26.06.2013 Views

J'ai mang l'innocence - elgweb.com

J'ai mang l'innocence - elgweb.com

J'ai mang l'innocence - elgweb.com

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

" J’ai <strong>mang</strong>é l’innocence "<br />

(Erwan Le Goffic)<br />

(Ce n’était pas la peine de lui demander ce qui n’allait pas, je savais très bien<br />

ce qui n’allait pas.)<br />

Il est resté un temps à me regarder d’un air béat, puis ses yeux, sa bouche,<br />

son nez se sont mis à frémir. Aux premières larmes, il m’a dit, articulant<br />

difficilement, noyé par les sanglots :<br />

— Pourquoi je peux pas sortir ? Pourquoi je peux pas sortir !<br />

Je suis resté à le regarder sans trouver quoi lui dire : Bien entendu qu’il ne<br />

pouvait pas sortir. De toute façon en rentrant de notre petite balade inattendue<br />

j’avais fermé la porte et j’avais mis la clef bien au chaud dans ma poche de<br />

pantalon… Plus de risque qu’il se fasse la malle quand j’avais le dos tourné.<br />

Mais ça ne réglait pas mon problème immédiat : Quoi lui répondre ? quoi<br />

inventer ? Les secondes s’égrenaient, j’avais un mal de tête terrible, il continuait<br />

de pleurer, ça faisait du bruit, je n’arrivais pas du tout à réfléchir… clairement<br />

plus la patience de trouver une bonne excuse à lui fournir.<br />

— Oui, c’est fermé ! Je ne veux pas que tu sortes. C’est tout !<br />

— Maaaiisss pourqquuuuuoooiiii !<br />

Il avait le visage d’un clown triste, et le voir ainsi… m’énervait, il n’arrêtait pas<br />

de gueuler ! et ça me devenait insupportable… alors…<br />

— PUTAIN ! CHRISTOPHE ! TA GUEULE MAINTENANT !<br />

Immédiatement son attitude a changé, il m’a regardé, l’air étonné, du genre de<br />

celui qui ne <strong>com</strong>prend pas ce qui lui arrive. Et puis progressivement il s’est<br />

calmé. Je lui ai demandé ensuite, plus posément, mais sur un ton autoritaire tout<br />

de même, de s’asseoir sur le canapé : il a obtempéré sans faire de difficultés.<br />

Il pleurait toujours un peu, j’ai pris une chaise dans la cuisine et je suis venu<br />

m’asseoir en face de lui.<br />

— Allez, ça va aller…<br />

— Je veux voir maman.<br />

— Mais pourquoi ? Tu n’es pas bien ici ?<br />

— Nan.<br />

— Mais je suis ton copain pourtant ?<br />

— Alors pourquoi tu me laisses pas sortir ?<br />

— Parce que je ne veux pas qu’il t’arrive de mauvaises choses…<br />

— Hein ?<br />

— Oui, tu as vu dans quel état tu es ? Tu tiens à peine debout, et tu allais<br />

sortir <strong>com</strong>me ça ?<br />

— Mais pourquoi ? Ce matin je n’étais pas fatigué.<br />

— Ben… je sais pas… tu dois être malade.<br />

— AVEC TOI, JE SUIS TOUJOURS MALADE !<br />

Et il a re<strong>com</strong>mencé à pleurer de plus belle.<br />

J’ai encore fait deux ou trois tentatives pour le consoler, mais pas moyen, à<br />

chaque fois ça repartait dans les pleurs. Bien sûr, ce qui aurait pu le calmer<br />

c’était qu’il voie ses parents ou qu’au moins on les appelle, mais là vous<br />

<strong>com</strong>prendrez bien que c’était vraiment hors de question. Bref, devant cette<br />

situation bloquée, ses pleurs, mon mal de tête, moi aussi j’ai fini par craquer, et<br />

après avoir beuglé un dernier « J’EN AI MARRE », je suis sorti de l’appartement<br />

284

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!