Téléchargez - Musée Militaire Genevois
Téléchargez - Musée Militaire Genevois
Téléchargez - Musée Militaire Genevois
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
PINON L’HOMME-AUX-CANONS PINON L’HOMME-AUX-CANONS<br />
florins d’Allemagne, qu’il n’avait pas besoin d’argent, qu’il en avait reçu<br />
beaucoup.» (11) Finalement Des Arts obtient du comte qu’il accepte de délivrer le<br />
passeport. Mais, en revanche, il refuse de lever le petit doigt pour que les canons et<br />
le matériel soient restitués. François d’Ivernois, cet ennemi de la Révolution qui<br />
venait de rentrer dans sa patrie genevoise après un exil de 22 ans en Angleterre, et<br />
qui était bien vu des Alliés, tenta à son tour de convaincre Bubna. Pendant plus de<br />
trois heures, il dépensa des trésors de persuasion, mais en vain.<br />
Une lettre du baron von und zu Stein, ministre prussien, adressée au Conseil, lui<br />
apprend que Genève est reconnue comme République libre et indépendante. Aussitôt<br />
Bubna annonce que, dans ces conditions, Genève n’aurait plus à payer les<br />
indemnités qu’il avait réclamées pour l’entretien de ses régiments. Parallèlement<br />
Pictet-de Rochement adresse un Mémoire aux Alliés dans lequel il leur demande,<br />
entre autres, la restitution de l’artillerie et l’interruption des travaux de défense<br />
entrepris autour de la ville. (12)<br />
Des événements graves allaient faire oublier au Conseil, pour un temps, le problème<br />
des canons. Fin février, les Français lancent une contre attaque, qui les amène aux<br />
portes de Genève. On se bat à Landecy, à Archamps, au pont de Saint-Julien et on<br />
entend le canon depuis la Treille. Bubna, bien décidé à défendre la ville proclame<br />
l’état de siège tandis que 9 membres du conseil quittent la ville et se réfugient sur le<br />
territoire vaudois. Le syndic Ami Lullin,<br />
qui est demeuré en ville, demande à<br />
Bubna l’autorisation de dissoudre le<br />
Conseil, «en raison de la dispersion de<br />
ses membres.» Bubna accepte et presse<br />
Ami Lullin de quitter la ville. Le général<br />
français Dessaix, qui a établi son quartier<br />
général à Carouge, envoie un<br />
parlementaire au général autrichien, pour<br />
lui demander de se rendre, ce qu’il refuse<br />
bien entendu. Dans la nuit du 22 au 23<br />
mars, les Français évacuent Carouge et<br />
se replient sur Annecy et Chambéry. Ce<br />
mouvement rétrograde a été dicté par<br />
l’avance d’un important corps autrichien<br />
en direction de Lyon et par la prise de<br />
cette ville. Toutefois Bubna, avant de<br />
quitter définitivement Genève, aura<br />
encore eu le temps, durant le mois de<br />
mars, de vendre à la maison Delessert,<br />
Will et Cie d’Ouchy des affûts, des<br />
roues, des boulets et du vieux fer.<br />
Le baron von und zu Stein (BPU)<br />
Où Pinon apparaît<br />
Si les <strong>Genevois</strong> sont vivement affectés<br />
52 Le Brécaillon<br />
par le départ de leurs canons et de leur<br />
matériel d’artillerie, l’un d’entre eux<br />
considère cet état de chose comme<br />
intolérable, comme une déchirante<br />
absence qu’il faut absolument faire<br />
cesser, comme quelque chose qui,<br />
littéralement, lui brise le coeur. Il s’agit<br />
du lieutenant de chasseurs Joseph Pinon,<br />
fils de Jean-Augustin Pinon (1736-1818)<br />
et de Jeanne-Louise Diedey (1753-<br />
1837), qui est à la tête de l’importante<br />
maison de draps Pinon, <strong>Genevois</strong> et Cie.,<br />
installée dans le beau bâtiment de la Rue<br />
Basse du Terraillet, qui avait vu naître<br />
l’illustre Charles Bonnet. Les Pinon sont<br />
originaires de Denezy, dans la bailliage<br />
de Moudon, où l’on trouve un Pinon,<br />
pasteur de 1612 à 1627. Né à Genève le<br />
10 octobre 1775, il a probablement<br />
commencé par assister son père dans sa<br />
florissante affaire, avant de se vouer à la<br />
carrière militaire. Le 28 février 1799, il<br />
épouse Françoise-Marie Sicard, qui lui<br />
donnera trois filles, la dernière en 1805,<br />
et un fils, qui mourra en bas âge. Entre<br />
1811 et 1813, il est lieutenant de<br />
chasseurs dans la garde nationale puis, début 1814, il propose ses services au<br />
conseiller Richard Calandrini, responsable de l’artillerie, devient membre du Conseil<br />
militaire et est nommé directeur du génie et des arsenaux. (13)<br />
Une idée fixe va l’occuper complètement: retrouver la trace des canons et les<br />
ramener à Genève. (14) Le 13 mai 1814, un officier autrichien arrive dans la ville avec<br />
l’ordre de restituer les pièces frappées aux armes genevoises, partout où elles se<br />
trouveront. Apparemment, les efforts de Pictet-de Rochemont avaient été couronnés<br />
de succès. Pinon, à cette nouvelle, se rend aussitôt chez le syndic Des Art pour lui<br />
demander les pleins pouvoirs qui lui permettront de récupérer les canons. Il plaide<br />
sa cause – ou plutôt celle de ses chers canons – avec une telle chaleur que le Conseil<br />
obtempère. Le 13 mai déjà, il est sur les routes.<br />
Il ne se doute pas alors qu’il n’est qu’au début d’une odyssée ni des obstacles, parfois<br />
presque insurmontables, qu’il devra surmonter. Son objectif est Lyon, car c’est là<br />
que se trouve le Feldzeugmeister (15) comte de Colloredo, qui commande le premier<br />
corps d’armée autrichien, dont dépend la division Bubna, et qui est seul habilité à<br />
rendre les canons. Sa mission est couronnée de succès. Colloredo signe l’ordre de<br />
restitution et le 16 déjà Pinon est de retour à Genève en liesse car les Autrichiens<br />
viennent de l’évacuer. (16) Le général Dessaix<br />
Débordant d’énergie, il mène un train d’enfer. Il se rend<br />
Le Brécaillon<br />
53