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HISTOIRES D'EAUX ET D'HOMMES

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32<br />

C<br />

ERRANCE<br />

omme d’habitude, le campement a été<br />

vite dressé. Le repas du soir est déjà sur<br />

les braises : une bouillie de mil au lait<br />

adoucie d’un reste de miel. Les derniers<br />

rayons rasent l’horizon, éclairent un décor<br />

de western. Un homme et une femme<br />

EN YAÉRÉS<br />

question de survie pour l’environnement, leur<br />

a-t-on expliqué, et puis, au sud, il y a plus de<br />

terres cultivées, et donc plus de conflits possibles.<br />

Ça, ils veulent bien le croire, car dès qu’ils<br />

rencontrent d’autres humains, les salutations sont<br />

à peine finies qu’ils s’enquièrent déjà, à leur insu,<br />

se profilent à contre-jour. Les bêtes se taisent, d’histoires de terres plus ou moins sanglantes.<br />

ce n’est plus l’heure de braire, mais celle<br />

L’un et l’autre pèsent en silence les inconvénients.<br />

de savourer en paix la pâture du petit soir.<br />

Les deux visages semblent faits d’un seul et<br />

Dernière étape pour ce couple d’éleveurs, leurs même cuir. Un cuir tanné tendu sur des pommettes<br />

quatre-vingts vaches et leurs deux bergers, après saillantes. De profonds sillons marquent leur âge,<br />

une semaine de transhumance. C’est là, dans un la rudesse de leur vie ou leur dose de malheur.<br />

yaéré près de Zina, qu’ils passent chaque saison Leur plus grand chagrin : ne pas avoir eu<br />

sèche avant de retourner chez eux, à Balaza. Cette d’enfants. Alors les vaches, c’est vraiment toute<br />

année, on ne compte que deux troupeaux sur leur vie. Il y a deux ans, ils en ont perdu soixante-<br />

cette terre noire à l’herbe encore grasse.<br />

deux, suite à une épidémie de pastorélose. L’an<br />

passé, la maladie du foie leur en a emporté neuf.<br />

Le grand berger, plutôt bien mis, s’approche<br />

Assise en amazone devant la case de paille,<br />

du foyer et articule son premier mot de la journée. les yeux baissés, tournant de ses longs doigts<br />

Un commentaire sur la qualité de la terre. Juste les anneaux de ses chevilles, la femme écoute<br />

l’essentiel, de quoi confirmer à son patron que les arguments sans fioriture de son compagnon<br />

ce coin de plaine a tout pour satisfaire ses vaches de vie. La saison n’est pas bonne et les yaérés<br />

bien-aimées. Puis le jeune homme ne dira plus de Zina risquent de ne pas suffire pour rassasier<br />

rien jusqu’au petit déjeuner, si ce n’est ces mots le troupeau, il faudra descendre un peu plus<br />

psalmodiés en chapelets, protection divine contre bas, même si ce n’est pas dans leurs habitudes.<br />

la tentation humaine.<br />

Alors, quitte à expérimenter, pourquoi ne pas<br />

Monsieur et Madame ont, quant à eux, quelques essayer la piste à bétail. Le risque majeur, c’est<br />

phrases à échanger ce soir. Un sujet pour le moins la promiscuité. Là-bas, on ne sera plus les seuls<br />

novateur : décider si l’on empruntera cette année sur terre ; en cas d’épidémie, on n’échappera<br />

et pour la première fois la piste à bétail, en<br />

pas à l’hécatombe. Elle ose une question à son<br />

s’aventurant dans le sud de la plaine. Ils en ont tour. Est-ce qu’il faudra payer quelque chose<br />

entendu parler mais ne savent pas très bien à à quelqu’un ? Un droit de passage en quelque<br />

quoi ça ressemble. Une sorte de route, leur a-t-on sorte, un péage… Le mari, sans le lui dire, trouve<br />

dit, où les bêtes se suivraient à la queue leu leu. la question tout à fait pertinente, et avoue que,<br />

Progresser en ruban sur un terrain en grande vraiment, là, il ne sait pas. Et c’est peut-être ça,<br />

largeur leur paraît suspect, mais c’est une<br />

d’ailleurs, qui le décidera.

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