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« Prin<strong>ce</strong>sse, dit-il, que Dieu te récompense de ton bon accueil. » Il se fit désarmer et ils<br />

s’assirent dans la salle où l’on avait dressé les tables. Blodeuwez le regarda longuement et, à<br />

partir de <strong>ce</strong> moment, il n’y eut pas une par<strong>ce</strong>lle dans tout son être qui ne fût pénétrée de son<br />

amour. Il posa les yeux sur elle et fut envahi par les mêmes sentiments. Au cours de la<br />

conversation, ils en vinrent à des confiden<strong>ce</strong>s, et il ne put lui cacher qu’il l’aimait d’un ardent<br />

amour. Elle en fut toute réjouie et la passion qu’ils avaient conçue l’un pour l’<strong>au</strong>tre devint<br />

l’unique sujet de leur entretien <strong>ce</strong> soir-là. Quand fut venue l’heure d’aller <strong>au</strong> lit, Blodeuwez et<br />

Gron couchèrent ensemble, car rien n’<strong>au</strong>rait pu les empêcher d’aller jusqu’<strong>au</strong> bout de leur<br />

désir.<br />

Le lendemain, Gron voulut partir et demanda à prendre congé. « Non, assurément,<br />

répondit Blodeuwez, je ne te donnerai pas ton congé et tu ne t’en iras pas d’<strong>au</strong>près de moi <strong>ce</strong><br />

soir. » Ils passèrent une seconde nuit ensemble et se con<strong>ce</strong>rtèrent pour savoir comment ils<br />

pourraient vivre réunis. « Il n’y a qu’un seul moyen, dit-il. Il f<strong>au</strong>t que tu cherches à apprendre<br />

de ton mari comment on peut lui donner la mort, et <strong>ce</strong>la sous couleur de sollicitude à son<br />

égard. » Et, le jour suivant, Gron voulut partir. « Vraiment, lui dit-elle, je ne suis pas d’avis<br />

que tu t’en ailles d’<strong>au</strong>près de moi <strong>au</strong>jourd’hui. – Puisque tel est ton avis, je ne m’en irai donc<br />

pas, répondit-il, mais je te ferai seulement remarquer qu’il est à craindre que le seigneur de<br />

<strong>ce</strong>tte forteresse ne revienne à sa cour ! – Soit, demain, je te permettrai de t’en aller. » Le<br />

lendemain, il voulut partir et, <strong>ce</strong>tte fois, elle ne s’y opposa pas. « Rappelle-toi, dit-il, <strong>ce</strong> que<br />

je t’ai conseillé : cherche à savoir comment ton mari pourrait mourir. Presse-le de questions<br />

et <strong>ce</strong>la, comme en plaisantant, par tendresse. Applique-toi à connaître le plus de détails que<br />

tu pourras. » Et Gron le Fort quitta Blodeuwez pour retourner dans sa propre forteresse.<br />

Lleu à la Main Sûre revint chez lui <strong>ce</strong> soir-là. Ils passèrent leur temps à converser, à<br />

écouter de la musique et à se rest<strong>au</strong>rer et, dans la nuit, ils allèrent se coucher. Lleu adressa<br />

la parole à Blodeuwez une fois, puis une seconde, sans obtenir de réponse. « Qu’as-tu donc ?<br />

demanda-t-il enfin. N’es-tu pas bien ? – Je réfléchis, répondit-elle, à une chose qui ne te<br />

viendrait jamais à l’esprit à mon sujet. Je suis en effet très soucieuse en pensant à ta mort<br />

pour le cas où tu t’en irais avant moi. – Que Dieu te récompense de ta sollicitude à mon<br />

égard ! Mais si Dieu lui-même ne s’en mêle, sache qu’il n’est pas chose aisée de me tuer. »<br />

Blodeuwez demeura un instant silencieuse, puis elle dit : « Voudrais-tu, pour l’amour de Dieu<br />

et de moi-même, m’indiquer de quelle façon on pourrait te tuer ? Car, pour <strong>ce</strong> qui est des<br />

préc<strong>au</strong>tions à prendre, j’ai bien meilleure mémoire que toi. – Je te le dirai volontiers. Il n’est<br />

pas facile de me tuer en me frappant : il f<strong>au</strong>drait passer une année à fabriquer le javelot<br />

dont on se servirait, et l’on ne pourrait y travailler que le dimanche, pendant le temps de la<br />

messe. – Est-<strong>ce</strong> bien vrai ? – Aussi vrai que je te parle. De plus, on ne peut me tuer que dans<br />

une maison, car <strong>au</strong>-dehors, rien ne pourrait m’atteindre. On ne peut me tuer si je suis à<br />

cheval. On ne peut me tuer si je suis à pied, en train de marcher. – Mais alors, comment<br />

pourrais-tu être tué ? – C’est très difficile, car l’homme qui m’a élevé a agi de telle façon que<br />

je suis protégé dans tout combat et dans toute embuscade. – J’en suis fort heureuse, dit<br />

Blodeuwez, mais encore f<strong>au</strong>t-il que je sache tout à <strong>ce</strong> sujet pour pouvoir te garantir<br />

davantage. – Je suis très touché de l’intérêt que tu me portes, dit Lleu. Je vais donc te<br />

dévoiler mon secret. Tâche d’en faire bon usage. Voici : il f<strong>au</strong>t me préparer un bain sur le<br />

bord d’une rivière, établir <strong>au</strong>-dessus de la cuve une claie voûtée, et ensuite la couvrir<br />

hermétiquement, amener un bouc, le pla<strong>ce</strong>r à côté de la cuve. Il f<strong>au</strong>drait alors que je misse<br />

un pied sur le dos du bouc et l’<strong>au</strong>tre sur le bord de la cuve : quiconque m’atteindrait dans <strong>ce</strong>s

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