HISTOIRES D'EAUX ET D'HOMMES

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BANNIE SOIT MARIAMA
ariama pleure depuis des heures. se rappelle à présent ce que son maître d’école
Et pour encore quelques années sans notait d’une belle écriture penchée au bas
devoir le montrer. Ce matin, Mariama de son bulletin : De bons résultats mais peut
a été congédiée. Le cœur en miettes, encore mieux faire. Un jour, il avait ajouté :
le corps piétiné sans laisser de traces, Tout être est perfectible. Elle avait regardé
Mariama s’est retrouvée pour toujours dans le dictionnaire le sens de ce nouveau mot
côté rue d’une maison qu’elle croyait la sienne.
Congédiée sans remerciements par un homme
et l’avait fait sien.
qu’elle déteste à présent. D’ailleurs, l’a-t-elle D’un coin de pagne, elle essuie son visage.
un jour aimé ? Subi, servi, obéi… Tout ce que Il lui faut rejoindre le village avant la nuit,
le Coran, ses parents, ses voisins, la tradition retrouver ses parents. Eux comprendront vite,
lui demandaient de faire.
sans question ni détail. Le père regrettera
son choix mais n’en dira rien, si ce n’est
Elle se souvient qu’il s’était battu à sang avec
son cousin pour l’obtenir, elle, une gamine de
quatorze ans, élue meilleure élève de l’année
à l’école du quartier. Il avait travaillé jour et nuit
pour payer la dot.Vraiment, quelle histoire cette
dot. Le père, devant le succès évident de sa fille,
avait fait monter les enchères. Un bel enjeu
pour les prétendants. Il l’avait vraiment voulue
et l’avait bien eue. Bien sûr, elle avait quitté
sa classe avec un brin de tristesse, mais elle
s’était donnée comme consigne de devenir
une épouse sans reproche. Meilleure élève,
meilleure épouse. Avec enthousiasme,
elle s’était évertuée à passer du calcul aux
calebasses, des lettres aux langes, des crayons
au balai. Elle lui avait donné quelques enfants ;
ça avait semblé lui plaire. D’ailleurs, c’était
facile pour elle de mesurer son humeur : quand
il était content, il ne la battait plus. Ou plus
doucement, ou juste quelques menaces.
Elle pensait alors que la vie n’était pas si dure
que ça et que la discipline imposée par son mari
la mettait sûrement sur le bon chemin. Elle
inch’Allah ! ».