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Dès que <strong>ce</strong>lui-ci l’aperçut, il se leva devant elle, très respectueux de sa be<strong>au</strong>té et de sa<br />
noblesse. « Cher doux seigneur, lui dit-elle, reste assis, car tu dois être plus las et fatigué<br />
que moi. » Lan<strong>ce</strong>lot se rassit à côté de la fontaine et elle prit pla<strong>ce</strong> près de lui. « Apportezmoi<br />
Hélain le Blanc », dit-elle à ses suivantes.<br />
Elles s’en allèrent <strong>au</strong> char et prirent un petit enfant qu’une jeune femme tenait dans son<br />
giron et elles apportèrent à leur dame. L’enfant était tout jeune et ne devait pas avoir plus<br />
de deux ans. Lorsqu’il fut dans les bras de la dame, elle lui baisa les yeux et la bouche et lui<br />
fit fête, comme si <strong>ce</strong> fût Dieu en personne. Lan<strong>ce</strong>lot regarda l’enfant et le trouva si be<strong>au</strong> et si<br />
gracieux qu’il en fut tout ému. « À qui est <strong>ce</strong>t enfant ? demanda-t-il.<br />
— Il est à moi, seigneur, répondit la jeune femme. N’est-il pas be<strong>au</strong> ? – Certes, je n’ai<br />
jamais vu si bel enfant de <strong>ce</strong>t âge. » Et Lan<strong>ce</strong>lot demeura rêveur devant <strong>ce</strong>t être d’où<br />
émanait une telle lumière. « Seigneur Lan<strong>ce</strong>lot, dit la jeune fille qu’il accompagnait, dis-nous<br />
<strong>ce</strong> que tu en penses. – Je ne peux rien dire d’<strong>au</strong>tre : il est magnifique. – Et sais-tu bien qui il<br />
est ? – Non, sinon que sa mère est <strong>ce</strong>lle qui est devant nous. – Eh bien, c’est ton proche<br />
cousin, Lan<strong>ce</strong>lot. Car il a été engendré par Bohort de G<strong>au</strong>nes lorsqu’il remporta le tournoi de<br />
Brangore d’Estrangore, et quand des vœux extravagants furent énoncés par les douze<br />
chevaliers qui entouraient ton cousin. Je pense qu’il est impossible de le nier, surtout quand<br />
on connaît Bohort de G<strong>au</strong>nes. Il ne peut avoir eu d’<strong>au</strong>tre père ! »<br />
Cette nouvelle combla de joie Lan<strong>ce</strong>lot. En examinant plus attentivement l’enfant, il<br />
constata qu’il était le portrait vivant de Bohort et fut bien persuadé que c’était lui qui l’avait<br />
engendré. Il le prit dans ses bras et se mit à le cajoler. Et quand la dame comprit que c’était<br />
Lan<strong>ce</strong>lot du Lac, <strong>ce</strong>lui dont on disait tant de bien, et qui était le cousin germain de l’homme<br />
qu’elle aimait le plus <strong>au</strong> monde, elle n’en fut que plus heureuse et elle s’offrit à son servi<strong>ce</strong>. Il<br />
la remercia et lui fit la même offre. La jeune fille qu’il accompagnait lui raconta alors par quel<br />
plan divin Bohort avait couché avec la fille de Brangore d’Estrangore. Cela laissa Lan<strong>ce</strong>lot<br />
tout rêveur, car il se mit à penser que c’était à peu près chose semblable qui lui était arrivée<br />
avec la fille du roi Pellès, laquelle, lui avait-on dit, avait eu un enfant de lui.<br />
Cependant, après que l’entretien se fut prolongé, Lan<strong>ce</strong>lot se leva, affirmant qu’il était<br />
temps pour lui de partir. La jeune fille qu’il accompagnait lui dit alors : « Je te remercie,<br />
Lan<strong>ce</strong>lot, de ta sollicitude. Grâ<strong>ce</strong> à toi, j’ai retrouvé sans dommage <strong>ce</strong>ux que je devais<br />
rencontrer. Je ne partirai donc pas avec toi. Mais, réponds-moi en toute franchise : où vas-tu<br />
te diriger maintenant ? – Je ne sais, répondit Lan<strong>ce</strong>lot. Mon destin est de parcourir le monde<br />
et d’y subir des épreuves. – N’as-tu donc rien de mieux à faire ? – Je ne le pense pas. – J’ai<br />
l’impression que tu oublies be<strong>au</strong>coup de choses dans tes erran<strong>ce</strong>s, dit la jeune fille. Ne saistu<br />
pas qu’à la prochaine Pentecôte, le roi Arthur a convoqué à Kamaalot, où il tient sa cour,<br />
tous <strong>ce</strong>ux qui ont le droit de s’asseoir à la Table Ronde ? – Je ne le savais pas, répondit<br />
Lan<strong>ce</strong>lot. – Alors, tu ferais bien de t’y préparer, car c’est pour bientôt, dans quelques jours à<br />
peine, et il te reste assez de temps pour rejoindre Kamaalot. – Certes, dit Lan<strong>ce</strong>lot, et tu as<br />
bien fait de me le rappeler. Je vais me mettre en route sans tarder. » Alors Lan<strong>ce</strong>lot salua la<br />
mère de l’enfant, la jeune fille qu’il avait accompagnée et tous <strong>ce</strong>ux de leur suite et, s<strong>au</strong>tant<br />
sur son cheval, il se mit à galoper sur le grand chemin.<br />
Quand il arriva devant la grande porte de Kamaalot, la première personne qu’il rencontra<br />
fut une femme très belle, vêtue d’une robe de soie blanche recouverte d’un grand mante<strong>au</strong><br />
noir, qui sortait de la forteresse, montée sur un cheval d’une blancheur éclatante. Quand elle