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J'ai mang l'innocence - elgweb.com

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33. Evolution de la douleur<br />

" J’ai <strong>mang</strong>é l’innocence "<br />

(Erwan Le Goffic)<br />

Ça vous est sûrement déjà arrivé de vous faire (accidentellement) une petite<br />

entaille, non ? Par exemple vous lavez la vaisselle et la lame d’un couteau vient<br />

vous titiller l’index d’un peu trop près… Vous avez remarqué <strong>com</strong>ment ça fait ?<br />

Au début, juste à l’instant de la coupure, ça ne saigne pas… Attendez un peu, et<br />

au bout de quelques secondes l’entaille rougit, puis progressivement une perle<br />

de sang se formera au bord de la coupure.<br />

Pourquoi je vous parle de ça ?<br />

Parce qu’avec la peine que j’ai éprouvée, ça a été un peu <strong>com</strong>me pour une<br />

entaille :<br />

Sur le coup, je n’ai trop rien senti. Christophe assis à côté de moi, en larmes,<br />

c’est surtout cela qui m’a préoccupé sur le moment. En jetant un coup d’œil<br />

derrière moi, j’ai aussi pu voir que les gens aux alentours nous regardaient. Un<br />

peu paniqué, j’ai essayé de résonner Christophe :<br />

— Hé Christophe, pleure pas ! je ne voulais pas te faire de la peine.<br />

Et il ne faisait pas semblant : il reniflait par à-coups et de grosses larmes<br />

roulaient sur ses joues rebondies. Voir cet être si doux en proie aux pleurs me<br />

bouleversait sincèrement.<br />

La gorge serrée, il a fini par me répondre :<br />

— Mais j’aime les filles tu sais !<br />

(Oh oui, ça je venais malheureusement de bien le <strong>com</strong>prendre !)<br />

Mais je n’ai rien répondu, qu’est ce que je pouvais répondre à ça de toute<br />

façon ? Je me sentais surtout horriblement honteux de l’avoir mis dans un tel<br />

état.<br />

Alors <strong>com</strong>me je ne disais rien, il a continué sur sa lancée :<br />

— J’aime les filles… mais je ne veux pas d’une fille <strong>com</strong>me moi !<br />

— Pas <strong>com</strong>me toi ?<br />

— Oui, pas tri… tris… trisomique !<br />

Et il éclata à nouveaux en sanglots. J’aurais voulu le prendre dans mes bras<br />

pour le consoler, mais je n’osais pas, je n’osais plus.<br />

— Au centre… certaines des filles sont gentilles avec moi… mais elles sont<br />

<strong>com</strong>me moi, et en dehors du centre… aucune fille ne veut de moi !<br />

Gêné, je ne savais pas quoi lui dire, mais finalement, j’ai fini par lui répondre :<br />

— Je <strong>com</strong>prends… enfin je crois… En même temps, regarde : Moi je ne suis<br />

pas du centre, et je suis avec toi ! Alors tu vois ? Si tu as des amis en dehors du<br />

centre, pourquoi ne rencontrerais-tu pas aussi « une » amie un jour ?<br />

Alors il redressa lentement la tête vers moi. Son regard était si doux, si beau.<br />

Puis il m’a fait un sourire, un gros sourire, jusqu’aux oreilles. Son visage était<br />

alors pour moi d’une beauté bouleversante, j’en avais presque les larmes aux<br />

yeux. Puis sans prévenir, il s’est jeté dans mes bras, m’étreignant soudainement,<br />

<strong>com</strong>me il l’avait déjà fait au bowling.<br />

— J’suis content de t’avoir <strong>com</strong>me ami tu sais ! il m’a dit.<br />

« Comme ami… Juste <strong>com</strong>me ami » me suis-je répété en écho dans ma tête.<br />

218<br />

Et mon histoire de coupure là-dedans ?

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