Le Livre Blanc des Open Labs
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LE LIVRE BLANC DES OPEN LABS<br />
LES OPEN LABS DANS UNE PERSPECTIVE THÉMATIQUE<br />
Au premier abord, les activités <strong>des</strong> living labs<br />
santé, leurs outils et méthodologies créent une<br />
césure avec ce qui existe par ailleurs en médecine :<br />
ils travaillent sur <strong>des</strong> thématiques nouvelles, mobilisent<br />
<strong>des</strong> outils qui peuvent apparaître « iconoclastes<br />
», comme apporter une console wii à<br />
une consultation mémoire ou introduire le <strong>des</strong>ign<br />
à l’hôpital. Progressivement, via <strong>des</strong> réalisations<br />
concrètes, les équipes <strong>des</strong> living labs parviennent<br />
à faire reconnaître la légitimité de leurs actions et<br />
métho<strong>des</strong>, voire à obtenir que les médecins soutiennent<br />
ces initiatives et les sollicitent.<br />
Au sein de Lusage, aujourd’hui, les activités sont<br />
mieux acceptées par les médecins. Au cours <strong>des</strong><br />
consultations, les médecins eux-mêmes proposent<br />
aux patients de participer aux projets portés par<br />
le living lab. Ils collaborent sur un projet d’agent<br />
virtuel, dont ils acceptent qu’il soit testé auprès <strong>des</strong><br />
résidents de moyens et longs séjours.<br />
b. Des effets inattendus : émergence<br />
de nouveaux comportements sociaux<br />
La création de communautés d’usagers n’était pas<br />
nécessairement un objectif conscient <strong>des</strong> living<br />
labs santé et autonomie. Néanmoins, pour certains<br />
living labs, cette nouvelle dynamique constitue<br />
un apport de leurs activités concrètes. Lusage<br />
« fidélise » les usagers qui viennent participer à<br />
<strong>des</strong> tests de technologie. Il leur propose de revenir<br />
ou leur permet de le faire lorsqu’ils sont demandeurs.<br />
Il fait interagir <strong>des</strong> usagers de contextes<br />
différents (mala<strong>des</strong> ou bien portants), et envisage<br />
même de provoquer <strong>des</strong> rencontres intergénérationnelles<br />
sur les technologies que le living lab met<br />
en test. <strong>Le</strong>s outils favorisant la parole <strong>des</strong> usagers<br />
ont permis la distinction de deux catégories d’usagers<br />
en fonction de leur expertise. <strong>Le</strong>s usagers<br />
sont d’abord experts de leur quotidien, de leurs<br />
difficultés, de leurs besoins, de leurs ressentis, et<br />
de leurs handicaps le cas échéant. Ensuite, ils<br />
deviennent <strong>des</strong> experts dans les tests lorsqu’ils<br />
sont amenés à revenir plusieurs fois auprès du living<br />
lab, ou experts dans la connaissance d’un dispositif<br />
technologique lorsqu’ils sont amenés à le<br />
tester plusieurs fois. Ce deuxième type d’expertise<br />
permet de distinguer <strong>des</strong> usagers « avertis » <strong>des</strong><br />
usagers « novices ». <strong>Le</strong>s premiers sont à même<br />
d’aider les seconds au cours <strong>des</strong> séances et ont<br />
un rôle de de facilitateurs pour les « nouveaux ».<br />
Dans ce contexte, le living lab a pu constater<br />
l’émergence d’une entraide entre <strong>des</strong> personnes<br />
familiarisées aux technologies de santé, devenues<br />
expertes au fil <strong>des</strong> tests, et <strong>des</strong> personnes novices<br />
ou qui manifestent <strong>des</strong> difficultés de compréhension<br />
de ces outils.<br />
<strong>Le</strong>s activités <strong>des</strong> living labs ont pu donner lieu à<br />
d’autres types d’effets transformatifs qui n’étaient<br />
pas attendus. Par exemple, à l’issue de la réalisation<br />
de certains de ses projets, l’équipe de La Fabrique<br />
de l’Hospitalité a pu observer une baisse du turnover<br />
et de l’absentéisme du personnel ou une augmentation<br />
de la motivation qui sont directement<br />
induites par les activités du living lab.<br />
Sur un autre plan, le directeur du Ceremh faisait<br />
remarquer que, d’une manière générale, le domaine<br />
social est souvent présenté sous l’angle de ce qu’il<br />
coûte, rarement de ce qu’il rapporte individuellement<br />
et collectivement. Par exemple, si l’on<br />
donne la possibilité à une personne à mobilité<br />
réduite d’utiliser un véhicule aménagé, on lui permet<br />
aussi de retourner sur le marché du travail et elle<br />
n’a plus besoin d’utiliser le système d’aide de la<br />
même façon. L’amélioration de l’autonomie d’une<br />
personne à mobilité réduite va donc au-delà du<br />
fait que l’on apporte un confort de vie supérieur à<br />
cette personne : il existe aussi une dimension collective<br />
et, à tout le moins, un impact social (positif)<br />
de ces activités.<br />
d. <strong>Le</strong>s living labs de la santé porteurs<br />
d’innovation organisationnelle<br />
Parce qu’ils mobilisent différents acteurs (industriels,<br />
usagers, personnels médicaux, métiers<br />
créatifs), les living labs santé et autonomie sont<br />
porteurs d’innovation technologique pour la santé.<br />
Par leur caractère transversal, ils sont aussi porteurs<br />
d’innovations organisationnelles. Ils permettent<br />
un travail collectif entre <strong>des</strong> acteurs qui<br />
parfois s’ignoraient, et permettent de dépasser les<br />
frontières structurelles ou sectorielles. Ils viennent<br />
ainsi compléter le paysage du système de santé<br />
français, en contribuant à enrichir la dichotomie<br />
existante entre modèle vertical et horizontal et entre<br />
modèle public et marchand.<br />
A partir <strong>des</strong> cas présentés, les living labs peuvent<br />
être positionnés dans le cadran « nord est » de la<br />
matrice (cf figure 49), alors qu’il n’existait pas<br />
de structures médicales qui présentait les caractéristiques<br />
d’ouverture dans le secteur public de la<br />
santé. Cette ouverture se manifeste notamment<br />
dans l’implication de l’usager qui n’est plus considéré<br />
comme un patient ignorant qui se fait dicter<br />
son comportement dans le système de santé, mais<br />
comme un expert de sa santé et de l’amélioration<br />
de son confort de vie. Il est ainsi amené à collaborer<br />
dans une recherche médicale ou dans le<br />
développement d’un outil d’amélioration de la<br />
qualité de vie.<br />
<strong>Le</strong>s living apparaissent ainsi comme <strong>des</strong> électrons<br />
libres. D’une part, parce que le soutien de la hiérarchie<br />
leur laisse le champ libre dans le choix de<br />
leurs projets et la manière de les réaliser. D’autre<br />
part, parce qu’ils apparaissent comme atypiques<br />
dans le paysage de l’organisation du soin, ajoutant<br />
dans la majorité <strong>des</strong> cas la référence au<br />
modèle horizontal ouvert à la logique de service<br />
public.<br />
« Petit à petit ça se met en place<br />
C'est pourtant un projet pas facile à accepter.<br />
Il y a 5 ans, il n'aurait pas été accepté aussi<br />
facilement, voire pas du tout. »<br />
Source : Entretien avec Maribel Piño,<br />
Responsable scientifique de Lusage,<br />
le 31 mars 2015<br />
La même évolution a pu être constatée du côté<br />
<strong>des</strong> industriels. Ils accordent maintenant une légitimité<br />
aux living labs santé du fait de l’expertise<br />
qui s’y est construite.<br />
« <strong>Le</strong> living lab apporte une certaine visibilité,<br />
mais c'est surtout l'expérience et les publications<br />
qui appellent les sollicitations <strong>des</strong> industriels. »<br />
Source : Entretien avec Maribel Piño,<br />
Responsable scientifique de Lusage,<br />
le 31 mars 2015<br />
c. Des pratiques dont la pérennité<br />
dépend du soutien de « sponsors »<br />
Bien que ces lieux apparaissent comme décalés<br />
par rapport aux structures de soin traditionnelles,<br />
les living labs santé et autonomie reçoivent le plus<br />
souvent le soutien de la hiérarchie de la structure<br />
publique ou privée qui les porte. Dès l’origine,<br />
cette hiérarchie accueille favorablement l’initiative<br />
du living lab. Par la suite, elle lui assure une continuité<br />
grâce à l’attribution de ressources (locaux,<br />
personnels, budgets), ce qui revêt un caractère<br />
plutôt exceptionnel dans le contexte de restriction<br />
budgétaire et d’atonie économique. <strong>Le</strong>s living labs<br />
sont donc redevables à leur « sponsor » de leur<br />
succès et de leur pérennité. <strong>Le</strong>s sponsors agissent<br />
de cette façon car ils anticipent le potentiel innovant<br />
de ces dispositifs, à l’instar <strong>des</strong> fondateurs du<br />
Forum <strong>des</strong> living labs santé et autonomie, qui<br />
voient dans ce dispositif un instrument de politique<br />
d’innovation pour la santé.<br />
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