JOURNAL ASMAC - No 5 - octobre 2017

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POINT DE MIRE ▶ PROPRETÉ Le feuilleton – un divertissement sans fin Le feuilleton (en anglais: soap-opera) trouve ses origines aux Etats-Unis, où il a débuté comme feuilleton radiophonique sponsorisé par les fabricants de savon et ensuite connu un énorme succès à la télévision. Outre les défis du quotidien, il comprend des protagonistes auxquels on peut facilement s’identifier. De plus, on ne perd pas le fil si jamais on loupe un épisode. Stefan Köppli, licencié ès lettres, enseignant de communication et maître d’enseignement professionnel diplômé Beaucoup de fans attendent déjà toute la journée le lancement de «leur» feuilleton. Dans ces séries, il s’agit de la (sur-)vie. Les épisodes ont pour contenu la tragédie, le bonheur, le chagrin d’amour, les problèmes en tout genre et sont tournés à une cadence effrénée. Le fan du feuilleton suit avec passion les acteurs et leurs tribulations plus ou moins grandes. Or, la plupart des fans de feuilleton ne se rendent pas compte que tout cela n’a pas grand-chose à voir avec la réalité. Ils considèrent les acteurs comme une famille de substitution, car la plupart d’entre eux ne vivraient jamais au quotidien autant d’évènements passionnants que ceux qui se déroulent dans le feuilleton. Les feuilletons connaissent un grand succès et comptent régulièrement des millions de fidèles téléspectateurs. Cela s’explique notamment par le fait qu’il faut suivre régulièrement la série pour ne pas perdre le fil. Origine et naissance Les soap-operas trouvent leur origine aux Etats-Unis dans les feuilletons radiophoniques des années 30. Il s’agissait alors d’un produit médiatique à but publicitaire spécialement orienté sur les ménagères. Pour cela, les stations de radio attirèrent notamment les fabricants de savon et autres produits d’hygiène comme «Procter & Gamble» ou «Colgate-Palmolive» comme sponsors. C’est de là que provient le terme «soap-opera». Sur le plan formel, il s’agissait d’un développement thématique répétitif et lent structuré par des conversations. Les épisodes étaient conçus pour que les auditrices puissent suivre l’action pendant qu’elles travaillaient dans la maison ou aussi s’y retrouver si elles loupaient un épisode. Rien d’étonnant donc que les feuilletons radiophoniques ont vite connu un grand succès et que les ménagères organisaient leur travail en fonction des émissions. Ce n’est que l’avènement de la télévision qui a interrompu l’énorme succès des feuilletons radiophoniques, ce qui a incité de nombreux sponsors à quitter la radio et à produire des feuilletons télévisés qui sont encore aujourd’hui désignés comme la «radio en images». Interminable et axé sur les mots La principale caractéristique du feuilleton est de n’avoir ni début, ni fin. Pour le téléspectateur, il est donc possible de suivre l’action, même s’il ne l’a pas suivie dès le début. Une fin n’est pas non plus prévue, car il s’agit d’une série sans fin. Cette infinitude narrative et la structure narrative sont étroitement liées. En raison de la succession dense des différents épisodes, le feuilleton doit avoir un rythme du récit très lent. Une autre caractéristique du feuilleton est le respect d’une continuité temporelle. En évitant des sauts dans le temps pendant un épisode, le spectateur a l’impression de participer à tous les évènements vécus par les différents personnages. Pour renforcer ce sentiment, les feuilletons diffusés quotidiennement réutilisent souvent la même scène qui a marqué la fin de l’épisode de la veille. Une autre caractéristique est la dominance des mots. Pour les feuilletons radiophoniques, elle était bien évidemment indispensable. Et elle a conservé son importance jusqu’à ce jour. Il y a trois raisons à cela: premièrement, les possibilités cinématographiques d’un feuilleton sont très limitées, car le calendrier de la production est très serré et les budgets sont limités. Les prises de vue extérieures se limitent donc au strict minimum. Deuxièmement, cela permet au téléspectateur de suivre l’action, même s’il n’est pas très attentif. Une troisième raison est que les suppositions des différents personnages quant au comportement futur des autres protagonistes ne peuvent être exprimées que par les paroles prononcées. La complexité des relations entre les différents personnages est une autre caractéristique des feuilletons. Le réseau de relations étroit est normalement construit par le biais de l’environnement familial ou social. Les spectateurs et leurs motivations Longtemps, les fans de feuilletons étaient considérés comme des victimes, de sexe féminin, sans défense face au message médiatique. Même si aujourd’hui encore, la majorité des destinataires sont des femmes, les résultats de la recherche médiatique montrent que le fan de feuilleton typique possède de nos jours une image plus hétérogène. Mais à quoi tient la fascination? Il est prouvé que différents processus émotionnels inconscients déterminent la perception des feuilletons. Les chercheurs ont établi différents liens entre les spectateurs et les feuilletons. Les résultats scientifiques suivants ont pu être établis: – plus le mécontentement dans la vie est élevé, plus l’implication dans les histoires est grande, – les spectateurs satisfaits considèrent le feuilleton comme un divertissement, alors que les spectateurs mécontents citent des motifs échappatoires. D’autres motifs expliquant la consommation de feuilletons sont l’identification ou la relation avec les protagonistes, les solutions pour les problèmes quotidiens, les éléments du quotidien (rituel/routine), les expériences émotionnelles et comme déjà mentionné, le divertissement. 32 VSAO JOURNAL ASMAC N° 5 Octobre 2017
POINT DE MIRE ▶ PROPRETÉ Productions américaines et britanniques Pour simplifier, on peut dire qu’il existe deux types de feuilletons. Il s’agit des feuilletons américains et britanniques. Alors que le soap nord-américain (p. ex. Dallas ou Dynastie) s’oriente selon la classe supérieure aisée, le soap-opera britannique joue dans le milieu ouvrier (p. ex. Coronation Street, EastEnders). Les thèmes repris par les feuilletons allemands comme p. ex. Gute Zeiten, Schlechte Zeiten (RTL), Marienhof (ARD) ou Unter uns (RTL) prennent modèle sur les feuilletons américains. Des éléments du réalisme social, comme on le trouve en Angleterre, sont présents dans le feuilleton Lindenstrasse (ARD). Lindenstrasse est d’ailleurs le plus ancien feuilleton de langue allemande, avec plus de 1600 épisodes diffusés depuis 1985. Productions suisses Il existe deux séries télévisées à caractère de feuilleton produites en Suisse. Le feuilleton télévisé Lüthi und Blanc était une émission de la Radio télévision suisse (SRF), diffusée entre 1999 et 2007. Elle contient toutes les caractéristiques d’un soap-opera classique et comprend différentes intrigues liées au destin des familles entourant le patron d’une fabrique de chocolat et sa famille. Après Lüthi und Blanc, la Radio télévision suisse (SRF) a produit la série Tag und Nacht. Cette série médicale a été diffusée de septembre 2008 à mai 2009 et relatait le quotidien d’un service d’urgence à la gare centrale de Zurich. Au premier plan se trouvaient les collaborateurs et leur vie privée empiétant souvent sur leur travail et le destin des individus cherchant de l’aide médicale et psychologique. En raison du faible taux d’audience, SRF n’a pas produit de deuxième saison. Tag und Nacht n’a donc pas su renouer avec le succès de Lüthi und Blanc. Cela était peut-être aussi dû au grand succès de la série télévisée américaine Dr. House avec le Docteur Gregory House, un spécialiste du diagnostic, celle-ci appartenant d’ailleurs au genre du drame et pas à celui du feuilleton. ■ Sources: Köppli, Stefan (1999): Soap Opera – Eigenschaften, Inhalte & Rezipienten. Unveröffentlichte Seminararbeit. Institut für Publizistikwissenschaft und Medienforschung der Universität Zürich. Rössler, Patrick (1988): Dallas und Schwarzwaldklinik – Eine Programmstudie über Seifenopern im deutschen Fernsehen. München. N° 5 Octobre 2017 VSAO JOURNAL ASMAC 33
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