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L’ARTILLERIE DE GENÈVE EN 1602<br />

Roland-Daniel SCHNEEBELI<br />

Introduction<br />

Dans la nuit du 11 au 12 décembre 1602, selon le calendrier julien en vigueur à<br />

l’époque de l’Escalade (1) , et alors que l’hiver est aux portes de Genève, l’ennemi<br />

venu de Savoie rôde non loin de la ville. Il y a une courtine peu élevée favorisant<br />

l’escalade, les injonctions des chefs, les échelles dressées et de sombres silhouettes<br />

pénétrant dans la ville. Alors qu’un froid acéré transperce jusqu’aux entrailles, une<br />

sentinelle reste néanmoins aux aguets et veille en la tour de la Monnaie. Soudain, un<br />

bruit, un doute. Il est deux heures et demie du matin. Un coup de feu part dans la<br />

nuit, l’alerte est donnée.<br />

Des cris s’élèvent, le tocsin sonne, la contre-attaque s’organise, le cliquetis des<br />

armes résonne, les coups d’arquebuses claquent, le tambour se fait entendre, la herse<br />

tombe, le canon tonne... Au matin, tout est fini et la Seigneurie fête sa victoire sur le<br />

duc Charles-Emmanuel Ier de SAVOIE, -surnommé le Chat par les <strong>Genevois</strong>-.<br />

Il y a eu cette couleuvrine qui, chargée de chaînes et de clous, a abattu d’une volée<br />

de dragées tirée du boulevard de l’Oie, les échelles ennemies dressées contre les<br />

murs de la cité, lesquelles ployaient déjà sous le poids des fuyards.<br />

Il y a aussi, selon divers récits, une autre pièce d’artillerie, un peu oubliée par<br />

l’Histoire, qui a aboyé du haut de la Treille, affolant la cavalerie ennemie et amenant<br />

le désordre dans les rangs de l’armée du Duc, transformant sa retraite en déroute. Un<br />

canon que des <strong>Genevois</strong>, peut-être menés par le Syndic Michel BARRILLET (2) et<br />

l’artilleur Abraham BECHOD (3) , ont tiré de l’Arsenal et mis en batterie dans la<br />

tourmente des combats. Ainsi, alors qu’en cette fin d’année 1602, le canon tonne,<br />

déchirant la nuit genevoise, nous en profitons pour tenter de cerner, en ce début de<br />

XVIIe siècle, le type de pièces mises en place sur les boulevards ou bastions (4) , sur<br />

les remparts ou dans les réserves de la place, tâche difficile s’il en est, les documents<br />

en rapport avec l’Arsenal de Genève antérieurs à 1683 n’ayant pas été conservés.<br />

Pourtant, l’évolution de l’artillerie n’ayant connu qu’une lente progression, nous<br />

notons que les divers récits des actions d’artillerie autour de Genève se ressemblent<br />

étrangement, le matériel, comme les méthodes, ayant peu varié au cours de ces<br />

décennies, particulièrement entre le XVIe et le XVIIIe siècle.<br />

Nous en voulons pour preuve deux très beaux manuscrits, conservés à la<br />

Bibliothèque Nationale de France (5) , du capitaine Bénédict de VASSELIEU, dit<br />

Nicolas LIONNAIS, commissaire et ingénieur ordinaire de l’artillerie de France au<br />

début du XVIIe siècle. Le plus récent s’intitule «Discours et dessins par lesquels<br />

s’acquiert la congnoissance de ce qui s’observe en France en la conduite et l’employ<br />

de l’artillerie». Il est dédié à Gaston de FRANCE, duc d’ANJOU, frère unique de<br />

Louis XIII. S’il a été probablement écrit vers 1620, il ne mentionne pas, entre autres,<br />

les créations d’arsenaux de la fin du XVIe siècle et reprend presque mot pour mot<br />

4 Le Brécaillon<br />

un autre manuscrit rédigé par<br />

VASSELIEU en 1613: le «Recueil du<br />

Reiglement general de l’ordre, &<br />

conduitte de l’Artillerie, tant pour<br />

marcher en campagne que pour la placer<br />

et dresser Batteryes aux Sieges et aultres<br />

affaires».<br />

L’auteur reprend les textes et les dessins<br />

des traités d’artillerie de Charles-<br />

François d’ABRA de RACONIS (6) , de<br />

Blaise de VIGENERE et de François de<br />

LA TREILLE. Or, le premier fut<br />

commissaire de l’artillerie des rois de<br />

France François Ier et Henry II, le second<br />

déclara que ses écrits définissaient<br />

l’artillerie au temps d’Henry II et le<br />

troisième fut commissaire de l’artillerie<br />

et de la fonte, en 1567. Ainsi, ces<br />

manuscrits, dont l’origine semble en fait<br />

remonter à 1574 et dont le second fut<br />

présenté, en 1620, au frère du Roi,<br />

démontrent que l’artillerie française,<br />

l’une des meilleures d’Europe à cette<br />

époque, n’a quasiment pas changé de la<br />

première moitié du XVIe siècle à 1620.<br />

Enfin, la plus grande diversité ayant<br />

régné dans le domaine des poids et des<br />

mesures, jusqu’au XIXe siècle, les poids<br />

que nous mentionnons sans autre indication sont de 16 onces la livre, ce qui porte<br />

cette dernière à environ 0.490 kg. En effet, si dans un premier temps, nous avons<br />

trouvé la livre à 17 onces, soit environ 0.520 kg, celle-ci a laissé la place, en 1569,<br />

à la livre genevoise de 18 onces (7) Page de titre richement aquarellée du<br />

manuscrit de Bénédict de VASSELIEU de<br />

1613. Coll. Bibliothèque Nationale de<br />

France.<br />

, qui pèse alors près de 0.550 kg, puis, dès 1718,<br />

à celle de 16 onces, laquelle se rapproche du ½ kg, qui reste encore pour beaucoup,<br />

aujourd’hui, le symbole de la livre.<br />

Rappel historique<br />

A la fin du XVe et au début du XVIe siècle, l’artillerie, de bronze et non plus de fer<br />

ou de fonte, fait d’importants progrès. Délaissant ainsi les grosses bombardes ou<br />

autres tubes peu maniables, on donne alors la préférence aux redoutables canons à<br />

tourillons (8) , montés sur des affûts à rouages, qui reculent au moment du tir,<br />

permettant ainsi d’augmenter la puissance des coups et tirant des boulets en fer.<br />

L’artillerie est aussi devenue un symbole de pouvoir militaire et les riches seigneurs<br />

ou les grandes cités dépensent de fortes sommes d’argent pour garnir leurs arsenaux<br />

de pièces. Ainsi, dès 1499, à Genève, il est ordonné qu’un florin soit épargné sur<br />

Le Brécaillon<br />

L’ARTILLERIE DE GENÈVE EN 1602<br />

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