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oise<strong>au</strong> noir s’envoler de l’éch<strong>au</strong>guette et rejoindre <strong>ce</strong>ux qui tournoyaient. Bientôt, les oise<strong>au</strong>x<br />
prirent la direction du couchant et disparurent dans les brouillards du soir.<br />
Yvain retourna <strong>au</strong> verger où l’on semblait ne pas s’être aperçu de son absen<strong>ce</strong>. Comme le<br />
moment du repas était proche, on l’emmena dans la salle où les tables avaient été<br />
préparées. On le fit asseoir entre le maître du châte<strong>au</strong> et sa fille et on lui servit les mets les<br />
plus délicats qu’il eût jamais mangés. Et quand la nuit fut venue, on le mena dans une<br />
chambre, en grande cérémonie. Lorsqu’il fut <strong>au</strong> lit, bien à l’aise, ils se retirèrent. Et Yvain<br />
s’endormit, le lion gisant à ses pieds comme il en avait l’habitude.<br />
Le lendemain, il demanda naturellement son congé à son hôte. « C’est impossible,<br />
répondit <strong>ce</strong>lui-ci. Ami, il f<strong>au</strong>t que tu saches qu’il y a dans <strong>ce</strong> châte<strong>au</strong> une très m<strong>au</strong>vaise<br />
coutume de diablerie. Cette coutume est établie depuis fort longtemps et je suis obligé de<br />
l’observer. Je ferai venir ici deux hommes d’armes très puissants et très rusés : il te f<strong>au</strong>dra<br />
combattre contre eux, de gré ou de for<strong>ce</strong>. Si tu peux te défendre victorieusement et les tuer<br />
tous les deux, tu <strong>au</strong>ras ma fille en mariage et tu posséderas <strong>ce</strong> châte<strong>au</strong> avec toutes ses<br />
dépendan<strong>ce</strong>s. – Seigneur, répondit Yvain, je n’ai point le désir de me marier. – Tais-toi, bel<br />
hôte, tu cherches de vaines excuses, car tu ne peux échapper à la né<strong>ce</strong>ssité. Celui qui pourra<br />
vaincre les deux m<strong>au</strong>dits qui vont t’assaillir, devra avoir ma fille pour épouse, mon châte<strong>au</strong> et<br />
toute sa terre. Le combat ne peut manquer d’avoir lieu. Est-<strong>ce</strong> la couardise qui te fait parler<br />
ainsi ? Tu pensais peut-être éviter la bataille ? Mais sache que tout chevalier qui couche dans<br />
<strong>ce</strong> châte<strong>au</strong> ne peut échapper à son destin. Et ma fille ne sera mariée que lorsque les deux<br />
m<strong>au</strong>dits seront morts. – Fort bien, dit Yvain. Puisqu’il en est ainsi, je me battrai. Mais quant<br />
<strong>au</strong> reste, nous en reparlerons plus tard. »<br />
Les deux fils du lutin diabolique s’avancèrent. Ils étaient hideux et noirs. Ils portaient tous<br />
deux un bâton cornu de cornouiller, garni de cuivre, d’aspect redoutable. Ils étaient<br />
recouverts d’une épaisse armure, des ép<strong>au</strong>les jusqu’<strong>au</strong> bas des genoux, mais ils avaient la<br />
tête nue. Ils tenaient, <strong>au</strong>-dessus d’eux, des boucliers ronds avec lesquels ils faisaient des<br />
moulinets. Le lion, quand il les aperçut, commença à frémir, près de se jeter sur eux. Mais ils<br />
le virent et dirent à Yvain : « Vassal, écarte ton lion qui nous mena<strong>ce</strong> ! Proclame-toi tout de<br />
suite vaincu, ou mets <strong>ce</strong>t animal en lieu sûr afin qu’il ne puisse ni t’aider ni nous faire du<br />
mal ! – C’est juste, dit Yvain, où voulez-vous que je l’enferme ? » Ils lui montrèrent une<br />
chambre dont la fenêtre était fermée d’un lourd grillage. « Enferme-le là-dedans ! » Il fallut<br />
bien ac<strong>ce</strong>pter et Yvain emmena son lion dans la chambre puis revêtit ses armes.<br />
Quand ils virent le lion enfermé, les deux champions s’élancèrent, brandissant leurs<br />
bâtons. Du premier coup, ils enfoncèrent le bouclier et le he<strong>au</strong>me d’Yvain, et <strong>ce</strong>lui-ci dut<br />
reculer tant le choc avait été rude. Il se reprit <strong>ce</strong>pendant et, avec sa bonne épée, il<br />
commença à frapper hardiment ses adversaires qui durent reculer à leur tour. Mais les coups<br />
pesants que leur portait Yvain ne faisaient qu’accroître leur fureur, et Yvain se sentait faiblir.<br />
Dans la chambre, le lion ne restait pas inactif. Il avait bien compris que son maître était<br />
en danger et bouillait d’impatien<strong>ce</strong> d’aller le rejoindre pour le protéger et mettre à mal ses<br />
ennemis. Comme il ne pouvait rien contre la fenêtre munie d’épais barre<strong>au</strong>x, ni contre la<br />
porte, qui était en fer, il se mit à gratter le sol de ses griffes, le plus profondément possible.<br />
Et il creusa tant et si bien qu’il y eut bientôt un grand vide sous la porte. Alors, le lion<br />
s’aplatit le plus qu’il put et se retrouva dehors. Là, sans perdre un instant, il se jeta sur l’un<br />
des m<strong>au</strong>dits et le renversa, le roulant sur le sol comme une pelote. Il en avait à peine fini