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PINON L’HOMME-AUX-CANONS PINON L’HOMME-AUX-CANONS<br />

Une lettre fatale<br />

C’est dans cette ambiance tendue que le journal L’Europe Centrale, l’organe de<br />

l’oppositionnel James Fazy, adversaire du gouvernement, publie le 14 février une<br />

lettre de Pinon, datée du 11 février, qui aurait été interceptée et qu’on lui aurait<br />

remise, les conditions de cette «interception» demeurant pour le moins obscures.<br />

Elle est adressés au Très Révérend Abbé Locher, confesseur de S.A. le Vice-Roi de<br />

Lombardie-Vénétie, c’est-à-dire de l’archiduc Régnier, frère de l’empereur<br />

d’Autriche et est libellée ainsi:<br />

«Très cher et respectable ami,<br />

Vous aurez entendu parler de la crise orageuse qui a failli compromettre l’existence<br />

politique de notre chère Genève. Je désire que vous connaissiez et fassiez connaître<br />

à LL.AA. le Prince Vice-Roi et le Prince de Metternich, les événements tels qu’ils<br />

se sont passés, et que la conduite des bons citoyens ne soit pas dénaturée par les faux<br />

rapports de quelques journalistes.<br />

Etant trop occupé dans ma place de commissaire militaire qui fait peser sur moi toute<br />

la responsabilité pécuniaire et matérielle militaire, je ne puis pas entrer dans tous les<br />

détails, et je vous envoie, pour y suppléer, celui de nos papiers le mois exagéré, (42) et<br />

qui approche le plus de la vérité. Vous pouvez juger des pénibles journées que nous<br />

avons passées, depuis le samedi 1er février, jour fixé par de la canaille et de<br />

misérables proscrits, pour renverser notre gouvernement, et établir leur pouvoir<br />

révolutionnaire, vous verrez que c’est à la bonne providence que nous devons<br />

d’avoir été préservés de cette révolution qui aurait détruit pour longtemps notre<br />

bonheur. Ces misérables, jaloux de notre tranquillité et de notre prospérité,<br />

voulaient, aidés de la lie du peuple, ramener les jours d’anarchie et de terreur. Le<br />

Tout Puissant a étendu son bras ; leurs projets ont été déjoués, et il ne leur reste<br />

qu’un désespoir concentré et le chagrin de n’avoir pu réussir ; je ne dis pas la honte,<br />

c’est un sentiment que ces brigands ne connaissent pas.» (43) Ces lignes vont bien<br />

entendu provoquer l’ire et l’indignation des libéraux opposés au gouvernement dont<br />

ils savent que Pinon est proche. L’amalgame est vite faite: voilà ce qu’on pense, en<br />

haut lieu du peuple!<br />

James Fazy attaque. Pinon réplique<br />

Le Journal de Genève, fondé par Fazy, attaque le contenu de la lettre, qu’il nomme<br />

«une monstruosité épistolaire». (44) Ce qui aggrave encore le cas de Pinon aux yeux de<br />

la gauche, c’est le fait que la lettre est adressée à un prêtre, confesseur d’un vice-roi<br />

autrichien, auquel elle doit être communiquée, ainsi qu’à Metternich, par conséquent<br />

aux représentants de la pire réaction. D’ailleurs Fazy ne se prive pas d’enfoncer le<br />

clou. Dans L’Europe Centrale du 19 février, il accuse Pinon de «propager l’esprit<br />

autrichien», se vantant d’être parvenu, lui, en publiant la lettre à «attraper un bout de<br />

la queue autrichienne de 1814» et «nous avons pincé cette queue et la parti<br />

[réactionnaire] a crié.» C’est là une allusion à la descente de police dans les locaux<br />

du journal, qui ne donna aucun résultat et qui avait eu lieu le jour précédent. Mais il<br />

n’est pas dans le caractère de Pinon de se laisser faire et, le 20 février, il achève une<br />

66 Le Brécaillon<br />

brochure, Aux <strong>Genevois</strong>, publiée quelques jours plus tard, sans non d’éditeur et<br />

probablement à compte d’auteur, dans laquelle il «en appelle à la justice de ceux qui<br />

m’ont jugé trop précipitamment.» (45) Sa lettre, dit-il, n’a pas été rédigée pour être<br />

publiée. Toutefois son contenu était si peu mystérieux qu’il en a fait connaître le<br />

contenu au directeur du bureau des diligences, où il est allé la remettre. Certes, il a<br />

employé des expressions injurieuses, mais il écrivait à un ami, à titre privé, et il n’a<br />

désigné personne nommément. Quant au reproche d’être lié à Metternich, il<br />

l’affronte crânement: ««On me fait un crime pour mon attachement pour le Prince<br />

de Metternich. –Oui, je lui suis attaché, parce que j’aime mon pays. En 1814, le<br />

Congrès [de Vienne] allait se terminer, et Genève n’était point compris au traité ; M.<br />

de Metternich refusa de le signer. Alors un personnage éminent lui demanda s’il<br />

voulait recommencer la guerre pour Genève. –Je ne sais, répondit-il, si la guerre<br />

recommencera, mais l’Empereur a promis que Genève serait libre, et je ne signerai<br />

pas: on fit un supplément au traité et ma patrie devint indépendante.<br />

Plus tard j’ai dû à ce prince le bonheur de recouvrer notre artillerie.<br />

En 1816, il nous fit accorder 3000 fusils par l’Empereur.<br />

A diverses époques enfin, il s’est montré l’ami des <strong>Genevois</strong> en obligeant plusieurs<br />

d’entre eux.» (46) Pour étayer son propos, Pinon reproduit quelques lettres.<br />

La bonté de Pinon<br />

La première, du 8 décembre 1832, est adressée à Metternich, l’entretenant d’un<br />

séjour de plusieurs semaines à Milan, pour y surveiller le tissage de la soie et du<br />

coton à la production desquels il s’intéresse beaucoup. Il l’entretient également de la<br />

fabrication d’une pompe à incendie, dont il semble avoir été l’inventeur. Enfin, il lui<br />

demande de s’intéresser au sort d’un lieutenant qui sert depuis 1814 dans les troupes<br />

de Sa majesté. Dans une lettre du 13 janvier 1833, il revient à la charge à propos de<br />

l’officier auquel il voudrait voir attribuer de l’avancement. Dans une note du 17<br />

février 1834, le libéral pondéré Marc-Antoine Fazy-Pasteur justifie ainsi la<br />

démarche de Pinon: «Je soussigné déclare que les deux copies de lettres ci-dessus<br />

sont conformes au registre de M. le colonel Pinon, qu’il a mis sous mes yeux, que<br />

c’est à ma sollicitation, et pour m’obliger, qu’il s’est adressé à M. le prince de<br />

Metternich pour obtenir de l’avancement en faveur de l’un de mes parens qui sert<br />

depuis plus de vingt ans sans les armées autrichiennes, et que peu de temps après ces<br />

lettres, le susdit officier a obtenu le grade de capitaine, qui était dû à ses longs<br />

services.» Dans les deux dernières lettres du 13 janvier et du 25 mars 1833, toujours<br />

à l’abbé Locher, il est question d’une somme d’argent à remettre à un certain Gos<br />

habitant Milan: «Il sait que trop souvent j’ai cédé à ses sollicitations pour lui<br />

procurer de l’argent, et il sait bien qu’il sache que je ne céderai plus à de nouvelles<br />

demandes ; mais, d’un autre côté, si sa position est aussi pénible que vous me le<br />

dites, je ne veux pas qu’il souffre. Veuillez donc, cher ami, lui remettre, comme<br />

venant de vous, cent francs de France ; il ne faut pas qu’il sache que cela vient de<br />

moi.» (47) Dans la seconde lettre on peut lire: «[...] C’est pour vous prouver combien<br />

je tiens à conserver votre estime et votre amitié que je veux bien céder à votre<br />

demande de faire un dernier sacrifice de 600 francs de France ; c’est beaucoup pour<br />

Le Brécaillon<br />

67

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