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PINON L’HOMME-AUX-CANONS PINON L’HOMME-AUX-CANONS<br />

leur rendrai leur artillerie, mais seulement celle qui leur appartient.» «J’ai remercié<br />

de mon mieux, et promis pour les <strong>Genevois</strong> tout ce que S.M. désirait et une entière<br />

reconnaissance [...]» (24)<br />

Pinon sous le charme<br />

Après avoir rendu compte du succès de l’entrevue à Radetzky, qui feint de se<br />

montrer enchanté, Pinon, le 28 juillet, est reçu par Metternich, «le médecin et cocher<br />

de l’Europe» (25) comme il se nomme lui-même, au sommet de sa gloire en tant<br />

qu’arbitre diplomatique des destinées du continent, ce qu’il mande aussitôt à<br />

Genève: «Je fus introduit jeudi à 11 heures à l’audience de S.A. le Prince de<br />

Metternich, il est impossible de mettre plus de grâce et d’allier plus d’amabilité à la<br />

dignité ministérielle.» De toute évidence, Pinon a succombé au charme proverbial du<br />

diplomate (et il ne s’en remettra jamais), qui l’informe qu’il a reçu le dossier remis<br />

à l’empereur par le <strong>Genevois</strong>. «C’est à nous de savoir concilier la justice et le devoir<br />

du soldat, quand ce moment le permet toutes vos pièces vous seront rendues, les<br />

ordres sont déjà donnés pour connaître précisément où sont celles aux armes de la<br />

République, et quant aux pièces qui ne porteront des marques bien distinctes qui sont<br />

cependant votre propriété, vous les désignerez, elles joindront les premières et dans<br />

le cas où quelques unes seraient égarées,<br />

l’intention de S.M. est qu’elles soient<br />

remplacées. Vous avez bien eu des<br />

désagréments pendant ces dernières<br />

circonstances mais il faut patienter .»<br />

Puis Metternich s’étend sur la Suisse<br />

dont il souhaite que le sort soit réglé<br />

d’une manière positive. Il en vient à<br />

Genève: « Le désir de S.M. est que<br />

Genève soit heureuse, qu’elle retrouve<br />

avec sa liberté, son ancienne splendeur,<br />

et nous ferons tout ce qui dépendra de<br />

nous pour lui procurer un sort heureux et<br />

établi.» Les limites de la République<br />

seront définies et les <strong>Genevois</strong> seront<br />

contents. Enfin, le parangon de l’ordre<br />

européen pose la question suivante:<br />

«Peut-on compter que les <strong>Genevois</strong><br />

seront tranquilles?» Pinon, bien entendu,<br />

répond par l’affirmative. «Dans ce cas<br />

dites leur bien que c’est de cette union<br />

que dépend tout leur bonheur, qu’il<br />

évitent toute discussion, toutes ces<br />

tracasseries d’autrefois, que si<br />

malheureusement on voyait renaître les<br />

Le prince de Metternich<br />

60 Le Brécaillon<br />

guerres de divisions, Genève perdrait son indépendance ; c’est un avis que je vous<br />

donne.» Metternich met fin à l’entretien en promettant de venir à Genève dès que les<br />

affaires de l’Europe lui en laisseront le temps. (26) Littéralement transporté par la<br />

personnalité du prince, notre officier décide de couronner sa journée en allant<br />

admirer la pyramide funéraire, oeuvre de Canova, dédiée à l’archiduchesse Marie-<br />

Christine, épouse du duc de Sachsen-Teschen, qui se trouve dans l’église des<br />

Augustins et que l’époque considère comme le monument le plus remarquable de la<br />

ville. A cette vue, il ressent «un enchantement religieux». (27)<br />

Une quête interminable<br />

Il peut donc récupérer ses canons, mais encore faut-il les trouver, dans la masse de<br />

pièces qui sont entreposées dans l’immense dépôt de la Landstrasse, que Pinon va<br />

arpenter toute la journée du 29 juillet, mais en vain. Il se tourne à nouveau vers<br />

Metternich, qui lui recommande la patience. Deux jours plus tard, dans une lettre, il<br />

adjure le prince de lui venir en aide puis se rend au Prater pour assister à un feu<br />

d’artifice, dont la richesse et l’ingéniosité l’éblouit. Mes ses affaires ne progressent<br />

plus. Parmi les responsables du matériel d’artillerie, il sent une sourde résistance.<br />

Décidément, les subalternes ne veulent pas restituer les pièces. Le lieutenant-général<br />

de Reisner, qui le reçoit dans son palais de la Landstrasse, lui fait comprendre qu’il<br />

n’approuve pas la décision de l’empereur et que s’il y a des pièces genevoises, elles<br />

se trouvent à Ulm, à Linz tandis que celles de Vienne ont été fondues. Or Pinon sait<br />

que l’on n’a plus fondu une seule pièce à l’arsenal depuis un mois. Se présentant à<br />

nouveau dans cet arsenal, où il avait repéré quelques jours auparavant quelques<br />

canons genevois, les fonctionnaires lui affirment qu’ils ont été fondus entre temps.<br />

Il est obligé d’aller chercher le directeur pour lui montrer les pièces. Après le froid,<br />

à nouveau le chaud. Le 5 août, dans la soirée, un courrier lui apporte une lettre du<br />

prince de Schwarzenberg, dont le ton péremptoire le ravit:<br />

«Sa Majesté a daigné par une grâce spéciale, ordonner que les pièces qui seront<br />

reconnues comme propriété des <strong>Genevois</strong> soient rendues ; le lieutenant-général de<br />

Reisner est chargé de donner les instructions nécessaires pour que cette artillerie, qui<br />

est partie d’Ulm le 13 du mois passé, fasse halte. M. le Colonel Pinon voudra bien<br />

s’entendre avec M. de Reisner pour les détails ultérieurs de cette reddition.» (28)<br />

Retour chez le lieutenant-général qui reconnaît huit pièces genevoises, et cinq autres<br />

«qui passeront pour telles».<br />

Le reste, dit-il, doit se trouver à Ulm, ou à Ebersberg. Mais où sont passées toutes<br />

les autres, il l’ignore ! C’est à désespérer! Pinon élève la voix, mais Reisner le<br />

congédie en déclarant qu’il ne peut rien faire et qu’il doit à nouveau s’adresser au<br />

prince de Metternich. Pinon n’hésite pas: il va retourner le voir. Il apprend qu’il ne<br />

se trouve pas à Vienne, mais à Baden, à deux bonnes heures de la capitale. Que cela<br />

tienne! A cinq heures du matin, il monte en voiture et arrive à Baden vers 8 heures.<br />

Après quelques heures Metternich, toujours aussi charmeur, le reçoit et lui répète ce<br />

qu’il lui a déjà dit: les pièces, toutes les pièces, doivent être restituées.<br />

Retour chez Reisner qui cède un peu, mais pas trop. Il enverra des ordres à Ulm et à<br />

Amstetten pour stopper les convois mais en ce qui concerne les pièces se trouvant à<br />

Le Brécaillon<br />

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