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Un héros de l’artillerie genevoise<br />
PINON L’HOMME-AUX-CANONS<br />
Jean-Jacques Langendorf<br />
Les Autrichiens en Suisse<br />
Jadis une plaque, aujourd’hui disparue, (1) apposée sur un des piliers de l’ancien<br />
arsenal, là où se trouvent exposés quelques canons, évoquait en ces termes l’exploit<br />
singulier d’une personnalité totalement oubliée:<br />
Comte de Bubna<br />
Le Premier et le troisième de ces canons<br />
faisaient partie du matériel d’Artillerie de<br />
Genève qui fut réquisitionné par les<br />
Autrichiens en février 1814. A la suite<br />
de la mission à Vienne du lieut.colonel<br />
genevois Joseph Pinon et par ses soins<br />
ces canons furent restitués à Genève avec<br />
d’autres pièces les 31 décembre 1814 et 24 février 1815.<br />
Pour le profane, et même pour le moins<br />
profane, cette évocation peut paraître<br />
mystérieuse sur plusieurs points.Que<br />
faisaient les Autrichiens à Genève en<br />
1814? Pourquoi y avaient-ils<br />
réquisitionné le matériel d’artillerie? Qui<br />
était ce Joseph Pinon et quelle était la<br />
nature de sa mission dans la capitale de<br />
l’Empire d’Autriche. Après la défaite de<br />
Napoléon à Leipzig (16-19 octobre<br />
1813), opposé aux alliés autrichien, russe<br />
et prussien, l’armée autrichienne dit«de<br />
Bohème», commandée par le prince de<br />
Schwarzenberg, comptant 180.000<br />
hommes, se concentre autour de Bâle.<br />
Précédés par un Appel aux Suisses<br />
du 20 décembre 1813, dans lequel<br />
Schwarzenberg se présente comme un<br />
libérateur et promet que ses troupes se<br />
comporteront d’une manière exemplaire,<br />
quatre corps d’armée vont traverser la<br />
ville de Bâle, deux autres empruntant le<br />
pont de Laufenburg, un dernier passant<br />
par Schaffhouse. La division légère du<br />
48 Le Brécaillon<br />
feld-maréchal lieutenant (2) comte Bubna,<br />
qui comprend deux brigades avec des<br />
unités mixtes, reçoit l’ordre de se diriger<br />
par Soleure, Fribourg et Berne vers<br />
Genève pour s’emparer de cette ville,<br />
puis de poursuivre sur Lyon tandis que le<br />
gros de l’armée autrichienne se dirigera<br />
vers Belfort, en contournera la forteresse<br />
et se portera sur Langres. «Brave soldat<br />
et fin diplomate, écrit Roverea dans ses<br />
Mémoires, [Bubna] cachait beaucoup de<br />
dextérité sous une épaisse enveloppe, et<br />
voilait sous les formes d’une tudesque<br />
franchise, la prudence et la souplesse des<br />
cours ; aussi avait-il été chargé, durant<br />
les dernières années, des négociations les<br />
plus délicates de son souverain avec<br />
Bonaparte.» (3) Quant à la comtesse de<br />
Boigne, dans ses incomparables<br />
Mémoires, elle le voit ainsi: « C’était un<br />
singulier homme que ce Bubna. Grand,<br />
gros, boiteux par une blessure, paresseux<br />
lorsqu’il n’avait rien à faire, il passait les<br />
trois quarts des journées, couché sur un<br />
lit ou sur la paille de son écurie, à fumer<br />
le plus mauvais tabac du plus mauvais<br />
estaminet. Quand il lui plaisait de venir dans le salon il y était, sauf l’odeur de pipe,<br />
homme de la meilleure compagnie, conteur spirituel, fin, caustique, comprenant et<br />
employant toutes les finesses du langage. Les affaires civiles ou militaires le<br />
réclamaient elles? Il ne prenait plus un moment de repos ; et ce même Bubna qui<br />
avait passé six mois sans quitter à peine la position horizontale, serait resté soixantedouze<br />
heures à cheval sans en paraître fatigué.» (4) La marche de la première<br />
division est rapide dans la mesure où elle ne rencontre aucune résistance. Ayant<br />
franchi le Rhin le 21 décembre, elle est le 22 à Soleure, le 23 à Berne, le 24 à<br />
Fribourg, le 26 à Payerne, le 27 et 28 à Lausanne. Bubna ordonne alors au colonel<br />
Simbschen avec 600 hommes d’infanterie légère et des hussards de remonter le<br />
Rhône jusqu’à Martigny, afin d’organiser la résistance des Valaisans contre les<br />
Français et de couper leurs lignes de communication avec l’Italie. (5) Le Prince de Schwarzenberg<br />
Le 27 décembre,<br />
une délégation genevoise arrive à Lausanne et expose combien ses compatriotes sont<br />
impatients d’être libérés du joug français et de voir l’indépendance de leur ancienne<br />
république restaurée. Bubna assure les délégués de ses bonnes intentions, de son<br />
désir de rendre son ancienne indépendance à la République, précisant toutefois qu’il<br />
ne tolérerait pas la moindre tentative de résistance.<br />
Le Brécaillon<br />
PINON L’HOMME-AUX-CANONS<br />
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