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1848: LA LÉGION HELVÉTIQUE ROMANDE 1848: LA LÉGION HELVÉTIQUE ROMANDE<br />
ceux que signalaient la lettre des sergents. «Vous avez été mal renseigné par les<br />
rapports que vous avez reçus ou plutôt on aura trop généralisé des faits particuliers.<br />
C’est moi Monsieur, qui ai commandé le second détachement de volontaires, je l’ai<br />
conduit à Milan, j’ai quitté cette ville le 28 mai, je puis donc vous donner des<br />
renseignements authentiques. Sur toute la route nous avons été fort bien reçus,<br />
particulièrement au prieuré du Simplon, à Isella, Domo, Pallenza, Sesto, etc. dans<br />
toutes ces localités on nous a fait de cordiales et fraternelles réceptions. Les<br />
citoyens, la garde nationale avec les municipalités et le curé en tête, venaient au<br />
devant de nous en criant: Vivent les Suisses! et en nous apportant des brantées de<br />
vin et des corbeilles de vivres. Depuis Sesto, nous avons été par eau jusqu’à Milan.<br />
Nos tambours, qui battaient sur la barque, attiraient de nombreuses personnes pour<br />
nous voir passer. Nos bateliers s’empressaient de leur apprendre que nous étions<br />
suisses, et les vivats et les bravos ne cessaient plus. A l’entrée de Milan, nous avons<br />
trouvé des MM. Vaudois, parmi lesquels M. Veret, de Nyon, qui nous ont fait présent<br />
d’un drapeau italien... Une foule considérable était sortie de la ville pour nous<br />
recevoir, la garde nationale avec un bouquet de fleurs à chaque fusil, rentra devant<br />
nous en ville et nous arrivâmes, tambours battant, jusque devant l’hôtel du<br />
gouvernement. Partout on criait: vive les Suisses! Les dames agitaient des drapeaux<br />
et des mouchoirs aux fenêtres, cette entrée était touchante de fraternité. De la place<br />
du gouvernement nous nous rendîmes à la caserne St Jérôme, où les soldats reçurent<br />
immédiatement leur solde du jour courant. Cette solde est de 9 batz par jour, ils la<br />
reçoivent tous les jours à 10 heures du matin. Le lendemain des Polonais étant<br />
arrivés, on nous a logé à la caserne St Joseph où l’on est parfaitement bien. Il a été<br />
pourvu, sous mes yeux, à l’équipement de mes soldats. Chaque homme a reçu un<br />
petit uniforme vert, avec col et revers rouges, un pantalon de toiles neuf, une paire<br />
de guêtres, deux paires de souliers; on leur confectionne actuellement des képis et<br />
des capotes.»<br />
Les Italiens ont une bonne opinion des Suisses, ils surestiment la puissance des<br />
vainqueurs du Sonderbund. Le 16 mai le commerçant Aubin fait un long rapport au<br />
Nouvelliste, dont j’extrais ces quelques lignes caractéristiques: «... Depuis notre<br />
affaire du Sonderbund, la valeur des Suisses a pris des proportions gigantesques<br />
dans l’esprit des populations italiennes. Au passage de la frontière lorsque j’ai<br />
décliné ma qualité de Suisse on n’a pas visité mes effets et pas même jeté un coup<br />
d’oeil sur mon passeport. L’employé me l’a rendu nous sommes du même pays, nous<br />
sommes tous frères.» L’entrée des quelques dizaines de volontaires suisses du<br />
détachement Schaumberg a donc été l’occasion d’une suite de fêtes, mais qu’est-il<br />
advenu de son avant-garde? La lettre d’un de ses membres, fort opportunément<br />
communiquée au rédacteur du Nouvelliste par ses parents, nous l’apprend. Louis<br />
Tissot a posté son courrier le 19 mai.<br />
À le lire on croirait qu’il fait la guerre au pays de Heidi: «Chers parents, Je vous écrit<br />
deux mots pour vous donner de mes nouvelles qui sont fort bonnes. Je suis resté dans<br />
le corps des volontaires. Nous n’avons reçu aucun engagement, mais nous sommes<br />
parfaitement bien entretenus, nous avons une excellente nourriture, nous buvons le<br />
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lait chaud matin et soir; je crois que si je reste longtemps ici vous ne me reconnaîtrez<br />
pas; jamais je n’ai été si bien portant. Il est vrai que nous sommes dans les<br />
montagnes, au bord d’un joli petit lac.» Il a eu sa part de fêtes et de ripailles. «Nous<br />
avons été très bien reçus sur la route; dans le Piémont, on nous a fait de superbes<br />
banquets; chacun battait des mains à notre passage, de grandes dames venaient au<br />
devant de nous avec des drapeaux et criaient vive la Suisse.» Il est complètement<br />
équipé, dispos, il a vu l’ennemi le 14 mai et ne demande qu’à l’affronter: «Nous<br />
sommes complètement habillés; j’ai déjà reçu deux chemises neuves. Depuis Milan<br />
nous sommes partis pour Brescia et de Brescia nous sommes venus ici en trois jours<br />
de marche. Dimanche nous avons été, huit d’entre nous avec le capitaine, dans le<br />
Tyrol examiner les positions et les avant-postes; il y avait quelques italiens et des<br />
chefs supérieurs avec nous. Nous avons vu des Autrichiens qui s’avançaient en<br />
reconnaissance, nous avons voulu les poursuivre, mais ils ont bientôt pris la fuite.<br />
Demain à deux heures nous partons pour rejoindre le corps des volontaires, qui est<br />
près d’ici, sur une montagne entourée de jolis villages». Tout va donc bien dans le<br />
meilleur des mondes, enfin presque: «Nous avons trouvé beaucoup de Suisses qui se<br />
sont joints à nous. Nous sommes tous en bonne santé sauf le jeune Fontaine qui n’est<br />
pas bien depuis le passage du Simplon où nous avons joliment brassé la neige.» Le<br />
contre-feu s’avère efficace. Borgeaud retourné à Sion pour prendre la tête du convoi<br />
suivant souhaite tourner la page au plus vite, le 1er juin il presse à son tour Lecomte:<br />
«Mon cher.- Nous avons expédié de Sion le 1er détachement de carabiniers pour<br />
Laveno où ils nous attendront pour faire leur entrée à Milan. Il se forme à Sion de<br />
nouveaux détachements que nous expédions au fur et à mesure de leur formation à<br />
Laveno où s’organisent définitivement les compagnies.- Tâchez de nous expédier<br />
quelques carabiniers de Lausanne, à présent qu’il n’est plus question de mendier à<br />
Milan vous réussirez mieux. Ne perdez pas un instant à cet égard, voyez votre monde<br />
et écrivez nous commencez les conditions (75) .» Jules Eytel, lui, fait part de son<br />
contentement et donne le 4 juin de nouvelles instructions: «... Les lettres de MM<br />
Schaumberg et Tissot m’ont fait un grand plaisir. C’est comme cela qu’il les faut<br />
pour faire connaître la vérité. Si vous écrivez à M. Borgeaud dites lui qu’il fera bien,<br />
arrivé à Milan, de réclamer la compagnie Schauberg afin qu’elle soit placée sous<br />
son commandement avec celle des carabiniers qu’il emmène. Dites lui aussi qu’il<br />
devrait publier un second appel daté du territoire piémontais ou lombard aux<br />
carabiniers de la Suisse française cela lui augmenterait les rangs. S’il est encore à<br />
Sion qu’il se hâte de se mettre en route et m’écrive aussi souvent que possible ...»<br />
Les Lombards sont de plus en plus hésitants. Lecomte a eu une entrevue avec<br />
Prinetti dont il ne communique à Borgeaud que l’essentiel. Le gouvernement<br />
lombard souhaite retarder l’entrée à Milan des carabiniers suisses. Cela arrange les<br />
affaires de son ami qui voudrait bien en être. Il témoigne de sa satisfaction dans une<br />
lettre du 4 juin: «Mon cher, Je viens de recevoir votre lettre, elle m’a fait le plus<br />
grand plaisir en ce sens que vous avez vu M. Prinetti et qu’il désire que nous<br />
retardions de 8 jours notre entrée à Milan; le 1er détachement est parti pour Laveno<br />
Le Brécaillon<br />
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