Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
sorgho, variétés héritées du bassin du Niger et du Nil et améliorées sans<br />
relâche au cours des siècles.<br />
Au travers de témoignages recueillis dans la plaine, ce livre illustré grâce<br />
aux travaux photographiques des jeunes scolarisés et des enseignants<br />
des écoles de Bogo, Logone Birni, Maga, Waza et Zina relate à bien des<br />
égards l’histoire du développement des espaces sahéliens dans cette<br />
quête de la sécurité alimentaire, certes logique et bien légitime, mais qui<br />
a justifié tant de projets pharaoniques sans pour autant générer les bénéfices<br />
escomptés par les rapides calculs de rentabilité.<br />
Après diverses études et bien des séances de concertation entre parties<br />
prenantes, de judicieuses ouvertures dans la digue bordant le fleuve à<br />
l’aval du périmètre irrigué de Semry II permettent aujourd’hui au fleuve,<br />
le Logone d’entrer à nouveau dans la plaine par le Logomatya et le<br />
Lorome Mazera. C’est donc un livre dans lequel les pasteurs, les<br />
pêcheurs, les gens rencontrés, au détour des pistes ou des chenaux en<br />
période de crues rétablies racontent la vie revenue vingt ans après la<br />
mise en place du barrage de Maga. Une retenue à propos de laquelle des<br />
témoignages irréfutables indiquent que l’on a négligé les options alternatives<br />
d’endiguement proposées par les populations et les autorités traditionnelles<br />
au moment de sa réalisation. Pour la petite histoire, ce sont ces<br />
mêmes options que l’UICN a été amenée à valider au travers d’études<br />
hydrologiques, socio-économiques, écologiques…<br />
Certes, si tout a changé pour l’environnement depuis le retour des<br />
crues, vivre au jour le jour dans la plaine d’inondation requiert aujourd’hui<br />
autant d’énergie, de courage et de détermination qu’aux temps<br />
anciens. Cependant, revenir enfin pour organiser le partage des<br />
ressources réapparues, participer à la rédaction de plans de gestion<br />
négociés, considérer localement les options, faire des choix individuels et<br />
en changer pour s’adapter à l’ampleur des crues, réhabiliter en famille<br />
les canaux de pêche et relancer les cultures de récession, c’est avoir à<br />
nouveau l’impression de tenir en main son destin. C’est démontrer que<br />
vingt ans n’ont pas eu raison des facultés ancestrales à s’adapter à son<br />
terroir.<br />
Il reste encore beaucoup à faire, notamment pour accroître durablement<br />
la production agricole et la pêche, et intégrer harmonieusement la<br />
gestion du Parc national de Waza dans un espace rendu aux activités<br />
humaines. Les crues artificielles couvrent 50 000 à 150 000 hectares, selon<br />
le débit du fleuve et les précipitations, et le Projet Waza Logone de<br />
l’UICN doit encore trouver les fonds nécessaires au retour des crues sur<br />
la plus grande partie de la plaine. Mais, déjà, une impulsion est donnée.<br />
Je ne peux terminer cette préface sans remercier tous ceux qui, dès la fin<br />
des années 1980, ont apprécié l’approche de ce programme de restauration<br />
hydrologique, proposée à l’origine par l’université de Leiden et ses<br />
homologues scientifiques camerounais, et qui ont fidèlement soutenu<br />
l’UICN au cours des dix dernières années. Cela inclut les ministères<br />
concernés et un large éventail de services techniques, les universitaires<br />
nationaux et étrangers, mes collègues de toutes nations basés à Maroua,<br />
sans oublier les conseillers techniques de l’Organisation néerlandaise de<br />
développement (SNV) et du ministère des Affaires étrangères des Pays-<br />
Bas (DGIS), partenaire financier essentiel. Enfin, nous remercions les<br />
autorités provinciales à la tête du Comité permanent de gestion de la<br />
région de Waza Logone, grâce auxquelles bien des écueils furent évités,<br />
et les autorités traditionnelles : le lamido de Pouss, le sultan de Logone<br />
Birni et les lawan de Waza, de Zina en particulier.<br />
Enfin, je tiens à rendre hommage à l’auteur du livre, la sociologue<br />
Marie-Laure de Noray, qui a proposé cet ouvrage, organisé la collecte<br />
photographique avec les collégiens de la plaine et finalement prêté son<br />
talent d’écrivain, doublé d’une faculté d’écoute peu commune, aux gens<br />
de la plaine de Waza Logone, province de l’Extrême-Nord, Cameroun.<br />
Jean-Yves Pirot<br />
Programme Zones humides et Ressources en eau<br />
UICN - Union mondiale pour la nature<br />
Février 2002<br />
7