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sur une aide alimentaire de l’État ou d’un<br />
organisme étranger. Mais on s’accorde à dire<br />
que ce n’est pas une solution.<br />
Une issue plus digne consiste à vendre ou<br />
à échanger en bonne et due forme ce qui a fait<br />
pendant des siècles la renommée de N’Diguina :<br />
un miel ambré à la saveur corsée. Ici comme<br />
un peu partout au Sahel, on considère comme<br />
un loisir, un passe-temps, les tâches qu’exige<br />
ce don de la nature, né d’une singulière alliance<br />
entre faune et flore. À N’Diguina, ce n’est que<br />
récemment que l’on regarde cette douceur<br />
des champs comme une chance à saisir, une<br />
assurance contre le mauvais sort des récoltes.<br />
Il faut dire que, pendant une quinzaine d’années,<br />
les abeilles ont déserté la plaine. Un effet moins<br />
attendu de l’assèchement général. Quand les<br />
mares tarissent, quand les arbres meurent, les<br />
abeilles fuient à tire-d’aile vers des lieux plus<br />
avenants. Depuis quelques années, avec le retour<br />
de l’eau dans la plaine, elles sont, elles aussi,<br />
revenues. Les paysans ont pu reprendre leur loisir<br />
d’antan en s’adonnant un peu plus sérieusement<br />
à ce qu’on appelle désormais l’apiculture.<br />
« Une année de mil, une année de miel » ont<br />
constaté les plus vieux du village. Ainsi, c’est<br />
parce que le mil avait si bien donné l’an passé<br />
que le miel coule à flots cette année. Les abeilles<br />
ont si bien travaillé que certaines ruches ont<br />
empli près d’une tine. Habib en a placé quinze<br />
un peu au hasard. Dans quelque temps, il se<br />
rendra au marché de Dougouma, à la frontière<br />
du Nigeria, là où s’échange, bon an mal an, un sac<br />
de mil contre une tine de miel. De quoi adoucir<br />
l’âpre déception de cette année sans mil.<br />
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