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L’<br />
DES ÉLÉPHANTS<br />
homme est un animal », se dit-il. Dans<br />
sa gueule immense et grise, cet attribut<br />
n’a rien d’injurieux. Juste un constat.<br />
Un animal… spécial », ajoute-t-il, ne<br />
trouvant aucun mot adéquat pour définir<br />
précisément ce que lui inspire l’homme<br />
<strong>ET</strong> DES HOMMES<br />
Pensif, l’éléphant continue, comme suit, son<br />
discours vagabond.<br />
À peine arrive-t-on dans les champs qu’on<br />
nous chasse violemment. On a compris<br />
maintenant : il vaut mieux partir avant que ça<br />
dégénère. On va voir ailleurs. Les champs ne<br />
en général. Enfin, celui qu’il connaît, qu’il voit manquent pas au sud de la plaine : des jaunes,<br />
dans la plaine et dans ses environs.<br />
des verts, des rouges, des hauts, des bas. Quand<br />
Vraiment inqualifiable. Féroce comme un lion, on nous agresse, on finit par s’énerver ; on fonce<br />
doux comme un agneau, bête comme une<br />
dans le tas, on renverse les cases, on casse tout.<br />
girafe, peureux comme une gazelle, fier comme Régulièrement, il y a des bavures : un pauvre<br />
une autruche, perfide comme un vautour, malin enfant sur notre passage, un coup de trompe mal<br />
comme un singe, avec une mémoire d’éléphant, contrôlé, des défenses trop à l’assaut… On<br />
ou presque. Un animal phénoménal, un tout en tue un par an environ. Je regrette de telles<br />
à la fois », avec en plus une série d’accessoires exactions, mais dans notre camp, celui des<br />
pour parer à ses faiblesses : des radios pour éléphants, les dégâts sont bien plus lourds,<br />
gazouiller, des véhicules pour allonger le pas, et, certaines années, ça frôle l’hécatombe.<br />
des vêtements pour se protéger, et même<br />
D’ailleurs, depuis quelque temps, les hommes<br />
des yeux de lynx en bandoulière.<br />
semblent mieux informés sur nos passages<br />
éclairs. Parfois, ils nous attendent sur place.<br />
Il pense aux siens et à cette relation spéciale Ils ont même des photos de nous et des clichés<br />
que l’homme a tissée avec eux. Pour quelques vus du ciel de nos itinéraires. Ils nous<br />
rares moments heureux et amicaux, combien reconnaissent et nous appellent par de drôles<br />
d’incompréhensions, de provocations,<br />
de noms. Bon, ils ne connaissent pas encore<br />
d’agressions doivent-ils subir ? À vrai dire, notre langue. Par exemple, quand on barrit<br />
ils pourraient bien se passer des humains ; la vie “attention !” à nos frères restés à l’arrière,<br />
serait plus simple, plus sereine. Là, il réfléchit, ils comprennent “à l’attaque !”. Alors ce sont<br />
et nuance son propos. Car la plaine sans<br />
eux qui commencent. Certains nous tirent<br />
les hommes, ce serait oublier tous ces délices dessus avec des armes de guerre, ils s’habillent<br />
sur pied servis sur un plateau. Oui, ces grands comme des militaires. Il y a aussi ces fusils<br />
carrés de mousquari, de mil ou de riz qu’on à poivre, fort désagréables. Les villageois, eux,<br />
savoure sans avoir à baisser la tête. Dans<br />
se contentent de gourdins enflammés. J’ai perdu<br />
la savane, on ne connaît aucun autre animal mon père dans des combats comme ça. Un vrai<br />
capable d’étaler aussi bien le grain. Bien que massacre. Pas question pour lui de chercher<br />
les hommes, aujourd’hui, leur laissent de moins le cimetière des éléphants. Dépecé sur place,<br />
en moins de temps pour manger.<br />
encore tout chaud. Tous les éléphants de