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PINON L’HOMME-AUX-CANONS PINON L’HOMME-AUX-CANONS<br />
Les Autrichiens à Genève<br />
Le 30 décembre, à deux heures de<br />
l’après-midi, Bubna, fait son entrée dans<br />
la ville, au milieu de ses troupes, celles<br />
des Français ayant évacué la cité un peu<br />
auparavant, tous les points militairement<br />
importants étant occupés par la milice<br />
locale. La population, impressionnée par<br />
la belle tenue des Autrichiens, leur fait<br />
bon accueil, en dépit des réticences de<br />
certains qui voient en eux les fourriers de<br />
l’Ancien Régime restauré. Pour<br />
comprendre ce qu’a été cette arrivé, puis<br />
«l’occupation» qui s’en suivit, il n’est<br />
que de lire le brillant et désopilant roman<br />
de Louis Dumur, par ailleurs bien<br />
informé, Un estomac d’Autriche, (6) qui<br />
nous montre que les <strong>Genevois</strong>, s’ils<br />
saluèrent d’abord les Autrichiens comme<br />
des libérateurs, ne tardèrent pas à voir en<br />
eux des opportuns, qui les faisaient<br />
ployer sous les impositions et les<br />
réquisitions diverses, entre autres en<br />
hommes pour construire de puissantes<br />
redoutes à Champel, Malagnou et Saint-<br />
Jean doublées de tracasseries, sans parler des déprédations. Certains toutefois,<br />
comme de Roverea, considéreront les récriminations genevoises comme déplacées:<br />
«[...] 6000 hommes environ furent casernés ou cantonnés en ville, et comme de<br />
raison nourris aux frais de l’Etat ou par les particuliers, qui oubliant la faveur d’être<br />
exemptés des contributions en numéraire et des réquisitions en tout genre, dont<br />
Bonaparte frappait indistinctement en pareil cas amis et ennemis, ne tardèrent pas à<br />
gémir de la dépense et de l’incommodité, que leur causaient des hôtes auxquels ils<br />
étaient cependant redevables, du don le plus précieux qu’on pût leur faire,<br />
l’indépendance [...]» (7)<br />
Ugarte<br />
Bubna quitte Genève le 23 mars 1814, remplacé par le général Greith et, comme<br />
gouverneur civil, par le comte d’Ugarte, dont les manières cassantes vont bientôt<br />
faire regretter Bubna. Ce dernier d’ailleurs continuera à entretenir de bonnes<br />
relations avec Genève, qui ne lui gardera pas rancune, lui décernant la bourgeoise<br />
d’honneur par un décret de juillet 1815, entre autres pour avoir défendu la ville<br />
contre le retour offensif des Français et, plus tard, donnant son nom à un passage.<br />
Le départ des canons<br />
Ce que les contemporains nommèrent «la malheureuse affaire des canons» n’allait<br />
pas contribuer à apaiser le ressentiment éprouvé par la population locale à l’égard<br />
50 Le Brécaillon<br />
des Autrichiens. A partir du 3 février, ces derniers, sur l’ordre du directeur autrichien<br />
du génie Falou, commencent à vider l’arsenal de son matériel d’artillerie et du génie.<br />
Et ce n’est pas une mince récolte: 82 pièces genevoises et françaises, dont sept<br />
mortiers, huit pierriers, un obusier, sans parler d’un matériel considérable, dont des<br />
forges et des enclumes, quarante quintaux de salpêtre, vingt mille livres de plomb,<br />
des boulets, des grenades, des gargousses, des bombes et 270.000 pierres à fusil.<br />
Tout ce matériel, pesant près de 662 tonnes sera arrimé sur six barques qui, à partir<br />
du 11 février, feront voile vers Ouchy. A la date du samedi 5 février, Marc-Jules Suès<br />
relève dans son Journal: «Les Autrichiens ont embarqué la majeure partie de notre<br />
artillerie et toutes nos munitions comme poudre, bombes, boulets, etc. Il ne nous<br />
reste que 26 pièces. Tout cela va en Suisse.» (8) Et les jours suivants: «Rien de<br />
nouveau si non que l’artillerie, quoique embarquée, ne part pas encore.» (9)<br />
«Mécontentement général des <strong>Genevois</strong> sur cet embarquement.» (10) Bien entendu,<br />
les autorités genevoises réagissent vivement. Le conseiller Calandrini, responsable<br />
de l’artillerie de l’Etat, reçoit l’ordre du Conseil provisoire de dresser l’inventaire de<br />
tout ce qui a été enlevé et de le faire signer par le colonel Falou, qui se fait<br />
longuement prier avant d’accepter, le 16 février. De son côté, le syndic Des Arts<br />
avait fait parvenir un Mémoire aux princes de Schwarzenberg et de Metternich dans<br />
lequel il exprime son indignation et sa consternation. Le Conseil charge Charles<br />
Lullin, fils du syndic Ami Lullin, de le<br />
porter au quartier général des Alliés, qui<br />
se trouve alors à Troyes. Mais, pour<br />
sortir de Genève et s’engager sur les<br />
routes, un passeport est exigé, qui ne<br />
peut être délivré que par Bubna en<br />
personne. Celui-ci d’abord refuse. Le<br />
document ne sera donné que lorsque<br />
l’artillerie sera arrivée à Schaffhouse. A<br />
son tour, le syndic Des Arts intervient. Il<br />
commence par proposer à Bubna 4000<br />
louis, payables en quatre versements,<br />
pour équiper deux bataillons de<br />
chasseurs. Ce dernier, évoquant les<br />
réquisitions auxquelles les <strong>Genevois</strong> se<br />
refusent, se fait menaçant. «Le Conseil,<br />
déclare-t-il, avait itérativement refusé de<br />
rien faire de ce que lui avait demandé,<br />
que ce refus ayant été articulé par M. le<br />
syndic Lullin,, il n’avait plus agi que<br />
comme général et que, dès lors, il<br />
n’avait plus regardé la République qu’il<br />
avait commencé à restaurer que comme<br />
un pays conquis, que nous offrions 4000<br />
Louis pour ravoir une valeur de 400.000<br />
Des Arts<br />
Le Brécaillon<br />
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