J'ai mang l'innocence - elgweb.com

" J’ai mangé l’innocence "
(Erwan Le Goffic)
— Bon ! Je vois qu’il y en a qui voudraient venir se présenter ! Alors je vous
propose un truc : que ceux qui veulent passer lèvent la main.
Trois ou quatre élèves ont levé la main de suite, et d’autres ont suivi assez
rapidement. Au final, il devait y avoir une vingtaine d’élèves la main levée,
affichant une mine réjouie. Frank les considérait tour à tour, puis regardait
ensuite un peu devant lui le temps de monter quelques marches : Il s’était en
effet décidé à passer dans les rangs. Il montait par l’escalier de gauche,
lentement, observant de temps à autre les mains levées.
— Eh bien, c’est cool ! Je vois qu’il y a des motivés !
Il était maintenant parvenu tout en haut.
— C’est marrant, j’avais envie de faire une petite ballade dans l’amphi, passer
dans les rangs comme font les profs pendant les DS 1 ! Ah, ils ont quand même le
bon rôle ceux-là, à nous surveiller pendant qu’on galère sur nos feuilles…
Il commençait à descendre par la droite. Moi, je faisais face au tableau, mais
j’entendais sa voix derrière moi.
— Enfin bref ! Je cause, je cause… mais allez… Qui vais-je donc désigner…
Hmmm… hmmm… ben tiens… toi !
Intrigué j’ai regardé un peu devant moi pour voir qui allait se lever… personne.
Je me suis alors tourné sur le côté pour voir ceux assis plus haut : personne non
plus. Par contre j’ai vite remarqué que tous les regards étaient pointés sur moi,
c’était sans équivoque, tout le monde me regardait, affichant des sourires plus ou
moins marqués. Pétrifié, j’ai quand même osé jeter un regard vers Frank : Il me
fixait, un sourire satisfait sur les lèvres, le doigt encore pointé vers moi.
— Allez ! Ne me regarde pas avec un air aussi ahuri !
Dans l’amphi, ça ricanait un peu. Je n’avais pourtant pas levé la main, alors
pourquoi m’avait-il désigné ?
— Ben oui, t’as pas levé la main ! Mais bon, allez ! on est là pour se marrer,
non ? Eh puis, faut pas avoir peur comme ça !
Je suis resté à le regarder, silencieux, circonspect, je me sentais vraiment mal
à l’aise.
— Alors, comment t’appelles-tu ?
Oh purée ! Il allait falloir que je réponde ! Je me concentrais pour éviter de
trembler, j’avais envie de partir, de fuir, je cherchais un moyen de me défiler, la
panique me gagnait… Et puis sans que je ne l’aie vraiment décidé
consciemment, j’ai répondu :
— David monsieur.
— David comment bizut ?
— David Rousseau.
— Hein ?
— David Rousseau monsieur.
— Eh bien bizut David (ça commençait à m’énerver ce « bizut machin »,
« bizut truc »). Allez à l’estrade nous en dire un peu plus sur vous.
Je ne voyais vraiment aucune autre alternative que celle de lui obéir, alors j’ai
bien dû me résoudre à me lever. Je n’ai pas trop osé regarder autour de moi,
mais je savais que tout le monde me fixait. Je suis passé derrière le seconde
1 DS : devoir surveillé
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