MANIFESTE POUR LA VRAIE DÉMOCRATIE - Etienne Chouard
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Chapitre III :<br />
le suivisme<br />
“Panurge, ayant payé le marchand, choisit de tout le troupeau un beau et<br />
grand mouton, et l’emporta criant et bêlant...<br />
Oh qu’il a bien su choisir le chaland ! Il s’y entend le paillard... dit le<br />
marchand.<br />
Soudain, je ne sais comment, le cas fut subit, Panurge sans autre chose<br />
dire, jette en pleine mer son mouton criant et bêlant. Tous les autres moutons,<br />
criants et bêlants en pareille intonation, commencèrent à se jeter et<br />
sauter en mer après, à la file. La foule était à qui premier y sauterait après<br />
leur compagnon. Possible n’était les en garder, comme vous savez du mouton<br />
le naturel, toujours suivre le premier, quelque part qu’il aille. Aussi le<br />
dit Aristote,..., être le plus sot et inepte animal du monde.<br />
Le marchand, tout effrayé de ce que devant ses yeux périr voyait et noyer<br />
ses moutons, s’efforçait les empêcher et retenir tout de son pouvoir. Mais<br />
c’était en vain. Tous à la file sautaient dedans la mer et périssaient. Finalement,<br />
il en prit un grand et fort par la toison sur le tillac de la nef, espérant<br />
ainsi le retenir et sauver le reste aussi conséquemment. Le mouton fut<br />
si puissant qu’il emporta en mer avec lui le marchand, et fut noyé... Autant<br />
en firent les autres bergers et moutonniers, les prenant uns par les cornes,<br />
autres par les jambes, autres par la toison. Lesquels tous furent pareillement<br />
en mer portés et noyés misérablement.”<br />
François Rabelais (Pantagruel, Quart Livre VIII)<br />
Panurge ne prélève pas un mouton au hasard. Il choisit soigneusement le<br />
plus beau, le plus fort, parce que c’est le bélier conducteur, le chef, le leader,qui<br />
va entraîner à sa suite la masse stupide du troupeau.<br />
Après Rabelais, La Boétie décrivait déjà dans son “Discours sur la servitude<br />
volontaire” (1576) les mécanismes de la soumission qui ont toujours<br />
cours et qui contribuent plus à l’oppression que les ordres du prince. Ce que<br />
Pierre Bourdieu résume par la sentence : “ Les dominés contribuent à leur<br />
propre domination.” Les dominés obéissent à des règles sans qu’on le leur<br />
demande. Ils se comportent d’une manière stéréotypée en fonction de structures<br />
mentales qui imposent des comportements qui paraissent évidents à<br />
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