RÉSISTANCE 69
70 Après avoir subi de plein fouet la dégradation de la plaine, les habitants de Waza Logone ont dû se rendre à l’évidence. Il ne s’agissait pas d’un événement ponctuel, mais d’une mutation irréversible. L’eau a bel et bien déserté la plaine et, après le temps des prières et des lamentations, il faut penser à continuer à vivre en accommodant les restes. On avait tellement cru depuis toujours que la plaine inondable était inépuisable, qu’elle alternerait sans cesse période d’eau et période sèche, un mouvement naturel que l’on imaginait perpétuel. La mécanique de l’eau était fiable, et la richesse des sols permettait même à l’homme des marges d’erreur. Même si parfois on pêchait et on cueillait un peu trop, il en restait toujours assez pour ne pas entamer le renouvellement prodigieux des ressources saison après saison. Mais, avec le barrage, on avait abusé et la plaine asséchée avait déclaré forfait. Il a fallu agir en conséquence. Pour beaucoup de pêcheurs et d’éleveurs, la stratégie a été radicale. On a délaissé les buttes qui parsèment la plaine et sur lesquelles les villages s’étaient juchés pour éviter aux hommes de vivre les pieds dans l’eau quand la crue inonde les yaérés. Si l’on balayait du regard toute la plaine, on verrait qu’elle se divise en deux : sa partie orientale, en bordure du Logone, permet à l’homme de mener toute sorte d’activités. En s’éloignant vers l’intérieur, en pénétrant la plaine selon le mouvement de la crue, on se retrouve assez vite dans des terroirs tout entiers offerts aux pâturages, où les quelques mares tolèrent un peu de pêche. Pour survivre sans déserter la plaine, on s’est donc rabattu aux abords du fleuve : Tékélé, Zina, Lahaï se sont campés de nouveaux quartiers. Là, on pouvait encore faire pousser le mousquari, ce mil de fin de saison des pluies, qu’on affectionne malgré son exigeant repiquage. À l’ouest de la plaine, les gens moins bien lotis n’ont pas résisté à la tentation d’aller chercher dans le Parc national de Waza de quoi survivre. La plupart des mares étaient à sec, et les années sans eau avaient décimé de nombreux troupeaux et même quelques espèces. Le cob defassa, la panthère, le buffle, pour ne citer qu’eux, n’existent plus aujourd’hui dans le parc ; sur les vingt mille cobs de buffon dénombrés avant les années 1980, il n’en restait que trois mille après le tarissement de la plaine. Mais le parc conservait quand même de bonnes richesses : du gibier, de la gomme arabique, du bois, de la paille à portée de main des villageois riverains, sur des terres dont leurs grands-parents avaient l’usage avant la mise en réserve. Pour beaucoup d’entre eux, résister aux durs aléas, c’était – et c’est encore en partie aujourd’hui – aller à l’encontre de la législation sur les ressources et l’environnement. Cueillir en douce, chasser sans faire trop de bruit. La réglementation est sévère pour qui se fait attraper, mais les forces de l’ordre sont si peu nombreuses que les risques s’avèrent assez faibles. Des réseaux semi-clandestins d’écoulement des produits se sont créés. La gomme arabique, sollicitée par les industries alimentaires et pharmaceutiques, suit un voyage au long cours. Hors du parc, on n’en trouve presque plus. Alors, pour subsister, on se lance aussi dans des petits métiers saisonniers. On crée de la plus-value en manufacturant quelques produits comme la brique. On propose des services comme le puisage ou le transport de l’eau. La proximité des frontières ouvre sur quelques opérations d’achat-vente qui flirtent aveuglément avec la fraude.
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