JOURNAL ASMAC - No 5 - octobre 2017
Propreté - Diabète/Alimentation, Pilotage des admissions: prochaine étape
Propreté -
Diabète/Alimentation,
Pilotage des admissions: prochaine étape
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POINT DE MIRE ▶ PROPRETÉ<br />
Le blanchiment d’argent<br />
pour débutants<br />
Qu’est-ce que de l’argent sale? Et comment peut-on le blanchir? Le délit de blanchiment d’argent<br />
est encore relativement jeune. La loi a été créée notamment pour couper les vivres aux organisations<br />
mafieuses. Toutefois, la pratique montre que cela n’est pas si simple. Car la source des flux<br />
d’argent n’est souvent que difficilement décelable. Et même les hôpitaux peuvent être utilisés<br />
comme machines à laver.<br />
Dave Zollinger, avocat, licencié en droit 1<br />
La notion de blanchiment d’argent figure<br />
depuis 1990 dans le Code pénal (CP)<br />
suisse. Depuis lors est puni celui qui<br />
cache des valeurs patrimoniales «dont il<br />
savait ou devait présumer qu’elles provenaient<br />
d’un crime». En Suisse, les crimes<br />
sont des délits qui sont punis d’une peine<br />
privative de liberté de plus de trois ans. Le<br />
trafic de drogue, l’extorsion et le chantage,<br />
mais aussi le brigandage grave ou<br />
l’escroquerie. Il s’agit donc d’argent provenant<br />
de délits graves qu’il faut cacher.<br />
La loi désigne le blanchiment comme un<br />
acte «propre à entraver l’identification de<br />
l’origine, la découverte ou la confiscation<br />
de valeurs patrimoniales». L’auteur veut<br />
donc cacher le produit du crime de façon<br />
à ce que l’on ne puisse plus le reconnaître<br />
comme tel et qu’il puisse en disposer librement.<br />
Par exemple en le versant sur<br />
un compte d’une autre personne ou à<br />
l’étranger, en le retirant en espèces ou en<br />
l’investissant dans un bijou, une maison<br />
ou une voiture.<br />
Bases légales<br />
Le blanchiment d’argent ne vise pas les<br />
caisses noires. Ce terme ne figure dans<br />
aucune loi, mais désigne populairement<br />
de l’argent non déclaré au fisc. Comme la<br />
plupart des délits fiscaux sont punis par<br />
1 Pendant de nombreuses années, Dave<br />
Zollinger a dirigé le ministère public compétent<br />
pour le blanchiment d’argent et les<br />
procédures internationales du canton de<br />
Zurich. En plus de cela, il a appartenu pendant<br />
près de six ans à l’autorité de surveillance<br />
du Ministère public de la Confédération.<br />
Aujourd’hui, il travaille comme avocat<br />
indépendant à Wetzikon (ZH).<br />
des peines privatives de liberté d’au maximum<br />
trois ans, il ne s’agit pas de crimes<br />
et l’argent concerné n’entre pas dans la<br />
catégorie d’argent sale. Depuis 2016, le CP<br />
a toutefois été complété: désormais, les<br />
valeurs patrimoniales provenant de délits<br />
fiscaux qualifiés sont concernées par les<br />
dispositions du CP. C’est le cas lorsque<br />
l’auteur n’a pas simplement omis de déclarer<br />
de l’argent dans la déclaration<br />
d’impôt, mais qu’il a utilisé de faux documents<br />
(par exemple une fausse comptabilité)<br />
et qu’il a ainsi soustrait plus de<br />
300 000 francs par année. Les petites<br />
entreprises ne sont généralement pas<br />
concernées.<br />
Depuis 1998, il existe une loi sur le blanchiment<br />
d’argent (LBA). Elle ne s’adresse<br />
cependant pas aux blanchisseurs d’argent,<br />
mais aux intermédiaires financiers, c’està-dire<br />
aux personnes morales ou physiques<br />
qui gèrent ou déplacent professionnellement<br />
l’argent d’autres personnes. Il<br />
peut s’agir de banques, de gestionnaires<br />
de fortune ou de fiduciaires. La LBA prescrit<br />
certaines obligations qu’ils doivent<br />
respecter dans la gestion de ces fonds.<br />
L’obligation de communiquer y occupe<br />
une place importante: si un intermédiaire<br />
financier soupçonne que l’argent de ses<br />
clients pourrait provenir d’un crime, il doit<br />
en informer les autorités. Il envoie une<br />
communication au Bureau de communication<br />
en matière de blanchiment d’argent<br />
qui porte le nom officiel de «Money Laundering<br />
Reporting Office of Switzerland<br />
MROS» et qui appartient à l’Office fédéral<br />
de la police au DFJP. Ce MROS vérifie la<br />
communication et la transmet, le cas<br />
échéant, à une autorité de poursuite pénale.<br />
C’est généralement – notamment<br />
pour les cas internationaux – le Ministère<br />
public de la Confédération.<br />
La difficulté d’établir les<br />
preuves<br />
Du point de vue historique, thématiser le<br />
blanchiment d’argent était un moyen de<br />
combattre le crime organisé. On pensait<br />
pouvoir lutter efficacement contre les organisations<br />
mafieuses en leur coupant les<br />
vivres. Le combat contre le blanchiment<br />
d’argent ne vise donc pas en premier lieu à<br />
punir des individus, mais à confisquer de<br />
l’argent en Suisse et à l’étranger. Il peut<br />
arriver que des hommes soient condamnés,<br />
mais plus souvent pour la violation de<br />
l’obligation de diligence que pour le blanchiment<br />
d’argent à proprement parler. Les<br />
cas internationaux se caractérisent généralement<br />
par l’existence d’un compte bancaire<br />
en Suisse qui est alimenté par de<br />
l’argent provenant de l’étranger. Parfois, les<br />
crimes sont aussi commis en Suisse ou leur<br />
produit y est blanchi, mais le plus souvent,<br />
ce sont des actes commis à l’étranger qui<br />
engendrent des flux financiers vers la<br />
Suisse. Cela rend l’enquête difficile. En<br />
effet, l’ensemble des éléments de preuve se<br />
trouve généralement à l’étranger.<br />
Les procédures pour blanchiment d’argent<br />
en Suisse sont souvent engagées pour des<br />
procédés de fraude ou d’autres délits<br />
contre le patrimoine et non pas pour des<br />
actes mafieux (trafic de drogue, chantage,<br />
etc.). Pourquoi? Parce que les autorités<br />
n’engagent des procédures que si elles ont<br />
connaissance de soupçons. Pour les délits<br />
dans le milieu de la drogue, un consensus<br />
sur le silence règne entre les personnes<br />
impliquées (p. ex. entre l’acheteur et le<br />
vendeur de la drogue). La police n’a donc<br />
pour ainsi dire jamais connaissance de<br />
ces trafics, sauf en cas de comportement<br />
suspect d’une personne ou d’une information<br />
donnée par un indicateur. Pour les<br />
délits contre le patrimoine tels que la<br />
fraude, il y a toujours une personne lésée<br />
18 VSAO <strong>JOURNAL</strong> <strong>ASMAC</strong> N° 5 Octobre <strong>2017</strong>