<strong>La</strong> <strong>définition</strong> d’une <strong>stratégie</strong> d’intervention. <strong>La</strong> definición de una estrategia de intervención Defining a strategy for intervention qui malgré le statut de patrimoine mondial de l’Unesco tombe en décrépitude, à Oran où son centre-ville, bien que jouant encore un rôle de centralité, voit ses édifices s’effriter. Le paysage urbain des nouvelles extensions périphériques des villes algériennes apparaît comme identique d’un bout à l’autre du pays. Il semble, pour reprendre les propos d’Hamid Ougouadfel, que « l’architecture ou le cadre bâti n’ait plus de réelle valeur, mais qu’il soit devenu l’art de l’emballage plutôt qu’une expression du milieu socio-culturel dans lequel il se trouve 1 » . Nous constatons également que certaines de ces constructions sont non seulement coupées de la ville et de son animation, mais qu’elles ne comportent aucun aménagement extérieur (espaces verts, équipements publics, services publics). <strong>La</strong> question de leur devenir laisse dubitatif au regard des problèmes rencontrés dans les banlieues d’Europe. Se posent donc les questions de l’importance de l’identification de la population aux espaces bâtis et de l’expression de cette identité propre. Plusieurs réponses quant à cette négligence peuvent être évoquées. <strong>La</strong> première est de l’ordre de la propriété des bâtiments. Pour reprendre l’exemple d’Ain-Sefra, après enquête auprès du cadastre de la ville, il est apparu que la plupart du bâti dégradé appartenait à des familles n’habitant plus sur les lieux (et dont les descendants vivent actuellement au Maroc). Le problème de la restauration et de l’entretien de ces édifices est alors effectif. Se pose alors la question des outils d’urbanisme permettant de remédier à cette situation. Deuxièmement, la question du rôle du patrimoine en Algérie n’en est qu’à ses débuts. En effet, la loi sur les secteurs sauvegardés n’est que récente et les assises du patrimoine ont eu lieu pour la première fois en 2004. Phénomène d’inertie des pratiques, les techniciens et les décideurs n’ont pas conscience des enjeux qu’il revêt. Peu de communes algériennes avaient, en 2005, déposé un dossier pour permettre l’inscription d’une zone en secteur sauvegardé. Troisièmement, la conjoncture difficile des années 1990s n’a pas permis un développement du secteur touristique (sauf pour le Grand Sud), développement peu pertinent pour le gouvernement puisque la majeure partie des ressources économiques sont concentrées sur la manne pétrolière et gazière. Enfin, le potentiel des vastes étendues du territoire algérien semble encore être la seule réponse aux besoins de logements. De fait, le ressenti d’une nécessité est que moins prégnant. Enjeux de la valorisation du patrimoine <strong>La</strong> récente réhabilitation de ksour dans la région des Hauts plateaux ainsi que plus au Sud (Taghit, Beni Abbés, Timmimoun, etc.) atteste tout de même d’une prise de conscience de la valeur patrimoniale de certains bâtis et des potentiels qu’ils peuvent revêtir. Elle résulte, pour la plupart, de jeunes (regroupés bien souvent en association culturelle) dont les parents en sont originaires. <strong>La</strong> vocation première est la promotion de l’histoire de ces villages (le cas le plus exemplaire étant probablement celui de Taghit 2 ) . Il y a principalement trois grandes raisons à ce regain d’intérêt : la première est la crise du logement qui touche le pays depuis le début des années 80, résultat d’une inadaptation à l’évolution rapide de la démographie algérienne auquel il faut ajouter le fort taux de croissance subit par les villes du Sud. Dans ce contexte, la rénovation des habitats des ksour répond à un besoin urgent et peut être vue comme une <strong>stratégie</strong> pour acquérir un chez soi à un prix décent. <strong>La</strong> deuxième raison est la promotion du tourisme, générateur d’emplois potentiels pour les plus jeunes. Nous avons vu ainsi des projets en cours ou finalisés comme des auberges de jeunesse, des petits hôtels, des magasins d’artisanat ou des musées du folklore. <strong>La</strong> troisième raison est d’ordre identitaire. Il existe en effet chez les jeunes un attrait grandissant pour la culture locale. Nous pouvons voir probablement dans ce regain d’intérêt la conséquence d’un manque de transmission orale, conséquence elle-même liée à la transformation de la structure familiale et à la disparition progressive du modèle de la famille élargie et des patriarches. Cette revendication identitaire de la part des jeunes est à mettre enfin en relation avec l’augmentation de leur poids démographique, lesquels essaient de rompre avec l’ordre établit et tentent de se faire une place plus grande au sein de leur société 3 . Ces différents enjeux ont également été compris des organisations internationales, comme le PNUD, notamment autour de l’économie et du tourisme. En effet, le projet de la « route des ksour » fruit d’un partenariat entre le PNUD et le Ministère de l’Intérieur a pour démarche de renforcer les capacités des populations et des collectivités locales et de mettre en œuvre leur propre développement autour de l’axe central constitué par la promotion du patrimoine culturel et naturel. Conclusion Ces quelques points ont mis en avant l’importance des dimensions sociales, anthropologiques, culturelles et économiques du patrimoine réhabilité. En fait, plusieurs facteurs doivent être pris en compte si on souhaite tendre vers les objectifs visés. Premièrement, il faut tenir compte de l’environnement dans lequel on réhabilite : faire en sorte que les populations s’approprient les nouveaux lieux, qu’elles ne se sentent pas étrangère à ces derniers. Deuxièmement, la régénération doit tenter d’éviter toute spéculation foncière au risque d’une gentrification du périmètre renouvelé et, de fait, déplacer des populations et ne produire qu’un simple déplacement du problème social. Il faut contrôler les investissements d’entreprises privées afin qu’elles ne modifient pas la structure sociale existante ainsi que l’usage du site. Dans cette logique, le patrimoine bâti ancien doit également être compris dans les programmes publics de construction de logements sociaux. Troisièmement, la restructuration du tissu urbain doit également prendre en compte les besoins des populations du territoire. Enfin, au travers de l’exemple des ksour, on note l’importance d’actions visant le local mais s’insérant dans une <strong>stratégie</strong> commune globale. Il apparaît donc important que les différents domaines d’expertise suivent une <strong>stratégie</strong> commune : culture, équipement, urbanisme, social et économique. Et de fait, que ces différents services au niveau des ministères et des collectivités communiquent et agissent de manière transversale. Enfin, la réhabilitation ne doit pas conduire à une « disneylandisation » du site ou à une ville-musée vidée de ses habitants, ou encore devenir simplement une attraction touristique tel l’Oasis de Tozeur (séjours clé en main, hôtel de luxe, apartheid touristique, uniques contacts commerciaux, demande exorbitante en ressource d’eau, déforestation de la palmeraie, disparition de l’agriculture locale, chômage, etc. 4 ) . 1 Hamid Ougouadfel « A la recherche d’une modernité » in Guide de l’urbanisme, de la construction et de la promotion immobilière Editions Médias-Guides-Plus, Alger, 1998. p.22. 164
<strong>La</strong> <strong>définition</strong> d’une <strong>stratégie</strong> d’intervention. <strong>La</strong> definición de una estrategia de intervención Defining a strategy for intervention 2 L’association du vieux qsar de Taghit a par ailleurs créé un site web : http://ksartaghit.220v. org. 3 Il s’agit là d’un phénomène très prégnant en Algérie. Les changements démographiques sont des faits qu’il est nécessaire de prendre en compte pour comprendre les évolutions sociopolitiques algériennes, qu’elles soient locales ou nationales. 4 Pour plus de renseignements à ce propos, lire l’article de Claude Llena « Tozeur, ravagée par le tourisme » in Le Monde diplomatique, juillet 2004 Ain Sefra Centre Ain Sefraperiph Tiout Ain Sefraperiph 165