J'ai mang l'innocence - elgweb.com

" J’ai mangé l’innocence "
(Erwan Le Goffic)
la viande en cas de soucis. D’ailleurs j’avais beau retourner le problème dans
tous les sens : il fallait que je tente ma chance tant qu’il était en train de mâcher
son escalope, après ça ne pouvait qu’être pire, il n’y avait donc pas à hésiter plus
longtemps.
J’ai doucement fait les quelques pas qui me séparaient du couloir, et tout
aussi doucement fis face au monstrueux Yorkshire. Celui-ci continuait de
mâchonner son butin, il avait un côté pathétique à s'échiner pour déchiqueter ce
bout de viande avec sa petite gueule de chienchien minuscule… Ça n’a été que
quand j’ai voulu m’approcher de lui qu’il releva la tête subitement. Il me regarda
fixement pendant un instant, puis il commença à grogner : Un bruit sourd qui a
priori n’allait pas réveiller ses maîtres… mais il s’est mis à grogner plus fort dès
que j’ai essayé d’approcher une main vers lui… ça n’était pas gagné. S’il
réveillait Robert et sa cheftaine, ça pouvait très mal tourner pour moi. Quelle
solution me restait-il ? Le prendre sous le bras et partir en courant ? Ça allait
faire un raffut de tous les diables, je n’aurais pas le temps de fermer mon
ancienne chambre à clef en partant, et s’ils avaient un peu de jugeote, ils allaient
deviner qui était venu… Encore pire, si l’un d’eux avait le temps de descendre,
ou bien ouvrait ses volets et me voyait partir, ils pouvaient me reconnaître…
Non, trop risqué… Donc qu’est ce que je pouvais faire alors ? Rien, à part m’en
aller sans mon « butin »… ce que j’ai fini par me convaincre de faire. Alors
résigné, j’ai commencé à reculer doucement, mais Trébor, ce sale cabot, ne
décrochait pas ses yeux de moi, et il grognait toujours : saloperie d’animal tiens !
J’ai à peine fait deux pas en arrière qu’il s’est avancé vers moi, il s’est aussi mis
à grogner encore plus fort… je n’osais plus cligner des yeux. Et lui, horreur ! m’a
contourné et est venu se placer sur mon chemin de retraite. Il commençait à faire
de plus en plus de bruit et je ne pouvais qu’espérer que les deux en haut
dormaient profondément. Là je peux vous dire que je paniquais sévèrement.
C’était humiliant, mais je tremblais comme une feuille face à ce truc qui faisait
preuve de son autorité du haut de ses trois pommes, saloperie de crétin de
bestiole ! Je n’osais plus bouger, mon cœur battait à tout rompre dans ma
poitrine.
Tant pis, j’allais prendre la fuite, partir en courant, parce que je ne voyais plus
d’autre solution de toute façon… Et puis là, en regardant vers la sortie, j’ai
aperçu, posé sur la commode, une laisse.
Et de suite j’ai eu une idée.
Elle était à ma portée. J’ai tendu le bras, mais lentement pour éviter de faire
aboyer l’erreur de la nature qui me tournait autour, et j’ai attrapé doucement la
laisse du bout des doigts. Je me suis alors accroupi tout aussi délicatement pour
présenter l’objet à la chose… et à mon agréable surprise, ça a fonctionné :
Trébor en voyant la laisse a arrêté de grogner. Un peu méfiant dans un premier
temps, il a fini par venir se placer tout près d’elle et s’est assis en me regardant
d’un air suppliant : Le petit toutou voulait aller se promener ! Sans attendre plus
longtemps j’ai fixé doucement le petit mousqueton de la laisse au collier de
l’animal : celui-ci se laissa faire docilement, j’allais donc pouvoir le sortir de la
maison à priori sans souci. Pour partir de là, j’ai alors voulu prendre le chemin de
mon ancienne chambre vu que la porte était déjà ouverte, mais Trébor rechigna.
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