au nom <strong>de</strong> l'écologie laréglementation interdit les écologistespratiquants qui souhaitent utiliser la nature<strong>et</strong> les sites qu'elle propose. Laréglementation protège les sites en lesm<strong>et</strong>tant sous une vitrine dont latransparence est illusoire. Il <strong>de</strong>vient interdit<strong>de</strong> s'y arrêter. Au lieu <strong>de</strong> pénaliser <strong><strong>de</strong>s</strong> abuson interdit l'activité qui est susceptible d'ymener : c'est encore là <strong>de</strong> la préventiongénéralisée. Ce n'est plus le délit qui estsanctionné mais la situation dans laquellel'individu pourrait être amené à lecomm<strong>et</strong>tre. D'ailleurs, dispositionaggravante, les infractions, qui renvoientdorénavant au co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'urbanisme, sont <strong><strong>de</strong>s</strong>délits qui ne sont plus du ressort du tribunal<strong>de</strong> simple police <strong>et</strong> qui débouchent non plussur une amen<strong>de</strong> mais sur une condamnationpénale.Enfin, <strong>et</strong> ici réapparaît l'ambiguïté dudiscours <strong><strong>de</strong>s</strong> pouvoirs publics, la mise enapplication <strong>de</strong> la réglementation repose surles maires <strong>et</strong> donc sur leur arbitraire qui atendance à s'exercer au détriment <strong><strong>de</strong>s</strong>noma<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> passage, alors que l'accueil <strong><strong>de</strong>s</strong>touristes en caravane est favorisé. Ce décr<strong>et</strong>pris pour tous les caravaniers toucheparticulièrement les noma<strong><strong>de</strong>s</strong>, parl'utilisation discriminative qui peut en êtrefaite. Les armes fournies par les pouvoirspublics aux autorités locales apparaissentainsi comme <strong>de</strong> plus en plus diversifiées, <strong>et</strong>en contradiction avec le discoursd'assimilation tenu par ailleurs.En Belgique, comme en France,comme en Gran<strong>de</strong>-Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> ailleurs, lesdirectives gouvernementales restent sanseff<strong>et</strong>, <strong>et</strong> les textes parus au Moniteur Belge nesont pas plus efficaces que ceux du JournalOfficiel 39 .39 Elisa <strong>et</strong> Léon Tambour, Le statut juridique <strong><strong>de</strong>s</strong> Tsiganesen Belgique, 1977, multigr. Cf. aussi le document duConseil <strong>de</strong> l'Europe CPL/Cult (14) la partie 1-Belgique : Rôle <strong>et</strong> responsabilité <strong><strong>de</strong>s</strong> collectivités locales <strong>et</strong>régionales face aux problèmes culturels <strong>et</strong> sociaux <strong><strong>de</strong>s</strong>populations d'origine noma<strong>de</strong>, 31 oct. 1979. PascalChevalier <strong>et</strong> Françoise Herbay , A travers la situation <strong><strong>de</strong>s</strong>itinérants, statut juridique <strong><strong>de</strong>s</strong> Tsiganes en Belgique, U.O.L.,
n°6 <strong>2010</strong> 17Les aires <strong>de</strong> réclusionLa secon<strong>de</strong> moitié du 20e siècle voits'affronter <strong><strong>de</strong>s</strong> courants divers dans l<strong>et</strong>raitement <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Tsiganes. Si<strong>de</strong> la part <strong><strong>de</strong>s</strong> pouvoirs publics l'assimilationest souhaitée, avec la mise en place d'uneréglementation <strong>de</strong> plus en plus complexeenveloppée d'un discours humaniste <strong>et</strong>développée pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisonstechnocratiques, le rej<strong>et</strong> <strong>de</strong> la part <strong><strong>de</strong>s</strong>autorités locales <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> populations dont ellessont les élues reste brut, brutal, artisanal,sans nuance. Ces proies faciles pour lamaréchaussée que sont les noma<strong><strong>de</strong>s</strong> n'ontpas besoin d'être fichées <strong>et</strong> jusqu'au seuil <strong><strong>de</strong>s</strong>années quatre-vingt le contrôle par unordinateur central <strong>de</strong> ces populationsmarginales ne rassure pas assez celui qui,même <strong>de</strong> loin, voit s'installer <strong><strong>de</strong>s</strong> caravanesdans la commune 40 . Une loi comme celle <strong>de</strong>1969 ne suffit pas à changer les mentalitésqui en restent à celle <strong>de</strong> 1912 41 . L'attitu<strong>de</strong> àl'égard du Tsigane n'est pas une question <strong>de</strong>loi mais d'état d'esprit alimenté par lesimages <strong>et</strong> représentations que chacun s'enfait.Qu'importe les directivesgouvernementales. Le rej<strong>et</strong> <strong>de</strong>meure. Il estexpérience quotidienne. Dans chaque régionle Tsigane est toujours un homme en sursis,voleur <strong>et</strong> fauteur <strong>de</strong> troubles en puissance,donc appréhendé en instance, éternelrécidiviste par le fait même <strong>de</strong> n'avoir pasobtempéré aux textes qui <strong>de</strong>puis <strong><strong>de</strong>s</strong> sièclesSéminaire <strong>de</strong> droit international privé, 1974-1975,notamment pp. 54 <strong>et</strong> suiv.40 Suite à la loi <strong>de</strong> 1969 a été créé un fichier nationalgéré par la Gendarmerie nationale à Rosny-sous-Bois.Système PROSAM, mémoire FILMOREX avecmicro fichiers . Au 15 avril 1976, 60858 « sansdomicile ni rési<strong>de</strong>nce fixe » adultes sont répertoriés.Chiffre donné par M. Bertrand Cadi <strong>et</strong> le ColonelProuteau (chef du Service Technique <strong>de</strong> RecherchesJudiciaires <strong>de</strong> la Gendarmerie Nationale) dansContribution à l'étu<strong>de</strong> d'un groupe marginal dans la sociétéfrançaise, IXe Congrès International <strong>de</strong> DéfenseSociale, p. 10 (document non daté).41 Au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> ces lois , J.-P. Liégeois, « Tsiganes,noma<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>et</strong> pouvoirs publics en France au 20esiècle », Pluriel, n°19, 1979.l'ont banni ou promis aux galères ou à lapotence. Au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> siècles passés lesautorités locales ne tenaient que rarementcompte <strong><strong>de</strong>s</strong> l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong> protection du roi dontquelques groupes tsiganes étaient porteurs.La peur <strong>de</strong>meure au 20e siècle, <strong>et</strong> lesattitu<strong><strong>de</strong>s</strong> qui en découlent.Certains maires empilent mot à motles griefs qui légalement leur perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong>repousser les noma<strong><strong>de</strong>s</strong> ; ils pensent que leuraddition donnera du poids à l'arrêté qu'ilsprennent : le 16 septembre 1980, le maire <strong>de</strong>Longeault (Côte-d'Or), dans son arrêté,considèreque le campement <strong>et</strong> le stationnement sur lavoie publique d'individus n'ayant pas <strong>de</strong>domicile fixe présentent <strong>de</strong> sérieuxinconvénients <strong>et</strong> souvent même <strong><strong>de</strong>s</strong> dangers aupoint <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l'hygiène publique <strong>et</strong> <strong>de</strong> lasécurité <strong><strong>de</strong>s</strong> biens <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes ; qu'ilsgênent d'ailleurs la circulation publique <strong>et</strong>sont une cause permanente <strong>de</strong> désordre.L'assemblage <strong><strong>de</strong>s</strong> termes, dont aucunn'a <strong>de</strong> sens précis, induit un portraithorrifiant <strong><strong>de</strong>s</strong> maux dûs à ceux n'ayant pas <strong>de</strong>domicile fixe il convient alors <strong>de</strong> s'en protégerpar une réglementation.L'image <strong><strong>de</strong>s</strong> Tsiganes telle qu'elle s'estreproduite au cours <strong>de</strong> l'histoire <strong>de</strong> leurscontacts avec ceux qui les entourent a <strong>de</strong>quoi susciter une peur justificatrice <strong>et</strong>inspiratrice du rej<strong>et</strong>. Il est question jusqu'au20e siècle <strong>de</strong> « ravages <strong>et</strong> désordres », <strong>de</strong>« pilleries <strong>et</strong> saccages ». L'amalgame avec lesvagabonds <strong>et</strong> gens sans aveu, avec lesdéserteurs armés <strong><strong>de</strong>s</strong> troupes royales <strong>et</strong> lesbandits <strong>de</strong> grands chemins fait que le terme<strong>de</strong> noma<strong>de</strong>, <strong>de</strong> Gitan ou <strong>de</strong> bohémien qui<strong>de</strong>meure au 20 e siècle est à lui seul porteur<strong><strong>de</strong>s</strong> exactions attribuées à ceux qu'ils ontcôtoyés 42 . Le stéréotype qui s'est fixé est unmélange <strong>de</strong> crainte imprécise <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>uperstitions à base d'histoires42 Nous verrons ailleurs quelle est la réalité <strong>de</strong> lacriminalité tsigane qui n'a rien <strong>de</strong> commun avecl'image qu'on s'en fait.
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