( DossierCHAPITRE VI :NEUROPATHIE AUDITIVE : ASPECTS GÉNÉTIQUES50SANDRINE MARLINCentre de Référence desSurdités GénétiquesService de GénétiqueHopital d’enfants ArmandTrousseau26 avenue deDocteur Arnold Netter75571 PARIS cedex 15FranceLIONEL VAN MALDERGEMCentre de GénétiqueHumaineUniversité de LiègeCHU du Sart-Tilman4000 LIEGEBelgiqueRÉSUMÉ/ENGLISHSUMMARYLa Neuropathie Auditive / DésynchronisationAuditive se définit comme unesurdité sensorineurale caractérisée par <strong>la</strong>préservation de <strong>la</strong> réponse des cellulesciliées externes (oto-émissions acoustiqueset/ou potentiel microphoniquecochléaire) en présence de potentielsévoqués auditifs précoces absents ou sévèrementanormaux. La prévalence de l’affectionau sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de sujetsatteints de déficience <strong>auditive</strong> reste àdéterminer avec précision. Plusieurscauses environnementales et génétiquesont déjà été identifiées, mais dans <strong>la</strong> majoritédes cas, l’origine de l’affection resteinexpliquée. Durant ces dix dernièresannées, de nombreux gènes différents ontété clonés dans des surdités isolées et/ou syndromiques. Quelques uns parmieux sont responsables de phénotypescorrespondant à <strong>la</strong> définition de <strong>la</strong>Neuropathie Auditive / DésynchronisationAuditive. Ce chapitre décrit les formesisolées et/ou syndromiques deNeuropathie Auditive / DésynchronisationAuditive pour lesquelles le gène responsablea été identifié.Auditory Neuropathy / Auditory Dys-synchronyis defined as a sensorineural hearing loss characterizedby preserved outer hair cell function(otoacoustic emissions and/or cochlear microphonicpotential) and absent or severelyabnormal brainstem evoked potentials.The exact prevalence of Auditory Neuropathy /Auditory Dys-synchronyy among the hearingimpaired subjects remains to be c<strong>la</strong>rified.Whenconfronted with an individual case, the individualpathophysiology has to be determined.Some environmental and genetic causes havealready been identified but the cause of thevast majority of cases remains unexp<strong>la</strong>ined. Inthe <strong>la</strong>st ten years, many different genes havebeen cloned in iso<strong>la</strong>ted and/or syndromic formof hearing defects. Some of them are responsiblefor phenotypes responding to the definitionof Auditory Neuropathy / Auditory Dys-synchrony.Thischapter will focus on iso<strong>la</strong>ted or syndromicforms of Auditory Neuropathy/AuditoryDys-synchrony for which the responsible genehas been identified.1INTRODUCTIONOn reconnaît généralement à <strong>la</strong> surdité unecause extrinsèque et une cause génétiqueQuelquefois les deux se trouvent intriquées(par exemple dans le cas des hypersensibilitésaux aminosides). Les surditésd’origine génétique sont regroupées endeux grandes catégories : celle des surditésisolées qui représente <strong>la</strong> grande majorité(90%) et celle des surdités syndromiques,qui, quoique minoritaire (10%), comporteplus de 500 entités distinctes. Dans les paysindustrialisés, on estime actuellement <strong>la</strong>part des surdités neurosensorielles génétiquesà 2/3 des surdités de perception.Les Cahiers de l’Audition - Vol. 20 - n°6 - Novembre/Décembre 2007
Dossier )Les surdités héréditaires ou génétiquessont des affections monogéniques. Lagrande hétérogénéité génétique (unnombre important de gènes et loci différentsen cause) qui prévaut pour les surditéssyndromiques est également retrouvéedans le groupe des surdités non syndromiques.On compte ainsi plus de 50 lociidentifiés à ce jour pour les surdités isoléesde transmission autosomique récessive et àpeu près autant pour les surdités autosomiquesdominantes (1). Certaines estimationsportent à deux cent cinquante lenombre réel pour chacun de ces modes detransmission, <strong>la</strong> majorité restant à identifier.Les surdités d’origine génétique représententdonc un vaste ensemble de pathologiesrares, voire très rares puisqu’un grandnombre d’entre elles n’a été décrit quedans une seule famille, les rendant ainsi« privées ».La nature génétique des surdités syndromiquesest presque exclusive puisqueseules les atteintes embryonnaires etfœtales d’origine toxique ou infectieusedoivent en être retranchées. La premièreédition (1965) de l’ouvrage de référence deGorlin colligeant les descriptions de syndromescomportant <strong>la</strong> surdité commecomposante regroupait moins d’une centained’affections distinctes. La dernièreédition (2001) en compte 450. Tous lesorganes peuvent virtuellement êtretouchés dans ces associations syndromiques.C’est dire que, depuis une dizained’années, le gène responsable de plusieurscentaines de surdités syndromiques a étélocalisé sur les chromosomes humainset plus d’une centaine d’entre eux sontidentifiés.Pour ce qui est des surdités neurosensoriellesisolées, c’est un nombre supérieur àcent gènes localisés qui peut-être retenu,avec déjà 37 d’entre eux qui ont étéséquencés. La majorité, c’est-à-dire 80-85%de ces gènes, se transmet selon un modeautosomique récessif (DFNB) ; certainsd’entre eux, 10-15%, ont une transmissionautosomique dominante (DFNA). Lestransmissions liées au chromosome X etles transmissions mitochondriales sontexceptionnelles.Nous aborderons ici les formes des <strong>neuropathie</strong>s<strong>auditive</strong>s isolées ou syndromiquespour lesquelles le gène responsable a étéidentifié.2NEUROPATHIESAUDITIVESISOLÉES :De transmissionautosomique récessiveLe gène OTOF, codant pour l’otoferline, estle premier gène (OMIM 603681) qui ait étéidentifié dans une surdité répondant à <strong>la</strong>définition d’une <strong>neuropathie</strong> <strong>auditive</strong> (2). Lasurdité, de transmission récessive, qui luiest associée avait été auparavant localiséeau niveau de <strong>la</strong> région p23 du chromosome2 et dénommée DFNB9 (OMIM 601071). Ils’agit d’une surdité bi<strong>la</strong>térale profondeisolée caractérisée par <strong>la</strong> préservationinitiale des oto-émissions acoustiques(OEA), malgré l’absence de PEA enregistrables(3). Le scanner ou l’IRM des rochers neretrouve pas de malformation. Les OEApeuvent être enregistrées normalementpendant les premières années de vie puisdisparaissent progressivement. Une dizainede mutations différentes d’OTOF ont étérapportées mais <strong>la</strong> mutation Q829Xsemble récurrente. Elle remp<strong>la</strong>ce le codonde <strong>la</strong> glutamine en position 829 par uncodon non-sens responsable d’une troncationde <strong>la</strong> protéine correspondante. Elle estretrouvée dans 2 à 3% des surdités prélingualesisolées profondes en Espagne et enFrance (4). L’étude de l’otoferline chez <strong>la</strong>souris a permis de localiser son expressiondans les cellules ciliées cochléaires et vestibu<strong>la</strong>ires.Celle-ci persiste pendant toute <strong>la</strong>durée du développement embryonnaire.Dans l’organe de Corti, au cours des stadesprécoces de ce développement, elle estretrouvée exclusivement au niveau des cellulesciliées internes, ce qui permet d’expliquerque l’on enregistre des OEA normalesalors qu’il existe un déficit auditif profond.Plus tard, elle s’exprimera aussi au niveaudes cellules ciliées externes, ce qui rendcompte de <strong>la</strong> disparition secondaire desOEA chez les sujets atteints. Au sein de <strong>la</strong>cellule ciliée interne l’otoferline joue unrôle dans l’exocytose des vésicules synaptiquesvers <strong>la</strong> synapse afférente (5). Unmodèle de souris transgénique déficienteen otoferline a été créé, par mutagenèsedirigée inactivant les domaines fonctionnelsde <strong>la</strong> protéine. Les souris atteintes présententune surdité bi<strong>la</strong>térale profonde avecconservation des OEA. Les nerfs auditifsrépondent aux stimu<strong>la</strong>tions électriquesdirectes, ce qui signe <strong>la</strong> préservation dusystème auditif neuronal afférent. Lespatients porteurs de mutation dans OTOFne présentent donc pas de <strong>neuropathie</strong><strong>auditive</strong> stricto sensu mais une synaptopathiede <strong>la</strong> cellule ciliée. La localisationcochléaire du déficit auditif de DFNB9 estcorroborée par le bon résultat qui estgénéralement obtenu après imp<strong>la</strong>ntationcochléaire chez les patients (6).Plus récemment, le gène codant <strong>la</strong> pejvakine(OMIM 610219), déficiente dans <strong>la</strong>surdité DFNB59, localisé antérieurementsur le chromosome 2 dans <strong>la</strong> région q31.1-q31.3 (OMIM 610220), a été identifié etséquencé. Une mutation homozygote coségregantavec <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die a été retrouvéedans quatre familles consanguines iraniennes(7). Celles-ci sont originaires d’unerégion géographiquement isolée d’Iran. Lessujets atteints présentent tous une surditéprélinguale bi<strong>la</strong>térale isolée, de type neurosensorielet de transmission récessiveautosomique. Pour une des familles, il s’agitd’une surdité profonde touchant toutes lesfréquences. Pour <strong>la</strong> seconde, l’audiométrietonale suggère une surdité avec une courbep<strong>la</strong>te. Les PEA sont restés impossibles àenregistrer chez six patients et montraientune surdité sévère à profonde avec uneaugmentation de <strong>la</strong> <strong>la</strong>tence de l’onde V (<strong>la</strong>seule onde identifiable) chez six autres. LesOEA étaient présents chez onze des douzesujets testés.51Les Cahiers de l’Audition - Vol. 20 - n°6 - Novembre/Décembre 2007