( DossierCHAPITRE IX :FONCTION DES CELLULES CILIÉES EXTERNESET NEUROPATHIE AUDITIVE /DÉSYNCHRONISATION AUDITIVE68THIERRY MORLETAssistant Research ScientistHead, Auditory Physiologyand PsychoacousticsLaboratoryCenter for PediatricAudiology and SpeechSciencesA.I. DuPont Hospital forChildrenWilmington, DE - USAtmorlet@asel.udel.eduRÉSUMÉ/ENGLISHSUMMARYLa persistance de <strong>la</strong> réponse des cellulesciliées externes constitue l’une des caractéristiquesmajeures de <strong>la</strong> NeuropathieAuditive / Désynchronisation Auditive etreprésente l’un des traits sail<strong>la</strong>nts des élémentsdiagnostics. La fonction des cellulesciliées externes peut être mesurée par lesotoémissions acoustiques ou en enregistrantle potentiel microphonique cochléaire.Si <strong>la</strong> fonction des cellules ciliées externessemble rester intacte au cours desannées chez <strong>la</strong> plupart des patients atteintsde Neuropathie Auditive / DésynchronisationAuditive, une fraction significatived’entre eux possède des otoémissionsacoustiques anormales, tandis que d’autresles perdent au cours du temps. Il en résulteque les patients porteurs de NeuropathieAuditive / Désynchronisation Auditivepeuvent se présenter avec divers degrés deréponse des cellules ciliées externes, cettevariété pouvant contribuer à induire deserreurs lors des étapes diagnostique outhérapeutique. Il n’y a pas de re<strong>la</strong>tion c<strong>la</strong>ireentre <strong>la</strong> présence ou l’absence d’otoémissionset les performances <strong>auditive</strong>s chezles patients atteints de NeuropathieAuditive / Désynchronisation Auditive.L’amplificateur cochléaire naturel fonctionnantcorrectement chez <strong>la</strong> plupart despatients, le recours à une amplificationprothétique reste controversé. En outre,les prothèses amplificatrices n’ont pasencore fait <strong>la</strong> preuve de leur utilité parrapport au développement de <strong>la</strong> parole etdu <strong>la</strong>ngage, même dans les cas où les otoémissionssont absentes ou anormales. Ladisparition des otoémissions pourraitn’être qu’un épiphénomène (secondaire àl’utilisation d’une prothèse amplificatriceou due à des facteurs ototoxiques parexemple) mais paraît toutefois liée directementà <strong>la</strong> progression de l’affection danscertains cas spécifiques.The presence of outer hair cell (OHC) functionis one of the main characteristics of AuditoryNeuropathy/Dys-Synchrony (AN/AD) andrepresents one of the salient features used inits diagnosis. OHC function can be measuredwith otoacoustic emission (OAE) testing or bythe recording of the cochlear microphonic.OHC function seems to remain intact overyears in most patients with AN/AD, however, asignificant number of patients have abnormalOAEs, while others will loose them over time.Hence, patients with AN/AD can present withvarious degrees of OHC function which can bemisleading in the course of their diagnosis ormanagement. There is no clear re<strong>la</strong>tionshipbetween OAE presence or absence andhearing abilities in individuals with AN/AD.Since the natural cochlear amplifier functionsnormally in the majority of patients, managementwith hearing aids remains controversial.In addition, hearing aids have not yet proven tobe useful for speech and <strong>la</strong>nguage developmenteven in cases in which the OAEs areabsent or abnormal. Disappearance of OAEscan be an epiphenomenon (hearing aid use orototoxic factors for example) but seems to belinked directly to the progression of AN/AD inspecific cases.Les Cahiers de l’Audition - Vol. 20 - n°6 - Novembre/Décembre 2007
Dossier )1INTRODUCTIONL’une des principales caractéristiques de <strong>la</strong>Neuropathie Auditive / DésynchronisationAuditive (NA/DA) réside dans <strong>la</strong> fonctionnalitédes Cellules Ciliées Externes (CCE).Cette fonction est attestée par <strong>la</strong> présencedu Potentiel Microphonique Cochléaire(PMC) et, chez <strong>la</strong> majorité des patients, par<strong>la</strong> présence d’Otoémissions AcoustiquesProvoquées (OEAP), reflet des propriétéscontractiles des CCE (Davis, 1983 ;Ashmore, 1987). Les OEAP, découvertespar Kemp en 1978, ont indiscutablementcontribué à <strong>la</strong> description de ce nouveautype d’atteinte <strong>auditive</strong>. Leur présenceétant mise en évidence chez des patientschez lesquels les pertes <strong>auditive</strong>s étaientjugées a priori trop importantes pour ensuggérer l’existence (Starr et al., 1996).Depuis maintenant plus de 10 ans, les nombreusesétudes portant spécifiquement sur<strong>la</strong> NA/DA montrent c<strong>la</strong>irement que ce typed’atteinte <strong>auditive</strong> n’est pas rare, puisqu’ilreprésente environ 10 à 15 % des patientsatteints d’une perte <strong>auditive</strong> neurosensorielle.Il est aussi maintenant établi que tousles patients avec NA/DA ne présentent pasnécessairement d’OEAP ou tout au moinsd’OEAP qualifiées de cliniquement normales.Cette absence/anormalité des OEAPengendre une difficulté supplémentaire lorsdu diagnostic de <strong>la</strong> NA/DA mais fait aussis’interroger sur l’intégrité fonctionnelle desCCE qui est supposée préservée dans cetype d’atteinte <strong>auditive</strong>. Doit-on considérerdifférentes options de traitement de <strong>la</strong>NA/DA selon que les OEAP sont présentesou non ? Faut-il modifier le traitement dupatient dont les OEAP disparaissent ? Dansce dernier cas, ce<strong>la</strong> est-il le signe d’une progressionde <strong>la</strong> NA/DA ou un simple épiphénomène?2PRÉSENCE ETCARACTÉRISTIQUESDUMICROPHONIQUECOCHLÉAIRELa fonction des CCE, dans son ensemble,semble préservée chez les patients présentantune NA/DA. La présence du PMC enatteste. Les CCE sont en effet en grandepartie à l’origine du PMC lorsqu’il est enregistrépar une électrode de surface (Dallos,1973). Le PMC est mis en évidence trèssimplement lors de l’enregistrement desPotentiels Evoqués Auditifs Précoces(PEAP) lorsque <strong>la</strong> po<strong>la</strong>rité du clic utilisé estinversée (Berlin et al., 1998). Ce changementde po<strong>la</strong>rité entraîne alors une inversionparfaite des ondes représentant lePMC alors que les ondes générées par l’activiténeuronale ne s’inversent pas. Il s’agitd’un moyen très simple de séparer l’activitédes cellules ciliées cochléaires de l’activiténeuronale. De plus, les <strong>la</strong>tences du PMCne sont pas modifiées par les changementsd’intensité du stimulus ou de fréquence destimu<strong>la</strong>tion, à l’opposé des réponses neuronales.L’utilisation des 2 types de po<strong>la</strong>rité duclic est donc primordiale lors de tout enregistrementde PEAP réalisé sur un nouveaupatient.Tout individu possédant des CCE fonctionnellespeut générer un PMC, visualisable surle tracé de PEAP. Chez le sujet normoentendant, le PMC présente généralementune amplitude moindre que celles desondes I à V et sa durée est courte puisqu’ildure aussi longtemps que le stimulus.Lorsque le stimulus est un clic, le PMC estdonc très court. Dans le cas de <strong>la</strong> NA/DA,le PMC présente fréquemment des caractéristiquesdifférentes : son amplitude et sadurée sont significativement plus importantes(Berlin et al., 1998 ; Starr et al., 2001 ;Deltenre et al., 1997). Il est en effet courantd’observer un PMC dont <strong>la</strong> durée s’étendsur plusieurs millisecondes (Berlin et al.,1998 ; Deltenre et al., 1997 ; Starr et al.,1991). La différence d’amplitude du PMCpar rapport au sujet normal est surtoutmanifeste chez l’enfant de moins de 10 anset se réduit après l’âge de 10 ans (Starr etal., 2001). Il existe ainsi une corré<strong>la</strong>tionnégative entre l’amplitude du PMC et l’âgedu patient. Bien que ce<strong>la</strong> n’ait pas été étudiéspécifiquement, il est possible que <strong>la</strong> diminutiond’amplitude du PMC avec l’âge représenteun phénomène simi<strong>la</strong>ire à <strong>la</strong> diminutiondocumentée de l’amplitude des OEAPprovoquées avec l’âge (Norton et Widen,1990), elle-même liée à <strong>la</strong> diminution dunombre et de l’amplitude des OEA spontanées(Kok et al., 1993 ; Morlet et al., 1995 ;Burns et al., 1994). Il a été fait mention dequelques cas de NA/DA chez lesquels lePMC disparaît postérieurement à <strong>la</strong> disparitiondes OEAP (Berlin et al., 2002). Cesquelques cas ne sont pas décrits avec précisionet les données manquent encore poursavoir si cette disparition est liée à <strong>la</strong>NA/DA ou s’il s’agit d’un épiphénomène.En résumé, <strong>la</strong> mise en évidence de <strong>la</strong> présencedu PMC chez les patients atteints deNA/DA révèle qu’une partie au moins deleurs CCE est fonctionnelle. Il convient denoter que le PMC est visualisable chez cespatients, indépendamment de <strong>la</strong> présenceou de l’absence des OEAP. De plus, l’amplitudemoyenne du PMC chez le sujet sansOEAP apparaît simi<strong>la</strong>ire à celle enregistréechez le sujet présentant des OEA (Starr etal., 2001). L’amplitude et le seuil de présencedu PMC ne semblent pas varier nonplus lorsque le patient perd ses OEAP(Deltenre et al., 1999). Enfin, chez lesquelques sujets avec NA/DA dont les PEAPrévèlent <strong>la</strong> présence d’une onde V (dontl’amplitude est souvent bien moindre quechez le sujet normal et <strong>la</strong> <strong>la</strong>tence significativementaugmentée) mais pas d’ondes I etIII, l’amplitude du PMC ne semble pas êtremodifiée selon <strong>la</strong> présence ou non de cetteonde V (Starr et al., 2001).Si <strong>la</strong> présence du PMC est le reflet d’unefonctionnalité certaine des CCE, ses caractéristiquesamènent à s’interroger sur <strong>la</strong>normalité de ce fonctionnement. En effet,l’augmentation d’amplitude et de durée (lePMC persiste durant plusieurs millisecondesaprès stimu<strong>la</strong>tion par un clic transitoire)peuvent-elles être le reflet d’une anomaliede fonctionnement des CCE ?69Les Cahiers de l’Audition - Vol. 20 - n°6 - Novembre/Décembre 2007