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etourna, lui crachant du feu et lui faisant tout le mal qu’il pouvait. Le léopard réagit alors en<br />

labourant le serpent de ses crocs et de ses griffes. Il alla délibérément de l’avant et gagna du<br />

terrain : s’il avait eu <strong>au</strong>tant de for<strong>ce</strong> que le serpent, <strong>ce</strong> dernier n’<strong>au</strong>rait pas eu l’avantage sur<br />

lui malgré sa vigueur et les feux ardents dont il se protégeait. Bohort assista à <strong>ce</strong>tte longue<br />

bataille, très perplexe sur le sens qu’on pouvait donner à <strong>ce</strong>t affrontement, car il n’avait<br />

jamais vu <strong>au</strong>tant de cru<strong>au</strong>té chez deux anim<strong>au</strong>x. Mais <strong>au</strong>cun des deux ne fut tué par l’<strong>au</strong>tre.<br />

Quand la bataille eut tant duré que l’un et l’<strong>au</strong>tre furent obligés de l’abandonner, le serpent<br />

s’évanouit dans l’ombre et le léopard disparut sans que Bohort pût savoir où il était allé.<br />

Il vit <strong>ce</strong>pendant un spectacle hallucinant : à l’entrée de la salle, dans un endroit mieux<br />

éclairé qu’ailleurs, le serpent commença à se rouler et à tourner sens dessus dessous,<br />

comme le fait un animal qui ressent des douleurs avant de mettre bas. Lorsqu’il fut apaisé, il<br />

vomit de sa bouche une <strong>ce</strong>ntaine de serpente<strong>au</strong>x et <strong>ce</strong>ux-ci commencèrent une épouvantable<br />

mêlée dans le but de tuer le serpent d’où ils étaient sortis. Mais <strong>ce</strong>lui-ci résistait si bien qu’ils<br />

ne pouvaient pas lui faire grand mal. Après que la bataille eut fait rage, le serpent et les<br />

serpente<strong>au</strong>x perdirent tous la vie et s’effondrèrent pêle-mêle dans un angle de la salle.<br />

Bohort, de plus en plus stupéfait, se demandait la signification d’un tel combat et surtout de<br />

son dénouement.<br />

Il demeurait plongé dans ses pensées, toujours assis sur le lit, quand il vit sortir d’une<br />

<strong>au</strong>tre chambre un homme pâle et maigre, et si exsangue qu’il semblait plus mort que vif. Il<br />

avait <strong>au</strong>tour du cou deux couleuvres enroulées l’une dans l’<strong>au</strong>tre, et <strong>ce</strong>s couleuvres le<br />

mordaient devant et derrière, <strong>au</strong> cou et <strong>au</strong> visage. Il se plaignait bruyamment et poussait<br />

des gémissements lamentables. « Hélas ! s’écriait-il, pourquoi avoir commis une f<strong>au</strong>te qui me<br />

v<strong>au</strong>t une si grande souffran<strong>ce</strong> ? Mon Dieu ! Viendra-t-il un jour, <strong>ce</strong>lui qui doit me dé<strong>livre</strong>r de<br />

<strong>ce</strong>s tourments ? » Il marchait ainsi à travers la salle, comme un aveugle, s’appelant infortuné<br />

et misérable, et il portait sur la poitrine une harpe d’une richesse inouïe, couverte d’or,<br />

d’argent et de pierres précieuses, une vraie merveille.<br />

Quand l’homme eut traversé la salle, il s’assit sur un siège d’or qui semblait placé là en<br />

permanen<strong>ce</strong>. Il prit son plectre, accorda sa harpe, puis entonna un lai sans <strong>ce</strong>sser de pleurer.<br />

Bohort qui l’écoutait avec surprise, mais <strong>au</strong>ssi avec un <strong>ce</strong>rtain plaisir tant la musique était<br />

belle, reconnut <strong>ce</strong> chant comme étant le Lai des Pleurs. Il y était dit comment Joseph<br />

d’Arimathie arriva dans l’île de Bretagne, lorsque Notre-Seigneur lui commanda d’y aller, et<br />

comment, après avoir longtemps erré, ses des<strong>ce</strong>ndants se fixèrent <strong>au</strong>x V<strong>au</strong>x d’Avalon [43] .<br />

Bohort y prêta une grande attention, car il lui sembla que c’était un débat engagé jadis entre<br />

Joseph d’Arimathie et Orphée l’Enchanteur qui construisit le Châte<strong>au</strong> des Enchantements<br />

dans la marche d’Écosse.<br />

Quand il eut terminé de jouer et de chanter son lai, l’homme se dressa et dit à Bohort :<br />

« Seigneur chevalier, c’est en vain que tu as séjourné dans <strong>ce</strong> palais. Sache-le bien, en effet :<br />

les aventures qui sont ici ne prendront fin ni par toi, ni par un <strong>au</strong>tre, avant la venue du Bon<br />

Chevalier, <strong>ce</strong>lui qui doit accomplir les aventures du Saint-Graal et toutes <strong>ce</strong>lles que tu as<br />

vécues <strong>ce</strong>tte nuit. Il me dé<strong>livre</strong>ra du tourment dans lequel je me trouve plongé. Donc, tu<br />

pourras t’en aller quand tu voudras, car tu n’obtiendras pas d’<strong>au</strong>tres résultats. – Mais, vieil<br />

homme, dit Bohort, d’où vient que tu supportes <strong>ce</strong>s couleuvres qui te font mal, <strong>au</strong>tour du<br />

cou ? – Je suis condamné à les souffrir. C’est la punition que Dieu a ordonnée à la suite des<br />

excès d’orgueil dont je me suis rendu coupable jadis. Et si je pouvais, par <strong>ce</strong>tte souffran<strong>ce</strong>

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