J'ai mang l'innocence - elgweb.com
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" J’ai <strong>mang</strong>é l’innocence "<br />
(Erwan Le Goffic)<br />
— Monsieur ?... Co-nai-ssez vous le mon-sieur a-vec vous ?<br />
Après un instant, Christophe répondit :<br />
— M… m… oui.<br />
Le policier s’est redressé, affichant une légère moue, visiblement perplexe.<br />
Avant qu’il ne se pose trop de question, j’ai pris l’initiative de lui parler :<br />
— Il a juste trop bu… Là on rentrait à la maison.<br />
— Hmmm… hmmm… À la maison ? Vous êtes de la même famille ?<br />
J’ai répondu assez doucement, craignant que Christophe ne réagisse au<br />
mensonge que j’allais sortir :<br />
— Oui, frères.<br />
Il valait mieux ça que de dire qu’on était juste ami : Ça me paraissait plus<br />
crédible pour justifier de se retrouver sous la neige à une heure du mat’ pour<br />
ramener à pied quelqu’un qui a trop bu.<br />
Christophe a émis quelques gémissements, rien de <strong>com</strong>préhensible.<br />
Le policier est resté silencieux quelques secondes…<br />
Et puis en fin de <strong>com</strong>pte il a fini par me demander, l’air un peu gêné.<br />
— Mais votre frère, il n’est pas… heu…<br />
— Trisomique ? Oui, oui, c’est le cas… Enfin vous savez, ça ne l’empêche<br />
pas de boire !<br />
— Je vois… Et vous êtes encore loin de chez vous ?<br />
— Non non, cinq minutes tout au plus.<br />
— Et… vous ne voulez pas qu’on vous ramène ?<br />
J’ai dû redoubler d’effort pour que la peur ne transparaisse pas dans ma voix.<br />
— Heu… oh non ça va aller ! On ne va pas vous déranger…<br />
— Vous êtes sûr ?<br />
— Oui, oui. On est plus très loin, et puis lui et moi on a l’habitude de se<br />
débrouiller tout seuls vous savez.<br />
— Ah bon ?<br />
— Oui, enfin c’est seulement que nos parents n’habitent pas Nantes, c’est<br />
tout. On est ici dans un appartement en location : moi pour les études et lui pour<br />
travailler.<br />
— Travailler ?<br />
— Oui dans une cantine.<br />
— Ah… bon… Donc… vous ne voulez toujours pas ?<br />
J’ai affiché un joli sourire, genre poli et sûr de moi, pour lui répondre :<br />
— Non ça ira, sincèrement. Merci.<br />
— Eh bien, alors bonne fin de soirée messieurs.<br />
— Merci, à vous aussi.<br />
Sur ce, l’agent retourna s’asseoir au volant de sa voiture. Son collègue, lui,<br />
n’avait pas bougé de son siège pendant tout ce temps. Il mit le contact et<br />
échangea ensuite quelques mots avec son <strong>com</strong>parse avant de partir.<br />
En entendant le moteur de la voiture démarrer, j’ai <strong>com</strong>mencé à me détendre<br />
un peu. J’avais encore du mal à réaliser que je venais de m’en tirer.<br />
J’ai attendu qu’ils se soient éloignés pour trembler…<br />
Et pas que trembler d’ailleurs… Non, la peur avait été telle que je n’ai pas pu<br />
réfréner quelques larmes… J’ai alors sangloté pendant un moment, dans la rue,<br />
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