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LES CARACTÈRES - Oasisfle

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les en frustrer à fond, il leur en ôte du moins une bonne partie :<br />

une petite calomnie, moins que cela, une légère médisance lui<br />

suffit pour ce pieux dessein, et c’est le talent qu’il possède à un<br />

plus haut degré de perfection ; il se fait même souvent un point<br />

de conduite de ne le pas laisser inutile : il y a des gens, selon lui,<br />

qu’on est obligé en conscience de décrier, et ces gens sont ceux<br />

qu’il n’aime point, à qui il veut nuire, et dont il désire la dépouille.<br />

Il vient à ses fins sans se donner même la peine d’ouvrir<br />

la bouche : on lui parle d’Eudoxe, il sourit ou il soupire ; on<br />

l’interroge, on insiste, il ne répond rien ; et il a raison : il en a<br />

assez dit.<br />

25 (VII)<br />

Riez, Zélie, soyez badine et folâtre à votre ordinaire ; qu’est<br />

devenue votre joie ? « Je suis riche, dites-vous, me voilà au<br />

large, et je commence à respirer. » Riez plus haut, Zélie, éclatez<br />

: que sert une meilleure fortune, si elle amène avec soi le sérieux<br />

et la tristesse ? Imitez les grands qui sont nés dans le sein<br />

de l’opulence : ils rient quelquefois, ils cèdent à leur tempérament,<br />

suivez le vôtre ; ne faites pas dire de vous, qu’une nouvelle<br />

place ou que quelques mille livres de rente de plus ou de<br />

moins vous font passer d’une extrémité à l’autre. « Je tiens, dites-vous,<br />

à la faveur par un endroit. » Je m’en doutais, Zélie ;<br />

mais croyez-moi, ne laissez pas de rire, et même de me sourire<br />

en passant, comme autrefois : ne craignez rien, je n’en serai ni<br />

plus libre ni plus familier avec vous ; je n’aurai pas une moindre<br />

opinion de vous et de votre poste ; je croirai également que vous<br />

êtes riche et en faveur. « Je suis dévote », ajoutez-vous. C’est<br />

assez, Zélie, et je dois me souvenir que ce n’est plus la sérénité<br />

et la joie que le sentiment d’une bonne conscience étale sur le<br />

visage ; les passions tristes et austères ont pris le dessus et se<br />

répandent sur les dehors : elles mènent plus loin et l’on ne<br />

s’étonne plus de voir, que la dévotion sache encore mieux que la<br />

beauté et la jeunesse rendre une femme fière et dédaigneuse.<br />

26 (IV)<br />

– 382 –

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