Feature Web Design Au rythme des évolutions techniques. Sous l’influence mobile Artistes de la Toile, les web designers doivent néanmoins régulièrement brider leur talent au profit de tendances diverses, du comportement des utilisateurs, des outils disponibles et leurs possibilités… Sans pour autant perdre de leur créativité. Depuis seize ans, Somewhere rafraîchit le site Dupuis tous les quatre-cinq ans. Un rythme que la maison d’édition s’est imposé elle-même, de manière à suivre les tendances qui plaisent. <strong>PUB</strong> <strong>10</strong> 11/12/<strong>2014</strong> 36 Pub_<strong>10</strong>_36_38_FEATURE_DESIGN_mobile.indd 36 04/12/14 12:51
Qu’on se le dise, le web design, c’est bien plus que l’esthétique d’un portail ou d’une application internet. « On traite tout ce qui a trait à l’image et donc à l’identité, mais on fait aussi attention à l’ergonomie, à l’interfaceutilisateur, » raconte Georges Petkidis, creative director & founder de One Million Dollars aka 1MD. « La construction d’un site, c’est quelque chose de profondément réfléchi, il n’y a rien d’aléatoire là-dedans. Ce n’est pas juste faire joli, ça a une réelle utilité, une raison d’être. » Même piqûre de rappel de la part de Miech Rolly, creative director & founder de The Parking Lot : « Réaliser le design d’une plate-forme web, c’est aussi penser à la navigation, à la structure, de manière à rendre la visite la plus agréable LE PRINCIPAL, C’EST QU’UN SITE PLAISE À SES UTILISATEURS. MIECH ROLLY possible. Bien sûr, on prend soin des aspects graphiques parce que c’est notre métier. Mais l’esthétique, l’artistique, c’est quelque chose de très relatif… Ce qu’on essaye de faire comprendre à nos clients, c’est que le principal, ce n’est pas que leur site leur plaise à eux mais bien à ceux qui l’utilisent : les consommateurs. » D’une certaine façon, l’importance du design a gagné du terrain ces dernières années. Une mouvance à laquelle ne seraient pas étrangères des grandes marques, telle une certaine Apple qui a placé l’ergonomie au centre de ses priorités. Nos interlocuteurs le remarquent : tous internautes, tout le monde est naturellement plus éduqué, plus à même de comprendre combien le design joue un rôle dans l’appréhension de la logique, la structure, la hiérarchie d’une page web. Cela ne simplifie cependant pas forcément la tâche. « Le web design a ceci de particulier qu’il nous place face à des contraintes sur lesquelles nous n’avons pas prise. Des contraintes techniques d’une part qui, même si la technologie ouvre le champ des possibilités, requièrent toujours plus de maîtrise. D’autre part et surtout, des obligations liées aux habitudes d’usage, au comportement des utilisateurs, » soulève Emmanuel Muraille, creative director & founder de Somewhere. LES TECHNOLOGIES DONNENT LE LA « Il est clair que nous sommes très dépendants des technologies disponibles sur le marché. L’apparition de Flash début des années 2000 par exemple, nous a permis de nous montrer très créatifs et d’intégrer beaucoup plus d’interactivité. Quand Apple a décidé de bloquer cette technologie, nous n’avions d’autre choix que de nous rabattre sur le HTML, qui avait heureusement bien évolué entre temps, » illustre Miech Rolly. Idem avec tous ces nouveaux device qui envahissent notre quotidien : chaque site se doit désormais d’être « responsive » pour s’adapter à tous les supports. « Il y a encore peut-être deux ans, on pouvait encore se permettre de réaliser des sites sur lesquels les mobinautes devaient zoomer pour les consulter ; aujourd’hui, c’est juste inenvisageable ! ». Et c’est parfois un véritable casse-tête : « Pour ce qui est des sites, on s’en sort bien avec le responsive. Mais développer des applications pour le mobile, c’est infernal ! Avant, on testait sur PC et sur Mac, point. Maintenant, il faut penser à toutes les tailles d’écrans, à la résolution qui diffère selon les modèles, aux navigateurs, à la qualité de la connection, si l’usager tient son appareil verticalement ou horizontalement,… Imaginer tous ces ‘and what if’ prend 4-5 fois plus de temps ! » raconte Fabian Aerts, lui aussi creative director & founder de 1MD. « Le fait d’avoir des ‘touch screens’ modifient aussi les choses : on n’a plus le ‘scroll’, ni les effets de ‘rollover’ c’est-à-dire les choses qui surgissent quand on survole un titre ou une icône avec la souris. Les écrans souples, qui réagissent à l’intensité de la pression du doigt, arrivent également. Il faudra penser ce qu’on peut faire avec tout ce qui est ‘gesture’. Les wearables se multiplient aussi. Peut-être qu’un jour, nous aurons des écrans ronds, pour lesquels il faudra tout repenser en termes d’ergonomie, voir comment les éléments se placent et se replacent. Chaque nouvelle lignée de device est un nouveau défi ! » « En ce qui concerne le desktop, on a fait le tour. On sait tout faire : de la 3D en temps réel, de l’image vidéo de grande qualité, les ordis sont de plus en plus puissants, les bandes passantes sont gigantesques et permettent l’affichage d’énormément d’informations, » précise Fabian Aerts. Les ordinateurs s’effacent devant les nouveaux venus, à tel point qu’aujourd’hui, « quand on conçoit un site, on pense ‘mobile first’. C’est presque devenu handicapant pour être honnête, parce qu’on doit rentrer dans un canevas assez rigide. Nous sommes obligés de ranger les éléments dans des espèces de cases, des petits containers. Le génie du design, c’est de parvenir à mettre un peu de folie dans cette structure au final très limitative. » DE L’EFFICACITÉ, SANS FIORITURES Le design participe donc à faire vivre à l’internaute l’expérience la plus optimale possible. Or, quelqu’un qui consulte un site via son téléphone n’a probablement pas besoin de la même info lorsqu’il le fait sur son desktop. D’une manière générale, l’ordinateur proposera l’expérience ultime, présentant toutes les informations, toutes les fonctionnalités. Sur le mobile, ce sont plus les infos essentielles qui seront mises en avant, comme les coordonnées ou les moyens de contact. « Si l’expérience est différente, le design doit être en concordance. Alors, même si notre approche est d’habitude très graphique, les animations, les vidéos passent à la trappe lorsqu’on travaille pour des écrans plus petits. Ce que veut l’utilisateur quand il navigue sur son mobile, c’est trouver ce qu’il veut le DANS LE CONTEXTE ACTUEL, LE SIMPLEMENT BEAU N’A PLUS D’INTÉRÊT. EMMANUEL MURAILLE plus rapidement possible, » décrit Miech Rolly. C’est un phénomène qui touche la société dans son ensemble : « Désormais quand une personne se pose une question, elle veut la réponse dans l’immédiat. Cela impacte le web design puisque, dans ce contexte, le beau n’a plus d’intérêt ; c’est l’efficacité avant tout ! » analyse Emmanuel Muraille. D’où une tendance claire au minimalisme, à l’épuré. L’objectif est alors de faire apparaître le contenu de la manière la plus claire et la plus rapide qui soit. « Sur le mobile, la fantaisie n’a plus sa place, surtout si elle ralentit l’accès à l’information. Le design est avant tout là pour faciliter l’utilisation. Ce principe a contaminé le desktop dont le design se réduit également de plus en plus souvent à l’essentiel, » témoigne Miech Rolly. 37 <strong>PUB</strong> <strong>10</strong> 11/12/<strong>2014</strong> Pub_<strong>10</strong>_36_38_FEATURE_DESIGN_mobile.indd 37 04/12/14 12:51