HISTOIRES D'EAUX ET D'HOMMES

ment, et les habitants des villages riverains du parc tels que
Waza, N’Diguina, Niwadji. À force d’écoute et de diplomatie, le
projet a réussi à faire adopter, par concertation, un plan de
gestion du parc et un comité directeur incluant éleveurs transhumants
et décideurs politiques, en donnant un vrai pouvoir aux
femmes. Peu à peu, les villageois se réapproprient un terroir
dont ils s’étaient sentis dépossédés depuis sa mise en réserve,
d’autant plus depuis l’affermissement des options des pouvoirs
publics quant à la conservation du site.
Donner la parole à ceux que l’on n’écoute jamais est un travail
de longue haleine qui porte cependant éminemment ses fruits.
Les animatrices et animateurs qui s’y sont attelés ont excellé en
ce sens.
L’énergie dégagée par ces exploits collectifs a permis de voir
émerger créativité et esprit d’initiative chez certains individus.
Naturellement, depuis toujours, il y a des gens qui font avancer
les choses à leur niveau, à leur manière. La plaine peut compter
bon nombre d’hommes et de femmes pouvant jouer les locomotives,
quand les rails sont là.
L’innovation, c’est, pour beaucoup de gens, se tourner vers
d’autres activités que celle léguée par leurs parents. Les
pêcheurs se lancent dans l’agriculture, les paysans essaient le
maraîchage, et pêchent dans les mares et les cours d’eau. Les
femmes pêchent en basses eaux, à l’épuisette ou aux paniers.
Les uns et les autres ne manquent pas de se constituer, à titre de
réserve et de garde-manger, un petit troupeau de moutons et de
chèvres, éventuellement une basse-cour. Les éleveurs sont
moins enclins à se diversifier. Les transhumants ont néanmoins
un champ qui les attend dans leur village d’origine. Pour la
pêche, il faudra encore du temps avant de voir un berger lancer
un filet sur l’eau.
Et puis il y a aussi les métiers à moteur, sur eau ou bien sur
terre. Dans une région isolée comme celle-ci, le transport est la
clé du commerce. Et le commerce, enfin, va bon train, drainant
sans cesse de nouvelles marchandises.
Le tourisme pourrait bien apporter quelques flots au développement
endogène de la plaine et de ses habitants. Il n’est pas
nouveau mais concernait jusque-là le parc et les monts Mandara
qui surplombent le sud-est de la plaine inondable, et excluait
contact et retombées locales. Le Projet Waza Logone a donné
l’idée d’un autre tourisme, un parcours écologique jonché de
rencontres humaines authentiques pour voyageurs curieux et
pour communautés villageoises prêtes à s’investir de façon
saisonnière dans une prestation d’un nouveau genre. Les
premières initiatives ont enthousiasmé les uns et les autres, mais
il reste encore des obstacles à lever pour faire du tourisme une
des turbines de l’essor local.
L’avancée la plus probante pour réconcilier la nature et
l’homme au cours de ces dernières années est sans aucun doute
la prise de conscience collective d’une appartenance à un territoire
commun : une plaine gérée par la crue et les caprices d’un
fleuve. Une plaine fertile et fragile, dont l’abondance a cependant
ses limites. D’où la nécessaire conviction que la gestion
des ressources naturelles relève d’un souci communautaire,
d’un sens du partage et de l’équité.
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