Merkur 02/2006 - Chambre de Commerce
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ÉDITORIAL<br />
Régime d’assurance pension:<br />
tout va pour le mieux<br />
dans le meilleur <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s?<br />
Lorsque le ministre <strong>de</strong> la Sécurité sociale, Mars di Bartolomeo,<br />
a présenté le 8 février <strong>de</strong>rnier le bilan technique établi<br />
par l’Inspection générale <strong>de</strong> la sécurité sociale (IGSS) sur<br />
l’évolution du régime <strong>de</strong> pension pour la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> couverture<br />
19992005 et les prévisions sur l’évolution du régime<br />
pour les années <strong>2006</strong>2012, la surprise fut <strong>de</strong> taille. En effet,<br />
l’étu<strong>de</strong> BIT (Bureau International du Travail) publiée en<br />
2001 avait révélé que la situation financière du régime général<br />
d’assurance pension du Luxembourg était certes saine,<br />
mais qu’elle était faussée par une <strong>de</strong>tte démographique cachée<br />
résultant principalement du nombre croissant <strong>de</strong> frontaliers<br />
qui <strong>de</strong>puis 1980 sont entrés dans l’économie luxembourgeoise<br />
et ont donc rejoint le régime d’assurance pension. Ces frontaliers<br />
commenceront à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r leur pension <strong>de</strong> vieillesse<br />
à partir <strong>de</strong> 2<strong>02</strong>0 entraînant une détérioration du coefficient<br />
<strong>de</strong> charge pour le système, coefficient qui aujourd’hui<br />
est encore largement favorable.<br />
L’étu<strong>de</strong> BIT prévoyait <strong>de</strong>ux scénarios, un premier scénario<br />
optimiste dans lequel l’impact <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte cachée serait<br />
en gran<strong>de</strong> partie absorbée par un nombre élevé <strong>de</strong> nouveaux<br />
entrants sur le marché du travail ce qui permettrait au régime<br />
<strong>de</strong> pension <strong>de</strong> fonctionner au moins jusqu’en 2050. La situation<br />
était moins bonne dans le <strong>de</strong>uxième scénario qui partait<br />
<strong>de</strong> l’hypothèse que le nombre <strong>de</strong> frontaliers n’augmenterait<br />
plus mais resterait stable après 2010. Selon ce <strong>de</strong>uxième<br />
scénario, dès 2013 déjà les dépenses annuelles ne pourraient<br />
plus être payées par les seules cotisations et les réserves disponibles<br />
seraient épuisées dès 2<strong>02</strong>8. Selon l’étu<strong>de</strong> BIT une détérioration<br />
du régime durant la <strong>de</strong>uxième moitié <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> projection, donc à partir <strong>de</strong> 2<strong>02</strong>5, serait en tous cas inévitable,<br />
à moins qu’une réduction importante <strong>de</strong>s prestations<br />
ou une augmentation <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong> la retraite ne soient réalisées.<br />
Quelque soit la solution choisie, le BIT recommandait<br />
dès 2001 <strong>de</strong> réduire le niveau <strong>de</strong> dépenses du régime général<br />
d’assurance pension.<br />
En comparant les résultats du bilan technique établi par<br />
l’IGSS sur l’évolution du régime <strong>de</strong> pension pour la pério<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> couverture 19992005 ainsi que les prévisions sur l’évolution<br />
du régime pour les années <strong>2006</strong>2012 aux scénarios<br />
établis par l’étu<strong>de</strong> BIT, on se rend compte que le niveau relatif<br />
<strong>de</strong> la réserve a évolué d’une façon moins favorable que<br />
celle prévue dans le <strong>de</strong>uxième scénario, donc le scénario dit<br />
«pessimiste» <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> BIT. Bien que les <strong>de</strong>ux étu<strong>de</strong>s utilisent<br />
<strong>de</strong>s paramètres différents pour mesurer l’évolution du<br />
régime <strong>de</strong> pension – ce qui rend une comparaison détaillée<br />
plus délicate – on peut difficilement comprendre comment<br />
le Ministre peut affirmer que selon le nouveau scénario, basé<br />
sur une croissance économique à long terme <strong>de</strong> 3%, le taux<br />
<strong>de</strong> cotisation <strong>de</strong>vrait être adapté pour la première fois, au<br />
plus tard en 2034 sans quoi à taux <strong>de</strong> cotisation inchangés<br />
la réserve légale serait épuisée vers 2041? Même selon le<br />
scénario bien plus réaliste d’une croissance économique <strong>de</strong><br />
2,2%, le taux <strong>de</strong> cotisation <strong>de</strong>vrait selon l’IGSS être adapté<br />
pour la première fois en 2<strong>02</strong>7 pour éviter l’épuisement <strong>de</strong>s<br />
réserves en 2034.<br />
Or, une politique <strong>de</strong> pension responsable exige une adaptation<br />
du régime bien avant la date fatidique <strong>de</strong> 2<strong>02</strong>7 et<br />
doit être construite sur une vision à plus long terme. Si on<br />
veut garantir les pensions <strong>de</strong> ceux qui rentrent sur le marché<br />
<strong>de</strong> travail aujourd’hui alors il faut concevoir <strong>de</strong>s scénarios<br />
sur au moins 60 ans. Sans réaction adéquate rapi<strong>de</strong> et<br />
en restant inactif jusqu’en 2<strong>02</strong>7, le taux <strong>de</strong> cotisation <strong>de</strong>vra<br />
atteindre 48% en 2048 pour garantir la pérennité du régime<br />
d’assurance pension actuel. Une telle hausse est évi<strong>de</strong>mment<br />
illusoire puisqu’elle reviendrait tout simplement à un doublement<br />
du taux <strong>de</strong> cotisation, ce qui ne sera acceptable ni<br />
pour les entreprises, ni pour les salariés, ni pour l’Etat.<br />
S’il est vrai, comme l’a affirmé le Ministre, que la situation<br />
financière du régime général <strong>de</strong> pension est actuellement<br />
saine et présente <strong>de</strong>s conditions favorables aux adaptations<br />
que la viabilité financière rendra nécessaires dans les décennies<br />
à venir, cette situation favorable ne pourra à long terme<br />
perdurer en maintenant simplement le taux <strong>de</strong> cotisation à<br />
son niveau actuel ou en subordonnant, comme l’a proposé le<br />
Ministre, toute charge financière supplémentaire du régime<br />
à la condition d’introduire <strong>de</strong> façon explicite <strong>de</strong>s ressources<br />
financières nouvelles. Des solutions responsables <strong>de</strong>vront être<br />
élaborées au plus vite si on veut éviter les mesures douloureuses<br />
<strong>de</strong>main et ne pas condamner dès à présent le contrat<br />
<strong>de</strong> génération qui est à la base du bienêtre <strong>de</strong>s pensionnés<br />
d’aujourd’hui. Le lecteur intéressé trouvera à la page 78 <strong>de</strong><br />
ce numéro une analyse très pertinente à ce sujet.<br />
1 • <strong>Merkur</strong> • Mars <strong>2006</strong>