JOURNAL ASMAC - No 5 - octobre 2017
Propreté - Diabète/Alimentation, Pilotage des admissions: prochaine étape
Propreté -
Diabète/Alimentation,
Pilotage des admissions: prochaine étape
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POINT DE MIRE ▶ PROPRETÉ<br />
Critique de la bonne conscience<br />
Etre au clair avec soi-même, avoir la conscience nette: c’est un travail permanent. Trouver comment<br />
harmoniser nos actions et nos convictions, cela nécessite un dialogue intérieur, qui nous occupe<br />
tout au long de notre vie. Une tâche qui requiert de l’autonomie et de l’expérience, mais aussi la<br />
faculté de distinguer le «bien» du «mal».<br />
Prof. Hanspeter Schmitt, chaire de théologie morale, Haute Ecole de Théologie de Coire<br />
La propreté, au sens des normes et des<br />
prescriptions en matière d’hygiène, est<br />
certainement affaire de conscience et de<br />
respect scrupuleux des règles. Dans tous<br />
les domaines, il faut pouvoir compter sur<br />
des personnes qui assument leurs tâches<br />
de manière responsable. <strong>No</strong>tamment dans<br />
le secteur des soins et des traitements médicaux,<br />
qui sont régis par des règles spécifiques,<br />
devant être appliquées de manière<br />
rigoureuse. Respecter le protocole,<br />
les normes d’hygiène et les précautions<br />
d’usage, mais sans étouffer toute spontanéité,<br />
ni tout lien social, aussi nécessaires<br />
et salutaires pour le patient. Pour trouver<br />
son chemin entre ces différents impératifs<br />
il faut savoir évaluer la situation, au cas<br />
par cas. Ce qui nous mène au cœur de<br />
l’activité de la conscience humaine.<br />
Une conscience nette?<br />
Mon but n’est pas de disserter sur les pratiques<br />
professionnelles en matière de propreté.<br />
Ce qui nous occupe ici, c’est bien<br />
plutôt l’activité de la conscience en tant<br />
que telle. La notion de «conscience nette»,<br />
à laquelle on se réfère volontiers, est un<br />
concept qui mérite d’être clarifié. Quand<br />
Untel se dit «au clair avec sa conscience»<br />
et se sent dédouané, qu’est-ce que cela signifie?<br />
Face à une situation complexe, il<br />
est convaincu de n’avoir compromis ni ses<br />
principes ni ses convictions profondes<br />
quant à sa vision de l’humanité. La<br />
conscience se fait en quelque sorte le truchement<br />
de l’identité morale! Aussitôt me<br />
vient à l’esprit cette citation du satiriste<br />
Stanislaw Jerzy Lec (1909-1966): «Sa<br />
conscience était pure. Il ne l’utilisait jamais.»<br />
Une critique pertinente de cette<br />
bonne conscience couramment invoquée.<br />
Que reste-t-il de la conscience, pointe le<br />
poète, si on renonce, par commodité, par<br />
ruse ou par lâcheté, à se préoccuper de<br />
justice sociale, ou à s’impliquer pour<br />
construire un monde meilleur? Autrement<br />
dit: c’est bien davantage dans l’engagement<br />
personnel, dans le questionnement<br />
sur le bien, aux niveaux personnel, social<br />
et planétaire, que consiste l’activité de la<br />
conscience. Une conscience qui tendrait à<br />
imaginer des solutions humaines et pertinentes,<br />
c’est en cela qu’on pourrait la<br />
qualifier de «pure», ou de «bonne».<br />
Une rhétorique douteuse<br />
Dans cet exercice exigeant, autant que<br />
fascinant, on remarque combien la<br />
conscience sert bien souvent une rhétorique<br />
douteuse. Ce n’est pas toujours la<br />
conscience qui est en jeu quand on se<br />
réclame d’elle ou quand on l’assène<br />
comme argument. Convoquée à tort et à<br />
travers, elle ne sert parfois qu’à masquer<br />
une défense d’intérêt personnel ou à se<br />
retrancher derrière des préjugés. Quand ce<br />
n’est pas à intimider l’autre. Au sein d’institutions<br />
ou de relations hiérarchiques,<br />
cela se passe bien souvent sur un mode<br />
autoritaire et répressif. On impose un avis<br />
ou un processus, présenté comme seule<br />
voie envisageable et on met fin arbitrairement<br />
à toute discussion. Dans de telles<br />
situations précaires, les personnes tributaires<br />
pourraient être amenées à taire la<br />
voix de leur conscience, à ne plus savoir<br />
l’écouter, pour dériver vers une forme<br />
d’autocensure. C’est une atteinte à leur<br />
liberté, autant qu’à leur dignité! On leur<br />
dénie le droit de questionner la nature de<br />
leurs activités, de se forger leurs propres<br />
opinions et convictions. En un mot: on les<br />
coupe de leur propre humanité. Un tel<br />
système, où la conscience n’a plus sa<br />
place, ne peut que produire l’enfermement,<br />
la névrose, l’anxiété, l’absence de<br />
discernement.<br />
Clarification salutaire<br />
Mais nous n’avons pas encore dit en quoi<br />
consiste la conscience engagée, clairvoyante<br />
et circonspecte, tournée vers le<br />
bien. La réponse est développée ci-après,<br />
mais peut se résumer ainsi: la conscience<br />
est la compétence de mener une analyse<br />
autocritique autonome.<br />
• Au sujet de l’autonomie, déjà évoquée<br />
plus haut: on se réfère ici à la possibilité<br />
de déterminer soi-même ses actes et<br />
au fait de faire usage de cette possibilité.<br />
Il ne s’agit pas d’action arbitraire,<br />
mais d’action humaine, fondée sur des<br />
convictions et légitimée par de bonnes<br />
raisons. Ce n’est qu’à cette condition<br />
que peuvent être garanties la dignité et<br />
la justice subjective de toute pratique<br />
humaine. Ainsi comprise, la conscience<br />
contribue à renforcer le principe de distinction<br />
entre le «bien» et le «mal», elle<br />
suggère aussi à cet égard de judicieuses<br />
délibérations, en vue de déterminer en<br />
quoi consiste le bien, ou l’humain, dans<br />
tel ou tel contexte. A la fin, elle engage<br />
l’auteur de ces réflexions à agir en<br />
conformité avec ses conclusions.<br />
• On reconnaît déjà là un processus<br />
d’analyse autocritique approfondie, visant<br />
à cerner l’identité morale. Quand<br />
on se représente la conscience comme<br />
fonction ou organe d’une «mathématique<br />
de l’éthique», on ne fait qu’effleurer<br />
sa nature, dans la mesure où il s’agit<br />
d’imaginer une solution concrète à un<br />
problème pratique. Cet exercice place<br />
toutefois la personne face à elle-même:<br />
inlassablement elle retourne dans son<br />
esprit la question de savoir si ses pensées,<br />
sa volonté et son action sont en<br />
accord avec son sentiment d’humanité.<br />
Ce qui se traduit par un dialogue intérieur,<br />
que nous menons avec nousmême.<br />
En lui s’exprime notre questionnement<br />
existentiel au sujet de<br />
l’intégrité et de l’élaboration constante<br />
de nos valeurs et standards humains.<br />
• Ces standards ne tombent pas du ciel et<br />
ils ne sont pas non plus façonnés par<br />
des prédispositions génétiques ou psychiques.<br />
L’aspect déterminant est bien<br />
davantage le savoir acquis et l’assurance<br />
de savoir distinguer le «bien» du<br />
N° 5 Octobre <strong>2017</strong><br />
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