Oeuvres complètes. Tome 2

IU Montpellier
MALADŒS OF. LA TÊTE ET DU COU 223
f
Que le tabac, devenu la source d'un revenu public, sc soit
répandu graduellement et pa1· une SOI'te de puis ance i1Tésistible,
dès l'époque de on introduction en Europe, au xv1' siècle, jusqu'à
nos jours, où l'on en fait usage chez Lous les peuples, depuis
l'Européen laborieux jusqu'à l'Oriental indolent ou au sauvage
abruti, ct dans toutes les classes de la société, depuis les habitants
des palais jusqu'à celui du plus humble asile ; que cette
plante, dont les effets ne répondent à aucun besoin naturel, qui,
dès les premiers essais, provoque des nausées, du ùégoùt ct
d'autres sensations désagréables, entre promptement dnns les
habitudes de celui qui a surmonté la répugnance initiale ; qu'elle
soit prisée, fumée, màchée ; que les sensations f!u'clle donne
acquièrent par leur réitération une puissance qui en rend le
besoin assez impérieux pour que sa privation soit une souffrance ;
que le marin, le p1·isonnier, l'ouvrier indigent préfèrent parfois
le tabac au pain lui-même : que tous les fumcu1·s s'accordcnt pour
attribue1· tl ses effets un charme indéfinissable OtJ ils I'et1·ouvent
l'oubli de leurs maux, nous con\'iendrons a surément qu'il y n
là quelque admi1·able mcn'eille, et nous n'entreprendrons pas la
tentative stérile de modifier sur cc point des habitudes que nos
page ignorées ne sauraient combattre. Apr·(·s tout, le succès du
t.abac a san doute sa rai on d'être. Ne fùt-il qu'une conséquence
de l'art de 'iHe plus heureusement, art dont un des problèmes
consiste à se créer des besoins qu'on puis e sa ti faire ; 1.hH-il en
partie sa propagation à la mode, que la 1·aison reconnan si souvent
comme sa sou,erainc, cet usage répond à un instinct qui, pour
être mal défini, n'en parait pas moins puis ant. S'il faut en croire
la béate annulation intellectuelle des fumeu1·s, le tabac sernit,
par les effets qu'il produit, un des rares concctifs de la nature
tourmentée de l'homme. S'il en est ainsi, que le philosophe en
pe1·1nettc ou en conseille l'usage. i\Iais cette tolérance ou cette
prescri ption ne doit pas fe,·mer les yeux au médecin observateur·,
ct celui-ci a le devoir· de faire connattre les faits qu'il r·ccucillc ct
qu'il vérifie.
En t1·e autres incon,·énients que la consommation immod61·6e
ùu tabac peut occasionner, nous nous bomerons à signaler la
production du cancer ou du cancroïde de la bouche. Comme
notre intention n'est pas de faire une étude complète