HISTOIRES D'EAUX ET D'HOMMES

A
LE JOUR OÙ L’ EAU…
oût 1994. À Tékélé, à Maskalaï, à Goromo,
l’ambiance est à l’effervescence. On attend
fébrilement l’arrivée de l’eau. Les gens du
projet l’ont bien dit : cette année, l’eau de
la crue pénétrera dans le Petit Goroma,
mayo asséché depuis une bonne
génération. Le canal pourra reprendre son rôle :
relier le fleuve Logone et son affluent le
Logomatya. Les experts se sont penchés sur le
cas, et ont vu qu’en deux temps trois mouvements
on pouvait redonner vie au cours d’eau. En taillant
au bon endroit une brèche d’environ 3 mètres
dans la digue latérale du barrage, on réalimente
le Logomatya et on réamorce ainsi l’inondation
de la plaine. Simple, mais les riverains n’osent pas
tous y croire. En tout cas, c’est l’événement de
l’année. Un événement qui peut changer quelques
milliers de vies quotidiennes. Souvenirs
éparpillés d’un jour, d’une année, d’une vague
d’espoir et de ses retombées.
« Ici, à Tékélé, on était tous d’accord pour ouvrir
le Petit Goroma. Les impatients voulaient même
faire les travaux tout de suite, dès la première
réunion. Les incrédules disaient :“Il faudrait un
miracle, mais on n’a rien à perdre.” On attendait
tous de voir l’eau arriver de nos propres yeux.
Alors, quand elle est venue, ce fut la joie d’un seul
coup, pour tout le monde. Les changements sont
arrivés très vite. On a bien cultivé, on a bien
pêché. Celui qui ne pêchait plus depuis
longtemps trouvait son poisson là, juste
au pied de sa concession. »
Zanankay Yap, lawan de Tékélé
Aboukar Mahamat, animateur
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