Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro
qui bombardent, qui exécutent et qui torturent'
Lllurenl Murll",iet: - En menant une
guerre contre le terrorisme dont la première
étape était la bataille d'Afghanistan (mise à
bas du régimé 'proterroriste taliban et désanc-
,tuarisation du pays), et la seconde, le renversement
de Saddam Hussein et un processus de
nation building en Irak, les Etats-Unis ont
voulu prendre à bras-le-corps le problème des
tyrannies arabes et des parrains du terrorisme.
lis ont voulu - c'est leur mérite et leur courage
- répondre au saisissement qu'a été pour
eux le Il Septembre en s'attaquant enfm à
la racine du mal. Les fautes et les bévues commises
dans cette riposte antiterroriste n'entachent
pas la moralité et n'annulent pas la
nécessité de l'entreprise.
J.-E'. K. - Arracher une dent cariée est salutaire.
,Mais que penseriez-vous d'un dentiste qui le ferait
'de telle façon qu'il produirait un abcès généralisé
aux conséquences fatales pour le patient ?
L M. - Là métaphore buccale est jolie; mais
s'applique-t-elle à ce que l'Amérique a entrepris
en Irak et, plus largement, au Moyen-
Orient? Ce qu'on appelle parfois la quatrième
guerre mondiale est une guerre de très longue tion du monde arabe autour d'une identité
d~e. Quitte à critiquer tel ou tel aspect de la mythifiée. Dans ses variantes panarabiste ou
démarche des Etats-Unis,il serait juste de recon- panislamiste, cette mythologie identitaire vernaître
préalablement que le président George rouille depuis lors l'accès des pays arabes à
W. Bush s'est fIXé le bon cap. Dans le Camp l'altérité, à la réalité, au progrès. Le déni de la
de la guerre, vous faites le contraire. Vous réalité est la grande maladie d'lm monde arabodéduisez
a posteriori des difficultés, voire des ' ml\sulman en pleine stagnation, L'hyperproratés,
de cette guerre, qu'elle n'a aucun sens, et liféràtion terroriste est une arme collective
que son projet 'même était calamiteux. Curieuse développée, depuis trel).te ans, par la majeure
justification rétroactive. FrapPés en tant qu'Oc- partie des régimes arabes et réactivée dans
cident nous sommes engagés dans une lutte la croisade généralisée de l'islam extrémiste
extrêmement âpre contre des ennemis impla- contre la civilisation occidentale.
cables, les «nazislamistes »,qui ne reprochent J.-P. K. - Quand un Etat communiste, la
, pas aux Occidentaux ce qu'ils font mais ce Pologne, a laissé tirer sur les grévistes à Gdansk,
qu'ils sont. N'oubliez jamais que l'acte de guerre il a précipité l'effondrement de l'idée sociad'al-Qaida,
pour reprendre les mots prononcés liste... Mutatis mutandis, je me demande si la
dans un tout autre contexte par l'amiral japonais guerre d'Irak n'a pas hâté, dans l'ensemble du
Yamamoto, a réveillé le « géant assoup,:» qu'est monde musulman, le discrédit et la faillite des
l'Amérique. Que se serait-il passé si le géant aspirations démocratiques. Je n'ai jamais été
réveillé avait décidé de ne rien faire? : suspect d'indulgence à l'égard des «maladies
J.-P. K. - Eh bien, justement! De la même de l'islam », et j'ai mené un combat assez solifaçon
que lesJaponais ont eu tort tactiquement taire contre la complaisance dont l'intelligentd'attaquer
les Etats-Unisà Pearl Harbor, les Amé- sia française de gauche a fait preuve, dans les
.ricains. ont réveillé, en Irak, un autre «géant années 90, à l'égard de l'islamisme algérien. En
assoupi» qui n'avait pas besoin de cela: le natio- 2001, j'étais favorable â la campagne d'Afghanallsme
arabe. Et ils ont provoqué une conver- nistan. Mais contrairement à vous, j'ai la convicgence
inédite entre le nationalisme arabe et l'is- tion que la guerre engagée contre l'lrak fait le
lamisme. Les Etats-Unisportent la responsabilité jeu du parti terroriste. J'aurais vraiment préféré
intellectuelle de la fabrication de ce mutant qu'on crée préalablement les conditions d'une
redoutable, le « national-islamisme». authentique sécurité dans lm Afghanistan len-
L. M. - Les Américains n'ont fabriqué aucun tement reconquis par les talibans et qu'on s'in-
« mutant» idéologique! Là catalyse était déjà téresse davantage au Pakistan à la dérive.
accomplie, et la fusion «national-islamiste », L. M. - Avant la guerre en Ir.lk, l'idée démolargement
préparée par cinquante ans de cratique dans le monde arabe était virtuelledécervelage
idéologico-propagandiste d'un ment inexistante. Pour son propre malheur, le
monde arabe qui a, progressivement, perdu, monde arabe a importé d'Europe au XX C siècle.
les chemins de sa grandeur et de sa créativité. non pas le libéralisme, mais le pire de ce qu'elle
, Relisons Bernard Lewis qui a analysé la rétrac- avait à offrir - le bolchevisme et les fascismes,
de la Prensa-Baszn ()zeti
à la source du baasisme syrien et irakien et du
fameux « socialisme arabe ». Dans le monde
arabe, la démocratie est une idée neuve, exportée
par les GI !
.Justement. L'Amérique est entrée en gue"e en
. Irak au nom d'une certaine idée de la morale
internationale. Après la révélation des vexations
et des tortures pratiquées dans la prison d'Abou
Ghraib, l'exemplarité morale des Etats-Unis
n'a-t-elle pas subi une aneinte irréversible?
L. M. - Dans la guerre que les Etats-Unis
mènent contre le terrorisme, depuis le lendemain
des attaques du Il Septembre, les
revers et les échecs dissimulent l'étendue des
réalisations et des acquis. Des bavures graves
ont été perpétrées à Abou Ghraib. Ces actes
injustifiables doivent-ils être l'aune à laquelle
sera jugé l'ensemble de l'entreprise? Les
mêmes qui se sont indignés, à juste raison,
des ,traitements réservés aux détenus d'Abou
G~b n'ont pas toujours été aussi prompts à
s'émouvoir quand un assassin palestinien tuait
de sang-froid une mère enceinte et ses quatre
enfants dans un kibboutz!
J.-P. K. - A vous entendre, tous les opposants
à la guerre en Irak auraient été des pleutres doublés
d'esprits faux, disculpant systématiquement
les tyrannies arabes. 100 000 personnes
ont défilé à Paris contre le terrorisme! Après la
révélation du scandale d'Abou Ghraib, les Américains,
eux, ne sont pas descendus dans la me ...
Or si les tortures d'Abou Ghraib sont intolérables,
c'est justement parce qu'elles ont été
perpétrées, comme d'ailleurs l'ensemble de l'attaque
américaine contre l'Irak, au nom de la
démocratie et des plus hautes valeurs que les
Etats-Unis sont censés incarner. En matière
d'ivresse impériale, les Etats-Unis de Bush évoquent
tristement l'URSSde Staline.
L M. - Les actes barbares et stupides commis
à Abou Ghraib ont été immédiatement condamnés
par les autorités américaines !Et ce sont
d'autres Américains qui ont publié en une des
quotidiens les clichés photographiques pris
par les tortionnaires. Où est la dérive « stalinienne
»dans cette Amérique.qui sanctionne
sans hésiter l'abjection de ses rares soldats
dévoyés dans le sadisme ?
J.-P. K- Une partie de la presse américaine a,_
fait, bien sûr, son travail, et l'état-major a désa- '
voué les tortionnaires, mais qu'est-