( DossierCHAPITRE IV :ET L’ELECTROCOCHLÉOGRAPHIE ?42JEAN-MARIE ARAN9-11 rue du Garguehos33740 ARESRÉSUMÉ/ENGLISHSUMMARYL’électrocochléographie transtympanique apermis très tôt de mettre en évidence descas typiques de <strong>neuropathie</strong> <strong>auditive</strong>, avecl’observation dans <strong>la</strong> réponse, d’élémentsde <strong>la</strong>tence nulle, (potentiels récepteurs)sans potentiel d’action composite c<strong>la</strong>irementidentifiable.Actuellement, grâce à l’utilisationde stimu<strong>la</strong>tions sonores appropriées(bouffées tonales), de phase alternativementopposée à des rythmes de stimu<strong>la</strong>tionrespectivement lent et très rapide,il est possible d’isoler, dans <strong>la</strong> réponseélectrocochléographique, le potentielmicrophonique cochléaire (origine cellulesciliées externes), le potentiel de sommation(cellules ciliées externes et/ou internes) etle potentiel d’action composite.Transtympanic electrocochleography has verysoon allowed the identification of typical casesof what is now called Auditory Neuropathy,characterized by electrocochleographic tracingsmade of components with null <strong>la</strong>tency(receptor potentials) and without any identifiableCompound Action Potential. Using electrocochleographyand appropriate stimuli (tonebursts) comparing separate, opposed acousticpo<strong>la</strong>rities and slow vs very rapid stimu<strong>la</strong>tionrates, it is currently possible to iso<strong>la</strong>te theCochlear Microphonic Potential (originatingfrom the Outer Hair Cells), the SummatingPotential (originating from the Outer and/orthe Inner Hair cells) and the Compound ActionPotential.L’électrocochléographie (EcochG) transtympanique(1) a permis de révéler, dès ledébut des années 1970, des cas de surdité« centrale » avec <strong>la</strong> mise en évidence deréponses du nerf auditif de morphologie etde seuil tout à fait normaux alors que <strong>la</strong>surdité était profonde (1, p 52), résultant,dans certains cas de lésions sévères auniveau du tronc cérébral (1, p 116-119).Elle a aussi permis de révéler des cas dece qu’on appe<strong>la</strong>it à l’époque surdité« rétro-cochléaire » (1, p 89-97) (par oppositionaux surdités centrales et endocochléaires)et qui semblent correspondreà ce que l’on appelle maintenant les cas de« Neuropathie Auditive ».La plupart des surdités neuro-sensoriellessont dues à des atteintes spécifiques descellules ciliées (d’abord externes puis internes),les dégénérescences neuronales associées,rétrogrades, étant essentiellement <strong>la</strong>conséquence des pertes cellu<strong>la</strong>ires. Dansd’autres cas, plus rares, les atteintessont primitivement rétro-cochléaires, c’està dire au niveau des neurones afférents oude leur synapse avec les cellules ciliéesinternes.Certes on avait à l’époque choisi de ne pasenregistrer le potentiel microphoniquecochléaire (PMC), témoin, au même titreque les émissions oto-acoustiques, de l’activitédes cellules ciliées externes de l’organede Corti, et de se concentrer sur lepotentiel d’action composite (PAC) du nerfauditif.En effet ce PMC pouvait être aisémentconfondu avec quelque artefact électromécanique,en raison des conditions d’en-Les Cahiers de l’Audition - Vol. 20 - n°6 - Novembre/Décembre 2007
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Pour ce faire on additionnait lesréponses successives à une série de stimu<strong>la</strong>tionsacoustiques (essentiellement desclics) de phase alternativement opposée desorte que le PMC était éliminé et ne subsistaient,dans <strong>la</strong> réponse moyenne enregistrée,que les éléments qui ne s’inversaientpas lors de l’inversion de <strong>la</strong> phase de <strong>la</strong> stimu<strong>la</strong>tion,à savoir le PAC et un potentield’origine également sensorielle, le potentielde sommation (PS), généré lui aussi auniveau de l’organe de Corti par les cellulesciliées (on reviendra plus loin sur le rôledes deux types de cellules ciliées, externeset internes, dans <strong>la</strong> genèse de ce potentiel).Dans <strong>la</strong> plupart des cas on enregistraitessentiellement un PAC de morphologiec<strong>la</strong>irement identifiable, et dont le seuil etles caractéristiques des courbes entréesortied’amplitude et de <strong>la</strong>tence permettaientde caractériser le fonctionnementcochléaire (réponses normales, recrutantesdans les cas de pertes sur toutes les fréquences,ou dissociées, dans le cas depertes limitées aux fréquences élevées).Dans <strong>la</strong> trace enregistrée on pouvaitsouvent observer une légère déflexionnégative, de <strong>la</strong>tence nulle, précédant le picnégatif du PAC, qui ne pouvait être que duPS.Dans d’autres cas, notamment dans <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die de Ménière, on observait <strong>la</strong> mêmedéflexion brutale négative, de <strong>la</strong>tence nulle,d’amplitude re<strong>la</strong>tivement importante parrapport à celle du PAC. Là aussi il s’agissaitde PS d’amplitude anormalement élevée.Le rôle du PS dans le diagnostic électrocochléographiquede ce syndrome s’estconfirmé par <strong>la</strong> suite (2).Enfin dans d’autres cas plus rares, les enregistrementsprésentaient essentiellementdes éléments de <strong>la</strong>tence nulle (pic positif oudéflexion négative) évoquant là aussi unecomposante d’origine sensorielle (1, p 90-97, 115-116). Elle n’était suivie d’aucunpotentiel d’action composite c<strong>la</strong>irementidentifiable. En dehors de pathologies nonélucidées, c’était souvent le cas dans lesneurinomes de l’acoustique et chez desnourrissons ayant souffert d’hyperbilirubinémieà <strong>la</strong> naissance. Cette dernière pathologieest maintenant reconnue commecause fréquente de <strong>neuropathie</strong> <strong>auditive</strong>typique dans le sens où ce sont les neuronesdu nerf auditif, avec ou sans implicationaussi des cellules ciliées internes, qui sontdirectement affectés alors que les cellulesciliées externes demeurent éventuellementfonctionnelles, comme peuvent le démontrerl’existence d’oto-émissions acoustiquesou de PMC. En ce qui concerne <strong>la</strong> présencede PS, elle démontre une activité descellules ciliées, sans qu’il soit possible depréciser s’il s’agit des cellules ciliées externesou internes, <strong>la</strong> participation de cesdeux types de cellules sensorielles dans <strong>la</strong>genèse du PS étant à tout le moins complexe(3).Si l’électrocochléographie devait être utiliséemaintenant pour vérifier un diagnosticde <strong>neuropathie</strong> <strong>auditive</strong>, il conviendrait bienévidemment d’étudier séparément lesréponses sensorielles (le PMC et le PS)d’une part et les réponses nerveuses (lePAC) d’autre part.Tout d’abord il convient d’utiliser des stimu<strong>la</strong>tionsacoustiques appropriées pourgénérer un PS facilement observable, àsavoir des bouffées tonales, comme dansl’étude du syndrome de Ménière (2). Latechnique de <strong>la</strong> sommation des réponseslors de stimu<strong>la</strong>tions de phase opposée esttoujours applicable pour isoler le PMC (enl’occurence, il s’agit d’une soustraction),elle ne permet cependant pas de séparer lePAC du PS. Pour ce<strong>la</strong> une autre technique aété proposée, utilisant les propriétés d’adaptationdu PAC par opposition à <strong>la</strong> stabilitédans le temps du PMC et du PS. En effetune stimu<strong>la</strong>tion à fréquence très rapide(>100/s) entraîne une réduction importantede l’amplitude du PAC alors que cellesdu PMC et du PS ne sont pas modifiées(nous avons même pu observer, tant chezl’Homme que chez le Cobaye, une augmentationde l’amplitude du PS aux rythmes destimu<strong>la</strong>tion très rapides (4)). En combinantstimu<strong>la</strong>tions de phase alternativementopposée et adaptation du PAC aux rythmesde stimu<strong>la</strong>tion élevés, on peut donc aisémentobtenir séparément PMC, PS et PAC,ce qui ne saurait que contribuer à unemeilleur mise en évidence du syndrome de<strong>neuropathie</strong> <strong>auditive</strong>.RÉFÉRENCES1.Aran, J.-M. « L’Electrocochléogramme I :Principe et Technique - II Résultats - IIIEssai d’interprétation ». Fournier, J., ed. LesCahiers de <strong>la</strong> CFA. Paris; 1971-1972; 128pp2. Dauman, R.; Aran, J. M.; Charlet deSauvage, R., and Portmann, M.Summating potential and water ba<strong>la</strong>nce inMeniere’s disease. Ann Otol RhinolLaryngol. 1986; 95:389-3963. Durrant, J.D.; Wang, J.; Ding, D.L.;Salvi, R.J. : Are inner or outer hair cellsthe source of summating potentials recordedfrom the round window? J Acoust SocAm. 1998 Jul;104(1):370-74. Wuyts, F. L.; van der Stappen, A.;D’Haese, P.; van Spaendonck, M.; vande Heyning, P. H.; Erre, J.-P.; Charletde Sauvage, R., and Aran, J.-M. Rateinfluences on tone burst summating potentia<strong>la</strong>mplitude in electrocochleography: clinica<strong>la</strong>nd experimental data. HearingResearch. 2001; 152:1-9.43Les Cahiers de l’Audition - Vol. 20 - n°6 - Novembre/Décembre 2007