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1848: LA LÉGION HELVÉTIQUE ROMANDE 1848: LA LÉGION HELVÉTIQUE ROMANDE<br />
annonce ensuite l’échec probable de la négociation et en indique les raisons: «Vous<br />
devez comprendre qu’il n’y avait plus moyen de traiter sur un pareil terrain et que<br />
notre ami Borgeaud ne peut se mettre à la tête d’hommes qui ont en perspective de<br />
servir Charles-Albert et non la République italienne de Lombardie. Je pense aussi<br />
que les capitulations qui ont été interdites chez nous ne recommenceraient pas pour<br />
venir au secours de Charles-Albert. Ce serait une anomalie.»<br />
Borgeaud paraît l’avoir compris, il va changer son fusil d’épaule et il ira, sur le<br />
conseil, peut-être de De Boni? faire des offres à Venise. Aubin doute fort que la<br />
situation en République vénitienne soit meilleure qu’en Lombardie: «Enfin notre<br />
ami Borgeaud va partir pour Venise qui s’est déclarée république et là il espère<br />
réussir. Je souhaite qu’il trouve vraiment des républicains, mais je crains bien qu’il<br />
ne retrouve que des républicains bons pour se parer, avoir soin de la belle jambe,<br />
jouir du drame du feu ensuite aller au ballet et au P (66) et rien de plus.» Aubin fait<br />
ensuite une description pittoresque des membres de la garde civile et de la ville de<br />
Milan pavoisée: «Il y a cependant du zèle ici pour le service de la garde urbaine, on<br />
se met jeunes et vieux à faire en sorte de faire ce service mais je trouve plus d’envie<br />
de briller par le costume que d’envie de faire son devoir. Vous ririez vraiment de voir<br />
des individus avec des chapeaux, ornés d’énormes plumes de couleurs, tuniques de<br />
velours, cravates aux trois couleurs et une fraise comme on en met à nos enfants de<br />
6 à 8 ans, complétez ce costume par une ceinture de cuir à laquelle pend un grand<br />
sabre et vous aurez le portrait des 3/4 des gardes civiques. Quant aux troupes<br />
volontaires, j’en ai vu partir environ 50 aujourd’hui, elles ont un pantalon bleu, la<br />
casquette et une tunique de grosse toile rouge. J’aimerais mieux ces soldats que ceux<br />
dont je viens de vous faire la description. La ville a un bel aspect avec 50000<br />
drapeaux aux trois couleurs qui pendent de toutes les croisées et ses habitants et<br />
habitantes qui ont tous d’énormes cocardes ou plumes au 3 couleurs, médailles à<br />
l’effigie de Pie IX, pendues à la boutonnières, croix etc. mais je ne vois que de<br />
clinquant et rien de plus.»<br />
Il donne enfin quelques renseignements sur la situation générale et annonce son<br />
prochain départ pour Turin: «J’ai lu hier soir le bulletin que publie tous les soirs le<br />
gouvernement provisoire sur la situation de l’armée, il n’y a rien de nouveau,<br />
seulement les Piémontais ont fait une reconnaissance et cela s’est fermé là, nos<br />
pieuses armées ont fait un armistice pour célébrer les fêtes de Pâques avec sainteté.<br />
Je crois plutôt que Charles-Albert ne veut pas aller en avant tant que la Lombardie<br />
ne s’est pas décidée à passer sous son règne. Je ne sais ce que font les volontaires<br />
car on ne m’a rien su dire, mais il paraîtrait qu’on laisse à Charles-Albert le soin<br />
de tout faire afin de pouvoir avancer plus facilement sa domination. Je viens de voir<br />
un Tessinois faisant partie d’une maison de commerce qui à ce qu’il paraît a la<br />
fourniture des armées pour le gouvernement. Il faut que j’adresse des échantillons à<br />
cette maison en sorte que je serai dans le cas de rester quelques jours dans ce pays<br />
... je vais en attendant à Turin passer 5 ou 6 jours chez les frères Gerioud.»<br />
90 Le Brécaillon<br />
Le lendemain, miraculeusement, la situation s’est débloquée, Aubin annonce le<br />
prochain retour de Borgeaud: «Le 25 avril. Ma lettre n’a pas pu partir hier parce que<br />
c’était trop tard aussi puis-je vous dire que les affaires ont changé pour Borgeaud.<br />
Après que je vous ai écrit ce qui précède je me suis rendu chez cet ami qui venait de<br />
recevoir une invitation du gouvernement provisoire de se rendre à l’Hôtel de Ville à<br />
9 heures du soir. Ce matin il m’a annoncé qu’on avait souscrit à toutes ses<br />
conditions et qu’il partait à Lausanne avec l’ambassadeur Prinetti qui part avec lui<br />
aujourd’hui. Il paraît que le gouvernement Lombard a voulu consulter Charles-<br />
Albert qui a désiré avoir des auxiliaires suisses. Borgeaud qui est très content part<br />
à midi pour Lausanne Votre bien dévoué S. Aubin (67) » Borgeaud dira beaucoup plus<br />
tard qu’il était rentré perplexe de Milan. Le témoignage d’Aubin contredit quelque<br />
peu ces souvenirs tardifs. Si quelqu’un est perplexe, c’est Aubin. Borgeaud estime,<br />
lui, avoir bien rempli sa mission. Il tient pour négligeable «l’anomalie» signalée par<br />
ce dernier et court le risque lui, dont le républicanisme n’est pas niable, de se<br />
retrouver engagé comme mercenaire au service de Charles-Albert, dont le refus de<br />
l’absolutisme monarchique est récent et peut-être pas très sincère. Borgeaud reprend<br />
la route de la Suisse en compagnie de Prinetti, qui effectue un aller et retour rapide<br />
Le Brécaillon<br />
Le reçu de Louis Tissot<br />
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