( DossierCHAPITRE IIIB :NEUROPATHIE AUDITIVE DE L’ADULTE :BILAN FONCTIONNEL ET COMPORTEMENTAL36DIDIER BOUCCARAService ORL, HôpitalBeaujon, AP-HP100, boulevarddu Général Leclerc,92110, ClichyTéléphone : 01 40 87 55 71Télécopie : 01 40 87 01 86E mail :didier.bouccara@bjn.ap-hopparis.frRÉSUMÉ/ENGLISHSUMMARYLa Neuropathie Auditive/ DésynchronisationAuditive est une affection re<strong>la</strong>tivementrare dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion adulte et secaractérise par des résultats à l’audiométrievocale significativement moins bonsque ceux attendus sur <strong>la</strong> base des seuils àl’audiométrie tonale ainsi que par unepréservation de <strong>la</strong> réponse des cellulesciliées externes démontrable par les otoémissionsacoustiques et/ou le potentielmicrophonique cochléaire alors que lespotentiels évoqués auditifs précoces sontabsents ou profondément altérés. On peutégalement trouver une atteinte vestibu<strong>la</strong>ireconcomitante. Les investigations diagnostiquesdoivent inclure une imageriedes voies <strong>auditive</strong>s par résonance magnétiqueet permettre d’éliminer des diagnosticsalternatifs comme une surdité autoimmune,surtout lorsque <strong>la</strong> perte <strong>auditive</strong>est rapidement progressive. Dans <strong>la</strong>plupart des cas, <strong>la</strong> Neuropathie Auditive /Désynchronisation Auditive est isolée maiselle peut s’inscrire dans le cadre d’affectionsneurologiques diffuses comme <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die de Charcot-Marie-Tooth. Les prothèses<strong>auditive</strong>s et <strong>la</strong> prise en chargeorthophonique sont recommandées afin derestaurer l’audibilité et <strong>la</strong> communication.Quoiqu’à priori le recours à l’imp<strong>la</strong>ntcochléaire paraisse illogique lorsque l’onsuspecte une atteinte du nerf cochléaire, <strong>la</strong>pratique clinique démontre des résultatssatisfaisants dans <strong>la</strong> plupart des cas.Auditory Neuropathy/Auditory Dys-synchrony isa re<strong>la</strong>tively rare disease in the adult popu<strong>la</strong>tion.It is characterized by a sensorineural hearingloss with speech test scores significantly worsethan those predicted from audiometric thresholdsand preserved cochlear outer hair cellresponse, as demonstrated by otoacousticemissions and/or cochlear microphonic potential,and none or markedly abnormal auditorybrainstem evoked potentials.Vestibu<strong>la</strong>r involvementis possible. The diagnostic investigationsmust include Magnetic Resonance imagingof the auditory pathways and eliminate otherdiagnosis as autoimmunity especially whenhearing loss is rapidly worsening. More oftenAuditory Neuropathy/Auditory Dys-synchrony isiso<strong>la</strong>ted, but diffuse neurological affections arepossible as Charcot Marie Tooth disease. Inorder to restore auditory function and communication,hearing aids and speech therapy arerecommended. Even though cochlear imp<strong>la</strong>ntationseems illogical in the presence of suspectedcochlear nerve disease, clinical practicedemonstrates good results in most cases withthese devices.1INTRODUCTIONLe diagnostic de Neuropathie Auditive(NA), ou Désynchronisation Auditive (DA)doit être suspecté chez l’adulte devant uneatteinte <strong>auditive</strong> non améliorée par unpremier essai d’aides <strong>auditive</strong>s. Les élémentsaudiologiques qui vont contribuer auLes Cahiers de l’Audition - Vol. 20 - n°6 - Novembre/Décembre 2007
Dossier )diagnostic sont fournis par l’associationhabituelle d’une altération de <strong>la</strong> vocale plusimportante que ce que ne <strong>la</strong>isserait attendre<strong>la</strong> tonale, une désynchronisation desréponses aux potentiels évoqués auditifsprécoces du tronc cérébral (PEAP), et <strong>la</strong>conservation d’une réponse normale àl’étude des otoémissions acoustiques provoquées(OEAP) et/ou du PotentielMicrophonique Cochléaire (PMC) (Starr etal., 1996 et 2000). Ce profil correspond dupoint de vue physiopathologique à uneanomalie localisée au niveau des cellulesciliées internes, de <strong>la</strong> synapse entre cescellules et les fibres du nerf cochléaire, desneurones du ganglion spiral ou des fibresnerveuses elles-mêmes, voire d’uneatteinte multifocale. Ces différents typesd’atteintes correspondent probablement àdes expressions cliniques différentes(Rapin et Gravel, 2006). S’agissant d’adultesl’enquête étiologique est réalisée à partirde l’orientation clinique : présence ou nonde signes associés, en particulier neurologiques.Dans <strong>la</strong> majorité des cas <strong>la</strong> NA estisolée, sans autre atteinte neurologiqueidentifiée. La réhabilitation par aides <strong>auditive</strong>ss’avère difficile et l’indication d’uneimp<strong>la</strong>ntation cochléaire est discutée dansun certain nombre de cas.1. CIRCONSTANCESDIAGNOSTIQUES2a. Données cliniquesL’étude épidémiologique réalisée par Kumar(Kumar et Jarayam, 2006) contribue à préciserles éléments épidémiologiques enrapport avec <strong>la</strong> NA. Cette analyse rétrospectiveportant sur plus de 21 000 personnesprésentant une surdité, a retrouvé 61patients présentant les caractéristiques de<strong>la</strong> NA telles que définies par Starr (Starr etal., 2000). La prévalence de <strong>la</strong> NA chez lespatients consultant pour une atteinte <strong>auditive</strong>de perception permanente a alors étéévaluée à 0,54%. Deux tiers des personnesatteintes étaient des femmes. L’âge moyendu début des symptômes était de 16 ans.Dans 80% des cas, l’évolution était progressive,marquée par une hypoacousiebi<strong>la</strong>térale en particulier en situationbruyante. Dans deux cas une pathologieneurodégénérative générale a été identifiéeà l’IRM, alors que dans <strong>la</strong> grande majoritédes cas l’atteinte <strong>auditive</strong> était isolée.Lors de <strong>la</strong> NA celle-ci est en règle bi<strong>la</strong>térale,mais des formes uni<strong>la</strong>térales sont possibles(Podwall et al., 2002).b. Résultats des testsaudiométriquesL’audiométrie est l’examen essentiel : elleretrouve une discordance avec une tonale« meilleure » que <strong>la</strong> vocale (figure 1).L’étude épidémiologique réalisée parKumar (Kumar et Jarayam, 2006) retrouvedifférents profils audiométriques en tonale :dans près d’un cas sur deux il existe uneencoche audiométrique avec un déficitcentré sur une fréquence. Dans les autrescas il existe une surdité de perception delégère à profonde. Il s’y associe une altérationimportante de l’intelligibilité : 60% despatients ont une intelligibilité nulle envocale, moins marquée chez les patientsprésentant une encoche audiométriquepar rapport aux autres anomalies de l’audiométrietonale.L’étude de <strong>la</strong> tympanométrie ne retrouvepas d’anomalie. En revanche, <strong>la</strong> présenced’une élévation des seuils du réflexe stapédien,ou leur abolition, sont des élémentshabituellement retrouvés lors de <strong>la</strong> NA(Berlin et al., 2005). Une situation cliniqueparticulière de dissociation de <strong>la</strong> tonale et de<strong>la</strong> vocale doit être mentionnée : il s’agit decas de surdité « simulée » ou pseudo-hypoacousie.Les tests audiométriques d’Arlingeret de Carhart sont alors utiles pour étayerle diagnostic (Legent et al., 2002; SFA, 2006).c. ExamensélectrophysiologiquesL’étude des PEAP est un élément essentielpour le diagnostic de NA/DA. Ses modalitéspratiques comportent habituellementdes stimu<strong>la</strong>tions par clics avec filtres etamplification pour un recueil de 1.000 à2.000 acquisitions par courbe, et des intensitésde stimu<strong>la</strong>tion atteignant, et pouvantmême dépasser, 90 dB HL (Legent et al.,2002; SFA, 2006). A partir des donnéesaudiométriques, tonale et vocale, le tracéattendu devant une conservation des seuilsinférieurs ou égaux à 90 dB devrait êtrebien synchronisé avec des ondes I, II, III etV reproductibles et un seuil de l’onde Vcompatible avec le profil audiométrique.Au cours de <strong>la</strong> NA les tracés obtenus sontaltérés : les tracés sont mal synchronisésavec des ondes I, III et V peu ou pas reproductibles,ne permettant habituellementpas une mesure précise de leurs <strong>la</strong>tences(figure 2).Pour différentes raisons, en particuliermatérielles, l’ElectroCochléoGraphie(ECochG) est re<strong>la</strong>tivement peu étudiée.Son intérêt est cependant important dansle cadre du diagnostic de <strong>la</strong> NA/DA,surtout si l’interprétation des PEAP est difficile.Grâce à une dérivation transtympaniqueau niveau du promontoire ellepermet le recueil des potentiels cochléaires: Potentiel Microphonique Cochléaire(PMC), Potentiel de Sommation (PS) tousdeux issus de nature présynaptique, etPotentiel d’Action Composite (PAC) d’origineneurale. Au cours de <strong>la</strong> NA/DA lesrésultats obtenus montrent <strong>la</strong> normalitédu PMC (Starr et al., 1996) et une absenceou une désynchronisation du PAC(Santarelli et Ars<strong>la</strong>n, 2002). L’intérêt del’étude du PMC a été montré dans lesformes discordantes avec altération secondairedes OEAP, en particulier chez l’enfant(Deltenre et al., 1999).Les études portant sur les potentiels évoquésde <strong>la</strong>tence longue, corticaux, ont montré <strong>la</strong>présence d’altérations chez les patients présentantune NA/DA (Michalewski et al., 2004;Kumar et Jarayam, 2005).Il faut enfin évoquer l’apport des mesuresélectrophysiologiques en cas d’imp<strong>la</strong>ntationcochléaire. En effet, si l’indication d’imp<strong>la</strong>ntationest retenue, les différentsmodèles d’imp<strong>la</strong>nts comportent <strong>la</strong> possibilitéd’enregistrer <strong>la</strong> réponse neurale lors37Les Cahiers de l’Audition - Vol. 20 - n°6 - Novembre/Décembre 2007