Merkur 02/2006 - Chambre de Commerce

Phénomène bizarre, au Luxembourg,
le taux de remplacement
net dépasse les 100 %. Ceci signifie
concrètement que le pensionné
a des revenus nets plus élevés après
être parti en pension. Inutile de
préciser qu’en de telles circonstances,
le futur pensionné n’est guère
incité à prolonger son temps d’occupation
professionnel au-delà
du strict minimum légal. Pour les
neuf pays de l’échantillon que nous
avons retenu, ce taux de pourcentage
est de 78,9 % en moyenne.
L’OCDE a encore procédé à
une conversion des rentes en «patrimoine-retraite».
En effet, il est intéressant
de toucher une pension élevée
mais les questions suivantes
sont tout aussi importantes:
• A quel rythme est-ce que ma
pension va évoluer, une fois que
le paiement a commencé?
• A partir de quel âge puis-je
toucher ma retraite?
• Pendant combien de temps puis-
je toucher ma pension?
Ces trois facteurs influent sur la
valeur d’une pension vieillesse.
Les capitaux retraite représentent
le montant cash que l’Etat
devrait payer à l’assuré à l’âge de
65 ans pour se libérer du paiement
de la pension vieillesse. L’escompte
des cash-flows de pension
a été effectué avec un taux d’escompte
très conservateur de 2 %.
Patrimoine-retraite
(en millier USD)
Les pensions-retraite dans tous
les pays sont adaptées à l’évolution
du coût de la vie. Mais dans
certains pays, au-delà de l’indexation
des pensions, il existe
des adaptations pour faire évoluer
les revenus des pensionnés
avec l’évolution des salaires réels.
A Luxembourg, ce phénomène est
matérialisé par le «facteur d’ajustement»
qui adapte le niveau des
pensions tous les deux ans. A ce
niveau, le Luxembourg est plus
généreux que ses voisins et la plupart
des autres pays européens qui
se contentent d’adapter les pensions-retraite
à l’évolution du coût
de la vie.
Ce traitement favorable a un
effet positif sur la valeur en capital
de la retraite des Luxembourgeois.
Finalement, et c’est logique,
plus l’espérance de vie est élevée,
plus cet élément intervient favorablement
dans le calcul du «patrimoine-retraite».
Si l’on convertit
les pensions moyennes pondérées
en capital, les capitaux pensions
suivants s’en dégagent (voir graphique
ci-contre).
L’on peut constater que le capital-retraite
luxembourgeois, avec
587.000 US dollars (soit 489.000
euros) dépasse le montant du pays
qui vient en deuxième position (la
Suisse) de pratiquement 47 %. Par
rapport aux pays voisins, France,
Belgique et Allemagne, on aboutit
à un chiffre qui représente plus du
double. Les calculs ont été effectués
uniformément à un âge de
65 ans. Or il est notoire que les
assurés luxembourgeois ont tendance
à partir en retraite anticipée
bien avant cet âge limite.
Un tel départ anticipatif à la
retraite vient considérablement
augmenter le capital-retraite (puisque
la pension doit être payée plus
longtemps). Rappelons d’ailleurs
que le Luxembourg reste l’un des
rares pays qui ne pratique aucune
pénalité financière (réduction
actuarielle) pour des assurés qui
partent en retraite avant l’âge de
65 ans. La position réelle du pensionné
luxembourgeois est donc
bien plus avantageuse encore que
ne laissent présager le graphique
et les chiffres.
En conclusion, on peut retenir
que les pensionnés luxembourgeois
sont des gens heureux,
du moins en termes financiers.
Ils n’ont pas de soucis à se faire
quant à leurs revenus de pension,
ceci tant sous l’angle de vue
absolu que dans une optique comparative.
Mais cette situation ne
va pas perdurer. Dès les années
2015-2020 les problèmes financiers
deviendront de plus en plus
apparents. Vers les années 2023-
2025, le frein à main devra être
tiré. Actuellement les responsables
politiques sont en train de
réfléchir à de nouvelles sources de
financement pour éviter ou atténuer
le choc et assurer une viabilité
à long terme à nos pensions.
Ils seraient bien conseillés de
mener également une réflexion
sur le niveau approprié d’une pension-vieillesse
et se poser la question
de savoir s’il reste justifié que
la valeur d’une pension luxembourgeoise
équivaut à un montant
équivalent à plus du double
des pensions dans les pays environnants.
Fernand Grulms
Membre du comité de direction
de l’ABBL n
81 • Merkur • Mars 2006