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e<strong>au</strong> en mettre, le sac restait pratiquement vide. G<strong>au</strong>l s’en étonna fort. « Que f<strong>au</strong>t-il donc<br />
faire pour que ton sac soit plein ? – Ce n’est pas difficile, répondit le f<strong>au</strong>x mendiant. Il suffit<br />
qu’un noble, possédant de bonnes terres et de bonnes troupes, veuille bien presser son<br />
contenu avec ses pieds en disant : « On en a mis assez. » » À son tour, Rhiannon prit la<br />
parole : « Champion, dit-elle à G<strong>au</strong>l, je ne vois que toi qui sois assez riche et puissant, ici,<br />
pour le faire. – Soit, répondit G<strong>au</strong>l, je le ferai volontiers. »<br />
Il se leva et mit ses deux pieds dans le sac. Alors, Pwyll déplia rapidement ses bords, de<br />
telle sorte qu’il enveloppa G<strong>au</strong>l tout entier puis ferma le sac, le noua avec les courroies et<br />
sonna du cor. Ses gens l’entendirent et accoururent bien vite, envahirent la cour et<br />
s’emparèrent de tous <strong>ce</strong>ux qui étaient venus avec G<strong>au</strong>l. Pendant <strong>ce</strong> temps, Pwyll rejeta les<br />
haillons, les grosses ch<strong>au</strong>ssures et se frotta le visage avec un linge mouillé. « Tu as agi<br />
sagement, dit Rhiannon, mais nous n’en avons pas terminé avec G<strong>au</strong>l. » Le sac où se trouvait<br />
G<strong>au</strong>l maintenant avait été placé à l’entrée de la salle, et tous <strong>ce</strong>ux qui passaient donnaient<br />
un coup dessus en disant : « Qu’y a-t-il là-dedans ? – Un blaire<strong>au</strong> ! » répondait-on. Ainsi,<br />
firent-ils le jeu du Blaire<strong>au</strong> dans le Sac qui est encore en usage de nos jours [13] .<br />
À l’intérieur du sac, G<strong>au</strong>l s’impatientait. « Seigneur, disait-il, veuille m’écouter : le<br />
traitement que je subis n’est pas digne de mon rang ni de ma puissan<strong>ce</strong> ! – C’est lui qui l’a<br />
voulu, clama Rhiannon, et il n’y a pas de raison que nous ne nous amusions à ses dépens. »<br />
G<strong>au</strong>l, fils de Klut, on s’en souvient, avait <strong>au</strong>trefois grandement outragé Morgane qui s’était<br />
promis de s’en venger cruellement le moment opportun. G<strong>au</strong>l <strong>ce</strong>pendant continuait à se<br />
plaindre : « Seigneur, geignait-il, je suis moulu et couvert de bleus. J’ai grand besoin de bains<br />
et d’onguents pour me guérir. – Soit, dit Pwyll. Si tu veux sortir, tu dois renon<strong>ce</strong>r à Rhiannon.<br />
– J’y renon<strong>ce</strong>, ac<strong>ce</strong>pta G<strong>au</strong>l <strong>au</strong>ssitôt, j’en fais le serment, par Dieu tout-puissant. – C’est bon,<br />
dit Pwyll, qu’on le laisse aller ! » Ils ouvrirent le sac, et G<strong>au</strong>l en sortit piteusement, en grande<br />
honte d’avoir été battu. Aussi, s’esquiva-t-il avec ses gens sans plus attendre.<br />
Alors, on prépara la salle en l’honneur de Pwyll et des hommes qui étaient venus avec lui.<br />
Puis, tous se mirent à table et chacun s’assit dans le même ordre que quinze jours<br />
<strong>au</strong>paravant. Ils mangèrent et burent en abondan<strong>ce</strong> et, le moment venu, Pwyll et <strong>ce</strong>lle qui<br />
prétendait être Rhiannon se rendirent à leur chambre. La nuit se passa dans les plaisirs et le<br />
contentement. Le lendemain, à la pointe du jour, Rhiannon dit : « Seigneur, lève-toi et<br />
commen<strong>ce</strong> à satisfaire les artistes. Ne refuse <strong>au</strong>jourd’hui à personne <strong>ce</strong> qu’on te demandera.<br />
– Je le ferai volontiers, répondit Pwyll, <strong>au</strong>jourd’hui et les jours suivants, tant que durera <strong>ce</strong><br />
festin. »<br />
Alors Pwyll fit savoir qu’il invitait solliciteurs et artistes à venir à la cour, leur signifiant<br />
qu’on satisferait chacun d’eux suivant sa volonté ou sa fantaisie. Dès l’annon<strong>ce</strong>, tous les<br />
jongleurs, poètes, harpistes et sonneurs du pays accoururent à la forteresse d’Heveid le<br />
Vieux. Et chacun reçut sa récompense. Le festin se poursuivit pendant trois jours et trois<br />
nuits et, tant qu’il dura, personne n’essuya le moindre refus. Quand il fut terminé, Pwyll dit à<br />
Heveid le Vieux : « Seigneur, avec ta permission, je partirai demain pour mon pays de<br />
Dyved. – Eh bien, répondit Heveid, que Dieu aplanisse le chemin devant toi ! Fixe le terme et<br />
le moment où Rhiannon ira te rejoindre. – Par Dieu tout-puissant, nous partirons tous les<br />
deux ensemble. – Si tel est ton désir et <strong>ce</strong>lui de Rhiannon, conclut Heveid le Vieux, je n’ai<br />
rien à ajouter. Faites comme vous l’entendez. »<br />
Ils se mirent en route le lendemain pour le pays de Dyved et se rendirent immédiatement