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comme jamais tu n’en as reçu ! – Gens sans honneur et sans courage ! s’écria Yvain avec<br />

colère, misérables insolents, pourquoi me traitez-vous ainsi ? Que vous ai-je fait pour que<br />

vous vous moquiez ainsi de moi ? » À <strong>ce</strong> moment, une dame d’un <strong>ce</strong>rtain âge et qui<br />

paraissait fort courtoise lui dit : « Ami, tu te fâches sans raison. Ils ne disent rien pour te<br />

déplaire, mais ils t’avertissent, si tu le comprends bien, de ne pas aller t’héberger là-h<strong>au</strong>t. Ils<br />

n’osent pas t’en dire la raison, mais ils te provoquent par<strong>ce</strong> qu’ils veulent t’effrayer. Ils ont<br />

l’habitude de faire la même chose avec tous <strong>ce</strong>ux qui passent par ici, pour leur éviter d’aller<br />

plus avant. La coutume est telle que nous n’osons loger en nos maisons <strong>au</strong>cun voyageur qui<br />

vienne du dehors. Mais rien ne t’empêche de t’y rendre et personne ne te barre le chemin. Tu<br />

peux aller là-h<strong>au</strong>t si tel est ton désir, mais si tu veux mon avis, tu ferais bien de t’en<br />

retourner ! – Je te remercie de tes conseils, dame, dit Yvain, mais je n’ai jamais reculé<br />

devant une mena<strong>ce</strong>. »<br />

Il s’avança vers la porte en compagnie de son lion. « Viens vite ! cria le portier dès qu’il le<br />

vit. Viens vite et sois le mal venu ! Tu seras dans un lieu où l’on te tiendra bien ! » Yvain ne<br />

répondit rien, comme si l’insolen<strong>ce</strong> des propos ne le touchait d’<strong>au</strong>cune façon. Il passa le seuil,<br />

devant le portier. Il continua et vit une immense salle et, <strong>au</strong> fond, une sorte de pré<strong>au</strong> clos de<br />

gros pieux aigus. Entre les pieux, il aperçut <strong>au</strong> moins trois <strong>ce</strong>nts jeunes filles qui tissaient<br />

divers ouvrages de fil d’or et de soie. Leur p<strong>au</strong>vreté était grande ; elles n’avaient pas de<br />

<strong>ce</strong>intures, leurs cottes étaient déchirées sur les seins et sur les flancs, et leurs chemises<br />

étaient sales. Elles avaient le cou grêle et le visage tout blêmi de faim et de maladie. Quand<br />

elles virent Yvain, elles baissèrent la tête et se mirent à pleurer ; elles demeurèrent un assez<br />

long temps ainsi, n’ayant plus le courage de rien faire, tant elles étaient abattues et lasses.<br />

Quand Yvain les eut regardées, il retourna vers la porte, mais le portier s’élança vers lui en<br />

criant : « C’est trop tard ! Tu es entré, et tu ne t’en iras pas maintenant. Tu voudrais bien<br />

être dehors, n’est-<strong>ce</strong> pas ? Mais, par mon chef, <strong>ce</strong>la ne sera pas. Et tu seras si mortifié que tu<br />

ne pourrais l’être davantage. Tu as été bien fou d’entrer ici, car il n’y a rien à faire pour en<br />

sortir. – Je n’en ai nulle envie, frère, répondit Yvain. Mais dis-moi, par l’âme de ton père, qui<br />

sont <strong>ce</strong>s jeunes filles que j’ai vues dans le pré<strong>au</strong>, qui tissent des draps d’or et de soie. Les<br />

ouvrages me plaisent be<strong>au</strong>coup, mais il me déplaît que <strong>ce</strong>s jeunes filles soient misérables,<br />

maigres de corps et pâles de visage. Elles seraient très belles, il me semble, si elles avaient<br />

tout le né<strong>ce</strong>ssaire ! – Je ne te répondrai pas, dit le portier. Cherche quelqu’un qui puisse te<br />

renseigner là-dessus ! – Soit, dit Yvain, c’est bien <strong>ce</strong> que je vais faire. »<br />

Il chercha la porte du pré<strong>au</strong>. Une fois qu’il fut à l’intérieur, il se trouva <strong>au</strong> milieu des<br />

jeunes filles en pleurs. « Dieu veuille, dit-il, que <strong>ce</strong> chagrin qui est le vôtre, et dont j’ignore la<br />

c<strong>au</strong>se, se change bientôt en joie et liesse ! – Seigneur, que Dieu que tu as invoqué veuille<br />

bien t’entendre, dit l’une des jeunes filles. Si tu le désires, je peux te raconter pourquoi nous<br />

sommes là, <strong>ce</strong> que nous y faisons et quelle est notre condition. – Parle, jeune fille, et ne me<br />

cache rien des ennuis qui sont les tiens et <strong>ce</strong>ux de tes compagnes.<br />

— Seigneur, lui dit la jeune fille, il y a longtemps, le roi de l’Île-<strong>au</strong>x-Pu<strong>ce</strong>lles entreprit de<br />

voyager, afin d’apprendre des choses nouvelles, à travers les pays du monde. Il alla tant,<br />

comme un fou naïf, qu’il se jeta dans <strong>ce</strong> péril. Il vint en <strong>ce</strong> lieu pour notre malheur, car c’est<br />

nous, les captives, qui sommes ici, qui en supportons la honte et les souffran<strong>ce</strong>s, bien que<br />

nous ne les ayons <strong>ce</strong>rtes pas méritées. Sache que toi-même, tu peux t’attendre à un affront<br />

mortel si l’on n’ac<strong>ce</strong>pte pas ta rançon. Je disais donc que notre roi vint en <strong>ce</strong> châte<strong>au</strong>, où<br />

habitent deux fils de démon : <strong>ce</strong> n’est pas une fable, je peux jurer qu’ils sont nés d’une

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