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de tes soucis s’il te plaît de me les confier. C’est tout naturel : je suis ta plus proche parente,<br />
et je n’ai que du bien à attendre de toi. Si, par malheur, tu venais à me manquer un jour, je<br />
serais seule <strong>au</strong> monde, sans <strong>au</strong>cune famille. Aussi te servirai-je de mon mieux et de toutes<br />
les façons qu’il te plaira, afin de mériter ton affection et tes faveurs. – Certes, si tu me<br />
donnes les preuves d’une parfaite loy<strong>au</strong>té, tu n’<strong>au</strong>ras pas à le regretter, et je te ferai plus de<br />
bien que jeune fille de bonne famille n’en reçut d’une reine. » La cousine fit le serment de<br />
servir fidèlement la reine, dût-elle mettre ses propres jours en danger.<br />
Guenièvre réfléchit un long moment, puis elle fit signe à sa cousine : « Fille, dit-elle, il te<br />
f<strong>au</strong>dra aller demain de l’<strong>au</strong>tre côté de la mer. Là, tu chercheras une forteresse qu’on connaît<br />
sous le nom de Trèbe. Près de <strong>ce</strong>tte forteresse, se trouve un monastère appelé le Moutier<br />
royal. Il a été fondé en mémoire du roi Ban de Bénoïc qui y mourut, et se dresse <strong>au</strong> sommet<br />
d’une colline. Au-dessous, dans la vallée, il y a un lac. Quand tu arriveras sur le bord de l’e<strong>au</strong>,<br />
il te f<strong>au</strong>dra continuer sans <strong>au</strong>cune crainte. Pénètre dans le lac avec assuran<strong>ce</strong>, car <strong>ce</strong> n’est<br />
que sortilège. Si tu as assez de courage pour <strong>ce</strong>la, vas-y hardiment. Mais si tu n’es pas sûre<br />
de toi, attends le moment où tu verras quelqu’un y pénétrer. Dans <strong>ce</strong> cas, suis-le et ne perds<br />
pas sa tra<strong>ce</strong>, sinon tu n’accompliras pas bien ta mission. Dans le lac, tu trouveras de belles<br />
maisons, en grand nombre, de belles salles, des gens courtois et sages. Tu demanderas alors<br />
la dame qui régit <strong>ce</strong> domaine : elle se nomme Viviane, mais on l’appelle la Dame du Lac. Tu<br />
lui diras que tu es de ma famille, que je t’envoie à elle pour lui demander son aide, <strong>au</strong> nom<br />
de <strong>ce</strong>lui qu’elle a élevé si tendrement. Et tu lui expliqueras alors que Lan<strong>ce</strong>lot a disparu, que<br />
je me désespère sur son sort, et que je crains les sortilèges de Morgane. » Puis elle lui<br />
indiqua le chemin à suivre car, bien que n’étant jamais allée chez la Dame du Lac, elle en<br />
avait be<strong>au</strong>coup appris à <strong>ce</strong> sujet de la part de Lan<strong>ce</strong>lot lors de leurs entretiens. Il lui avait si<br />
bien décrit les lieux de son enfan<strong>ce</strong> qu’elle savait qu’elle ne pouvait se tromper.<br />
« J’accomplirai consciencieusement <strong>ce</strong> que tu me demandes, répondit la jeune fille, et tu<br />
seras satisfaite de ma mission. – Fort bien, dit la reine. Si tu agis selon mes désirs, ta vie en<br />
sera complètement changée. »<br />
Sur <strong>ce</strong>s entrefaites, le roi entra, et quand il vit la reine assise, il fut très content, car on lui<br />
avait appris qu’elle était souffrante. « Comment te sens-tu, reine ? demanda-t-il. – Seigneur<br />
roi, fort bien, Dieu merci. Je ne suis pas <strong>au</strong>ssi malade qu’hier et je suis déjà soulagée. – As-tu<br />
mangé, <strong>ce</strong> matin ? – Oui, un peu, et <strong>ce</strong>la m’a réconfortée. » Le roi hésita un instant, puis il<br />
dit : « J’ai envoyé mes meilleurs compagnons à la recherche de Lan<strong>ce</strong>lot, car je suis sûr qu’il<br />
a besoin de notre aide. Il est absent depuis si longtemps que j’ai bien peur qu’il ne soit<br />
retenu prisonnier dans quelque forteresse lointaine. Mais G<strong>au</strong>vain a juré qu’il ne reviendrait<br />
pas sans lui. Quant à Yvain, Sagremor, Dodinel et Gaheriet, ils ont fait le même serment.<br />
Même le duc de Claren<strong>ce</strong>, qui vient tout juste de se joindre à nous et qui ne connaît Lan<strong>ce</strong>lot<br />
que par sa réputation, a décidé de se lan<strong>ce</strong>r immédiatement à sa recherche. Je ne doute pas<br />
du succès de leur entreprise. – Certes, répondit Guenièvre, <strong>ce</strong>tte absen<strong>ce</strong> prolongée de<br />
Lan<strong>ce</strong>lot m’inquiète, et je suis très heureuse que tu aies envoyé tes meilleurs compagnons à<br />
son aide. »<br />
Mais, <strong>au</strong> fond de son être, la reine n’était pas convaincue des paroles qu’elle prononçait.<br />
Elle savait bien que les chevaliers d’Arthur, quelque braves et courageux qu’ils fussent, ne<br />
retrouveraient jamais Lan<strong>ce</strong>lot. C’est pourquoi elle tenait tant à envoyer sa cousine<br />
demander l’aide de la Dame du Lac : elle seule s<strong>au</strong>rait <strong>ce</strong> qu’il fallait faire pour dé<strong>livre</strong>r<br />
Lan<strong>ce</strong>lot des pièges où il avait dû tomber. « Reine, reprit Arthur, puisque tu te sens mieux,