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moi dans ce moment, mais je préfère me gêner encore et le faire de suite pour la
première fois, et ne pas mendier inutilement des secours et des recommandations
qu’on me fera attendre longtemps, pour plus tard me refuser le moins impoliment
possible.» (48) On le constate: homme de décision et d’obstination, dans le bon sens du
terme, Pinon est également un homme de coeur. Et l’homme aux canons de conclure:
«[...] Sur la foi d’un journaliste, (49) le peuple genevois a jugé l’un de ses membres
légende
PINON L’HOMME-AUX-CANONS PINON L’HOMME-AUX-CANONS
qui vécut toujours au milieu de lui, et que sa vie passée aurait dû mettre à l’abri de
semblables soupçons.
Aujourd’hui j’en appelle au bon sens de mes concitoyens dont le bonheur est mon
unique pensée [...]» (50)
Après le capitole, la roche tarpéienne
Toutefois les passions ne s’apaisent pas. A la date du 31 mars, Suès note dans son
Journal: «Les inspections ont commencé aujourd’hui. On dit qu’on y a hué le
colonel Pinon.» (51) Un caporal des carabiniers, un certain Doehner, demande a être
rayé des rôles militaires. L’inspecteur de la milice, le colonel Kunkler, lui répond que
sa demande est inconvenante sur quoi Doehner réplique que ce qui est inconvenant,
c’est la présence d’un correspondant du Prince de Metternich dans les rangs d’une
milice républicaine. Lorsque Pinon, en personne, se présente à lui avec le livre
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d’inspection, Doehner lui dit: «Colonel, il vous faut écrire à Metternich comment
vous trouvez cette canaille citoyenne». Convoqué dans le bureau de Pinon pour une
explication, Doehner lui déclare qu’il est prêt à lui accorder satisfaction, quand il
voudra. Les jours suivants de nouveau incidents auront encore lieu. (52) Elle est bien
loin (Octobre 1814), l’époque où Pinon avait été élu avec le maximum de voix au
Conseil représentatif!
Il est intéressant de noter que Ruchon, dans son Histoire politique de Genève, (53)
considère que cette «affaire Pinon» n’est pas uniquement anecdotique, mais qu’elle
atteste d’un détachement de la population à l’égard de ses autorités, qui aura bientôt
des conséquences fatales.
Sans aucun doute toute cette affaire affecta vivement Pinon qui depuis en plus se
tourna vers la religion, comme ses lettres l’attestent. Six semaines avant sa mort, le
31 août 1839, il adresse une ultime lettre à son ami le doux humoriste Petit-Senn, qui
partage ses idées politiques. Il s’agit d’une longue méditation sur la mort et sur les
consolations que le christianisme nous offre. Dans la marge, Petit-Senn écrit:
«L’auteur de cette lettre, le brave colonel Pinon, mourut le 12 octobre (54) suivant
entouré des soins des siens et suivi des regrets de tous les Genevois.» (55)
«De tous les Genevois», voilà qui est loin d’être certain! Et pourtant, il avait bien
mérité de la République.
Notes
1 D’après l’information que j’ai obtenue auprès des Archives d’Etat de Genève, la plaque, qui s’était
descellée, a été „recueillie“ par ces archives. Elle est actuellement introuvable.
2 Général de division.
3 Mémoires de F. de Roverea écrits par lui-même et publiés par C. de Tavel, T. IV, Berne-Zurich-
Paris, 1848, p. 196.
4 Mémoires de la comtesse de Boigne. Ed. Berchet, vol. I, Paris, 1979, p. 501.
5 Pour les détails de la marche de la divisdion Bubna sur Genève, et sur les combats alentour, on
consultera: General d.I. Emil von Woinovich Kämpfe in Süden Frankreichs 1814, vol. 6e de !813-
1815. Österreich in den Befreiungkriegen, Wien-Leipzig 1912., p. 1-35.
6 Paris, 1932. Bien que Dumur fut le plus Français de tous les Genevois, établi à Paris et cofondateur
du Mercure de France, il fut vivrement attaqué à Paris pour ce roman, parce qu‘ il montrait la
population genevoise heuseuse d‘avoir été libérée des Français!
7 Roverea, op.cit., p. 199.
8 Journal de Marc-Jules Suès pendant la Restauration genevoise 1813-1821. Publié avec une
introduction par Alexandre Guillot, vol. I, Genève, 1913, p. 4. Désormais cité Suès.
9 P. 5.
10 Ibid.
11 François Ruchon, Histoire politique de Genève. 1813-1907, vol. I, Genève, 1953, p. 29.
Désormais cité Ruchon.
12 Ruchon, p. 29.
13 Article J. Pinon in: Recueil
14 Le Journal de Pinon, qui nous fournit tous les renseignements sur son odyssée, ainsi que divers
papiers étaient, à l‘origine, la propriété de F. Bonna. Quant aux notes sur Pinon réunies par le colonel
Grivel, qui avait été directeur de l’arsenal de Genève, déposées aux Archives d’Etat de Genève, elles
demeurent introuvables, au même titre d’ailleurs que le Journal. Mais cette absence n’est pas trop
grave, dans la mesure où l‘historien Frédéric Barbey a paraphasé, et parfois copié, le texte de ce
Journal dans son étude „L’Homme aux Canons. Récit de la Restauration genevoise“ publié en 12
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