30.06.2013 Views

Téléchargez - Musée Militaire Genevois

Téléchargez - Musée Militaire Genevois

Téléchargez - Musée Militaire Genevois

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

QUESTION... SOUVENIRS... NOSTALGIE? QUESTION... SOUVENIRS... NOSTALGIE?<br />

118 jours, puis ce fut l’école de sous-officiers et je suis devenu caporal conducteur.<br />

En 1941, j’ai effectué un cours spécial pour nous préparer à l’école d’officiers. C’est<br />

seulement durant ce cours spécial que le sof conducteur «touchait» pratiquement la<br />

pièce. Je n’ai pas vécu, dans les périodes de service actif qui ont suivi, le travail de<br />

conducteur. Mais je me rappelle qu’il existait cette différence entre eux et les<br />

canonniers, troupe moins nombreuse, moins homogène de citadins et de paysans<br />

mêlés, qui jouaient un rôle effacé dans tous les travaux du cantonnement ou durant<br />

les marches: ils aidaient les conducteurs à monter les écuries, calaient une pierre<br />

derrière la roue pendant la halte à la montée, serraient le frein, (s’acquittant très mal,<br />

en général, de ce dernier office). C’est au tir seulement qu’ils retrouvaient une fierté<br />

de maîtres, au milieu des volants, des niveaux gradués où court une bulle qu’il fallait<br />

immobiliser entre deux repères rouges. Le pointeur vérifiait encore, en remuant les<br />

lèvres, l’exactitude de ses calculs; penché sur lui, le caporal, murmurant un chiffre,<br />

disait: «ça colle»; le tireur, la main gauche au tire-feu, était prêt à déchaîner le<br />

tonnerre et le chargeur, derrière la pièce, rentrait déjà la tête dans les épaules, les<br />

paupières battantes; il portait, comme un enfant, un obus gris cerclé de jaune.<br />

Pourvoyeur et garde-munitions déshabillaient les projectiles de leur jupe de paille<br />

tressée; des sachets rouges et bleus – les charges retirées des douilles – entouraient<br />

leur travail.<br />

Pour les conducteurs, esclaves d’une routine consciencieuse, tous les lendemains<br />

ressemblaient à leur veille. Mais les canonniers, plus brillants, plus fantasques,<br />

accumulaient un jour les fautes, un autre jour se jouaient des pièges les plus subtils.<br />

Et pourtant, les conducteurs et les canonniers de la pièce partageaient la même<br />

chambrée Je me souviens que, pendant cette période, il n’y avait pas assez de<br />

fourrage, c’est-à-dire que l’on gardait le «vrai» fourrage pour l’engagement réel. On<br />

nourrissait alors les chevaux d’un mélange de cellulose et d’avoine pour leur remplir<br />

l’estomac, sans leur donner de la vigueur. Cette pratique nous obligeait à ménager<br />

les montures: on marchait souvent à côté des chevaux et l’on ne prenait que peu de<br />

position au galop!<br />

Le cheval passait avant l’homme: le coup de brosse du matin, avant le petit-déjeuner<br />

de la troupe, puis leçon d’équitation avec un cheval, puis avec deux; harnachement,<br />

ferrage, sortie mais en partie à pied pour les raisons évoquées auparavant. La batterie<br />

était composée de quatre pièces de 7,5 cm; cinq canonniers les servaient (cinq<br />

canonniers + trois conducteurs + un chef de pièce). Pour les conducteurs, il fallait<br />

faire attention, lors de la prise de position, de ne pas virer trop brusquement car ils<br />

risquaient l’encablement ou la prise de trait, c’est-à-dire que le cheval s’encoublait<br />

dans les «courroies». On ne demandait pas forcément aux conducteurs de placer la<br />

pièce dans la direction de tir, les canonniers s’en chargeaient. Je me rappelle que, lors<br />

de mon ER, nous, les conducteurs, avions «touché» pour la première fois le<br />

mousqueton et que nous étions encore équipés du sabre! Nous avions donc deux<br />

armes, ce qui n’était absolument pas pratique pour les leçons d’équitation<br />

(mousqueton en bandoulière) car nous n’avions pas de fonte. Puis je suis arrivé à la<br />

batterie. C’est au milieu de cette troupe que j’ai compris pourquoi cent vingt<br />

116 Le Brécaillon<br />

hommes, autant de chevaux, quatre canons peints en vert, cela s’appelle, en langage<br />

militaire, une unité: groupe de soldats capable d’une vie propre, qui se suffit à luimême,<br />

qui peut mener une guerre tout seul.<br />

Il y avait bien deux autres batteries sœurs, nos éternelles rivales, que nous<br />

apercevions aux jours d’exercice. C’était tout. Le reste de l’armée n’existait pas.<br />

Nous demeurions isolés, fiers d’ailleurs de l’être, jaloux de le rester. Et notre<br />

indépendance se bâtissait sur un bloc solide de confiance en nous-mêmes. Les<br />

paysans savaient mieux harnacher les chevaux que les citadins, surtout de nuit; mais<br />

les paysans montaient moins bien que nous car, au civil, ils marchent à côté de leurs<br />

chevaux!<br />

C’est en 1941 que j’ai accompli le cours spécial à Thoune, 11 jours de service actif<br />

avec la batterie de campagne 1, puis l’école d’officiers à Thoune et à Bière. L’école<br />

d’officier était très dure. Nous montions tous les jours. C’est durant cette école que<br />

j’ai appris à manier le sabre, mais uniquement pour le salut!En 1942, outre le<br />

paiement de galon à Bière, j’ai effectué deux périodes de service actif. Je ne m’étais<br />

pas rendu compte des problèmes de l’officier responsable matériel: la buffleterie<br />

pour 120 chevaux, y compris toutes ces petites pièces en cuir (collier, poitrail, long<br />

trait, court trait, sous-ventrière, etc.). Sans compter les bagages, la cuisine, le<br />

fourgon du sellier, la forge, les fourgons pour les téléphones, le matériel, les caissons<br />

de munition, ….. La commande de matériel n’était pas une mince affaire et je ne<br />

parle ni du contrôle, ni de la reddition de ce matériel.<br />

Tous les officiers et les sous-officiers étaient montés. Le sergent-major, le fourrier et<br />

les trompettes avaient chacun leur monture. Le maréchal-ferrant (et ses deux aides)<br />

fait les déplacements sur sa forge. Il y avait un caisson de munition par pièce, caisson<br />

tiré par quatre chevaux. Le vétérinaire se trouvait à l’EM du groupe.<br />

Pendant la période du service actif, il y avait moins de problème de matériel car les<br />

batteries n’ont jamais été démobilisées. Les unités devaient chercher des locaux pour<br />

y déposer leur matériel de corps. Nous avions pu déposer tout le matériel, y compris<br />

le harnachement, dans deux chalets aux Mosses.<br />

Les chevaux, après la guerre, étaient fournis à Bulle, puis conduits – non harnachés<br />

– à pied sur le lieu du CR. Nous avons, parfois, rencontré quelques difficultés: ainsi<br />

les colliers du matériel ne correspondaient pas à la taille des chevaux! Nous avons<br />

dû retourner à Bulle pour y chercher de nouveaux colliers et les ajuster en route<br />

jusqu’à Aigle.<br />

En campagne nous logions les chevaux chez les paysans. Cela posait parfois des<br />

problèmes; à l’issue d’un CR la troupe a rendu un cheval de trop à la remonte<br />

fédérale. La troupe avait embarqué le cheval d’un paysan! Tous les soldats qui ont<br />

fait des périodes de service actif se souviennent des villages «dangereux»; ils ont<br />

pour nom Ollon, Yvorne, et autres, sans goût de bouchon!<br />

Nous avons franchi des cols de montagne, innombrables traversées, en été et surtout<br />

en hiver lorsque les pièces dérapaient sur la route glacée; quelques chevaux<br />

tombaient, toujours les mêmes, parce que leurs conducteurs, anxieux, sortaient à<br />

Le Brécaillon<br />

117

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!