J'ai mang l'innocence - elgweb.com

" J’ai mangé l’innocence "
(Erwan Le Goffic)
— Je peux revenir demain alors.
— Oh ! Sûr ?
— Bah… (faut bien, hein ? sinon tu vas revenir tous les jours chez moi pour
me faire suer ! j’en suis certain !)
— Ben c’est super, alors à dem…
— Oui mais (à mon tour de demander des choses), est-ce que tu pourrais me
rendre un petit service ?
— Heu… dis toujours…
— Est-ce que tu pourrais me passer tes notes de cours, si possible, histoire
que je les recopie… vu que j’ai manqué des jours.
— Oh mais oui, pas de problème ! Je te les passe tout de suite si tu veux ? je
les ai avec moi et je ne comptais pas y toucher ce soir de toute façon.
— Allez, pourquoi pas !
Du sac qu’elle tenait sur son épaule, elle sortit un classeur qu’elle me tendit.
— Dedans il y a tous les cours que j’ai pris depuis le début de l’année… Tu
reconnaîtras ceux que tu as manqués.
— Ok, merci. Je te le rends demain.
(Enfin « merci »… Je pensais à la base qu’elle venait justement pour me
prêter ses prises de notes de cours… ça aurait été la moindre des choses qu’elle
me le propose d’elle-même… non ?)
— Bon, allez, je suis pressée… faut que j’y aille.
Mon œil que t’es pressée ! Tu manques juste d’imagination pour trouver une
excuse potable pour ne pas rester, voilà ce qu’il y a.
— Je comprends. Je ne te retiens pas plus longtemps Carole, à demain alors !
— À demain.
Pendant quelques secondes, je l’ai regardé partir, pour ensuite refermer
doucement la porte derrière moi, bien soulagé de me retrouver seul à nouveau.
*
Le lendemain matin, j’étais à huit heures moins cinq à l’entrée de l’IUT, avec
les cours que j’avais manqué déjà photocopiés dans mon sac : Oui je n’allais pas
me coltiner la recopie des cours à la main quand même ! La veille, j’ai profité que
le supermarché soit encore ouvert après le départ de Carole pour y aller : à
l’entrée du magasin, ils avaient des distributeurs de bonbons, un photomaton…
et une photocopieuse, j’aurais eu tord de m’en priver.
Chose marrante, moi qui pensais que tout le monde allait se jeter sur moi en
arrivant, me demander ce qui m’était arrivé, s’enquérir de mon état de santé…
eh bien rien de tout cela ! Quand je suis entré dans la cour intérieure du
bâtiment, chacun est resté à discuter, agglutinés en petits groupes, personne
n’est venu à ma rencontre. Alors j’ai cherché du regard « mon » petit groupe,
mais pas de Carole de Julien ou de Guillaume en vue.
Et je me suis senti subitement bien seul.
Je me suis adossé contre un mur, et j’ai allumé une cigarette pour
m’anesthésier un peu… et avoir l’air moins con, seul, dans la cour.
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