Journal asmac No 6 - décembre 2023
Sauvetage - Histoires d’hôpitaux et de carottes Politique - Un guide sur la santé planétaire Médecine du sport - Prévention et traitement des blessures Déficits immunitaires secondaires - La substitution par immunoglobulines en hématologie
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Point de mire: Sauvetage<br />
Le suicide reste l’une des principales<br />
causes de décès dans le<br />
monde; environ 1 décès sur 100<br />
est un décès par suicide [1].<br />
Dans les pays à hauts revenus, le suicide<br />
est la première cause de mortalité liée à la<br />
maladie chez les jeunes [2]. Plus de 4% des<br />
jeunes en Europe déclarent avoir déjà fait<br />
une tentative de suicide [3]. Le comportement<br />
suicidaire chez les jeunes est donc<br />
un problème important et croissant.<br />
Plus de tentatives de suicide<br />
pendant la pandémie<br />
La souffrance qu’un suicide génère pour<br />
les familles touchées et l’environnement<br />
social, ainsi que les coûts pour la société<br />
sont considérables. Les tendances actuelles<br />
en Suisse sont préoccupantes [4].<br />
La pandémie de COVID-19 s’est accompagnée<br />
d’une augmentation substantielle<br />
des urgences en pédopsychiatrie et d’une<br />
aggravation de la pénurie de ressources<br />
déjà existante au sein du système de soins<br />
psychiatriques pour enfants et adolescents<br />
[5]. En 2021, les hospitalisations<br />
pour des tentatives de suicide présumées<br />
chez des jeunes ont nettement augmenté<br />
en Suisse par rapport à 2020, en particulier<br />
chez les filles [5]. La Suisse ne fait pas exception:<br />
une étude portant sur les données<br />
de 18 pays a montré que le nombre de<br />
consultations aux urgences pédiatriques a<br />
globalement diminué pendant la pandémie<br />
COVID-19, mais que le nombre de visites<br />
aux urgences pour des tentatives de<br />
suicide a considérablement augmenté [6].<br />
Source de la tendance suicidaire<br />
Le comportement suicidaire résulte d’une<br />
interaction complexe entre des facteurs<br />
neurobiologiques, sociaux, familiaux et<br />
environnementaux. Les événements difficiles<br />
et les facteurs de stress ainsi que les<br />
dépressions et autres troubles psychiques<br />
constituent des facteurs de risque significatifs<br />
[7]. L’enfance et l’adolescence représentent<br />
la période de développement au<br />
cours de laquelle le comportement suicidaire<br />
se manifeste souvent pour la première<br />
fois. Les études indiquent également<br />
que la plupart des troubles de santé<br />
mentale chez l’adulte commencent au<br />
cours de la petite enfance et de l’adolescence<br />
[8]. Selon la théorie psychologique<br />
et interpersonnelle de Thomas Joiner,<br />
trois facteurs de risque provoqueraient le<br />
comportement suicidaire: l’appartenance<br />
contrariée («thwarted belongingness»), la<br />
perception d’être un fardeau («perceived<br />
burdensomeness»), ainsi que la capacité<br />
acquise – par exemple par la préparation<br />
mentale, les actes d’automutilation et suicidaires<br />
ou la prise de substances – à se<br />
donner la mort («acquired capability for<br />
suicide») [9]. L’automutilation est donc<br />
liée à un risque accru de comportements<br />
suicidaires [10].<br />
Renforcer les compétences<br />
socioaffectives<br />
Les jeunes suicidaires ne demandent de<br />
l’aide que rarement ou très tardivement<br />
[11, 12]. Les spots publicitaires publics de<br />
prévention du suicide destinés aux jeunes<br />
n’ont pas réussi à modifier leur attitude<br />
vis-à-vis de la prévention du suicide ni<br />
leur propension à demander de l’aide [13].<br />
Dans son guide de prévention du suicide<br />
«Live Life», fondé sur des données factuelles,<br />
l’Organisation mondiale de la Santé<br />
(OMS) recommande de promouvoir les<br />
compétences socioaffectives chez les<br />
jeunes [14]. Cette recommandation est en<br />
accord avec les résultats de la recherche<br />
qui indiquent que les programmes de prévention<br />
du suicide en milieu scolaire qui<br />
renforcent les compétences socioaffectives<br />
telles que les stratégies de gestion du<br />
stress et de résolution des problèmes, ainsi<br />
que l’autorégulation des émotions, des<br />
pensées et des actions chez les jeunes, obtiennent<br />
des résultats positifs et peuvent<br />
être considérés comme efficaces [15, 16,<br />
17]. Les jeunes sont ainsi incités à prendre<br />
en main leur propre santé mentale. De<br />
plus, ces programmes ont la capacité d’atteindre<br />
la plupart des jeunes, y compris les<br />
plus vulnérables.<br />
Tentatives de suicide réduites de<br />
moitié grâce au programme<br />
Le programme international «Youth Aware<br />
of Mental Health» (YAM) vise à améliorer<br />
les capacités d’adaptation liées au stress<br />
et à modifier les perceptions négatives.<br />
Ce programme universel en milieu scolaire<br />
a été analysé dans le cadre d’une<br />
étude multicentrique, randomisée et contrôlée<br />
portant sur plus de 11 000 jeunes<br />
de dix pays européens [15]. Par rapport<br />
au groupe de contrôle, YAM a réduit le<br />
risque de pensées suicidaires graves chez<br />
les adolescents de près de 50 % et le<br />
nombre de tentatives de suicide de plus<br />
de 50 %. Il est intéressant de noter que les<br />
interventions ciblant le personnel scolaire<br />
ou les élèves vulnérables n’ont pas<br />
eu d’effet significatif.<br />
Une étude de l’évaluation des mesures<br />
de prévention primaire du suicide<br />
pour les enfants et les adolescents suggère<br />
que les mesures en milieu scolaire empêchent<br />
les tentatives de suicide à court<br />
terme et peut-être aussi à long terme, tandis<br />
que les effets d’autres mesures en milieu<br />
communautaire sont restés incertains<br />
[16]. Les programmes de prévention<br />
du suicide en milieu scolaire se sont révélés<br />
particulièrement efficaces lorsqu’ils<br />
sont de courte durée et prévoient un suivi<br />
[17]. On estime que de tels programmes<br />
permettent de prévenir une vingtaine<br />
de tentatives de suicide («number needed<br />
to treat») [17]. Cela suggère qu’un programme<br />
d’intervention dans une ou deux<br />
salles de classe peut prévenir au moins<br />
une tentative de suicide.<br />
vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong> 6/23 39