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BRÈVE HISTOIRE DE L'ARTILLERIE<br />

DE FORTERESSE SUISSE<br />

Lt-colonel Jean-Jacques Rapin<br />

La Suisse et ses cols alpins<br />

Dès ses origines, la Suisse voit son histoire liée à la présence des cols alpins de son<br />

territoire. Et lorsqu’en 1815, le Congrès de Vienne reconnaît la neutralité de la<br />

Suisse, il le fait pour plusieurs raisons, l’une d’entre elles - qui n’est pas la moindre<br />

- étant précisément la maîtrise de ses cols, parmi les plus importants d’Europe, car<br />

les guerres napoléoniennes ont démontré leur valeur stratégique. Si le 19e siècle est<br />

marqué par l’ouverture progressive du massif alpin au trafic européen: le Simplon en<br />

1805, le San Bernardino et le Splügen en 1813, le Monte-Ceneri en 1827, le Saint-<br />

Gothard en 1830, le Julier en 1840, l’Axenstrasse en 1864, l’Albula et la Bernina en<br />

1865, tous cols routiers, l’événement le plus déterminant reste le percement du<br />

tunnel ferroviaire du Gothard, en 1882, suivi par celui du Simplon en 1906 et du<br />

Lötschberg en 1913. L’inauguration du tunnel du Gothard - le plus long du monde<br />

à l’époque - frappe les esprits. Le Gothard, haut lieu du Romantisme de la première<br />

moitié du siècle, lieu mythique par excellence, est vaincu! A l’exploit technique<br />

impressionnant s’ajoute un sentiment de fierté nationale légitime, comme aussi un<br />

autre sentiment, celui du devoir d’en rester maître. Or, pour un petit pays au sol<br />

tourmenté et montagneux, la fortification est un auxiliaire obligé de sa volonté d’<br />

indépendance.<br />

Le rôle moteur du Gothard<br />

L’année même du percement du tunnel, en 1882, la situation internationale<br />

s’alourdit, lorsque naît la Triplice, une alliance politique de l’Italie, l’Autriche et<br />

l’Allemagne contre la France, qui confère au Gothard une valeur stratégique accrue.<br />

Il n’est donc pas étonnant que, toujours la même année, le colonel Alfons Pfyffer<br />

d’Altishofen élabore un plan défensif basé sur un réduit fortifié national, englobant<br />

toute la zone alpine, de St-Maurice à Sargans, avec un camp retranché formé par le<br />

Gothard. Un tel projet préfigure le Réduit national de 1940 dont nous reparlerons. La<br />

tension politique augmentant et la liaison du Gothard accédant toujours plus à une<br />

dimension européenne, le Conseil fédéral décide d’agir, avec une célérité que l’on<br />

peut envier aujourd’hui: en 1885 mise sur pied d’une commission qui élabore un<br />

projet de fortifications pour l’ensemble du massif du Gothard, en décembre de la<br />

même année, votation par les Chambres fédérales d’un premier crédit de<br />

Fr.500’000.-, en 1886 création du Bureau permanent des fortifications et début des<br />

travaux!<br />

D’emblée, ce Bureau se trouve devant des tâches tout à fait nouvelles, et ce, pour<br />

plusieurs raisons. Tout d’abord parce que, au cours de ces années, l’artillerie connaît<br />

une mutation profonde, génératrice de progrès considérables. Avec l’introduction<br />

des tubes à âme rayée, le chargement par la culasse, l’invention de l’obus ogival et<br />

120 Le Brécaillon<br />

celle de nouvelles poudres, les effets du tir sont décuplé sen précision et en efficacité.<br />

De telles conditions bouleversent les règles existant jusqu’alors dans le domaine des<br />

fortifications, et les effets destructeurs de l’artillerie sont tellement redoutés que l’on<br />

parle d’une «crise de l’obus explosif». Il ne peut plus être question de bastions, de<br />

remparts en terre ou d’emplacements de batterie à ciel ouvert, destinés à l’artillerie<br />

de position, tels qu’on les connaissait depuis Vauban, au 17e siècle.<br />

Les forts eux-mêmes doivent être protégés par de fortes maçonneries - peu après, par<br />

du béton armé, inventé depuis peu - pour abriter une nouvelle génération<br />

d’artillerie, devenue spécifique, «l’artillerie de forteresse», avec ses pièces sur affût<br />

fixe, placées en casemates pourvues d’embrasures blindées, ou sous tourelles,<br />

blindées elles aussi, qui tirent tout azimut.<br />

Les problèmes techniques à résoudre sont donc considérables, mais au même<br />

moment, ils sont abordés par plusieurs pays d’Europe: la France, après sa perte de<br />

l’Alsace-Lorraine en 1870, couvre sa frontière du Nord-Est et construit la<br />

fortification Séré de Rivières (en particulier dans la région de Verdun), la Belgique<br />

érige ses forts d’Anvers et de Liège, l’Italie et l’Autriche leurs forts des Dolomites.<br />

Si bien que, malgré les exigences du maintien du secret, la commission technique<br />

suisse est autorisée à visiter ces divers lieux, d’où elle rapporte des expériences fort<br />

utiles, voire indispensables.<br />

Au Gothard, les travaux, très importants, sont menés avec détermination, dans une<br />

sorte de climat d’effervescence, qu’expliquent aussi bien les dangers de la situation<br />

politique internationale qu’une forme de fierté d’assumer, pour la première fois, un<br />

mandat technique difficile. De sorte qu’entre 1891 et 1892 déjà, les ouvrages<br />

fortifiés peuvent être remis à la troupe.<br />

Le fort d’Airolo (l’ancêtre ...)<br />

Ce fort, à l’époque le plus important du complexe du Gothard, est situé à deux<br />

kilomètres au-dessus d’Airolo, sur les premiers lacets de la route menant au col.<br />

Constitué, à l’instar de certains forts étrangers, par une énorme masse semi-enterrée<br />

de maçonnerie en pierres de taille, recouverte de dalles de granit, il est resté un<br />

exemplaire unique parce que ce mode de construction exige des moyens<br />

considérables, qui engendrent des coûts très élevés.<br />

Les autres ouvrages contemporains, au Gothard puis à St-Maurice, mettront mieux à<br />

profit la couverture rocheuse naturelle. Le fort d’Airolo a pour mission de couvrir de<br />

ses feux le portail Sud du tunnel ferroviaire et de barrer les axes venant de la<br />

Léventine et du val Bedretto. Il est armé de nos premières pièces d’artillerie de<br />

forteresse soit: une tourelle sommitale à 2 canons de 12 cm, tirant tout azimut, cinq<br />

casemates à 1 canon de 8,4 cm, une tourelle à éclipse à 1 canon de 5,3 cm, tirant au<br />

profit de l’infanterie pour la défense rapprochée de l’ouvrage. La superstructure<br />

comprend encore une cloche cuirassée d’observation. Le plan ci-après montre sa<br />

forme trapézoïdale, lointaine héritière du système bastionné, l’important glacis qui<br />

l’entoure avec son réseau de fils de fer barbelés pour dégager ses champs de tir et la<br />

présence d’une galerie souterraine reliant le fort au blockhaus du portail Sud du<br />

Le Brécaillon<br />

BRÈVE HISTOIRE DE L'ARTILLERIE DE FORTERESSE SUISSE<br />

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